VÉRITÉS MASQUÉES et TRONQUÉES : cas 1 — CHARGES et COÛTS SALARIAUX —

par hugo BOTOPO
jeudi 16 mars 2017

Des "VÉRITÉS" rabâchées par les économistes et les politiques deviennent des dogmes intangibles, alors que leurs applications dans le monde réel sont souvent fausses et/ou inadaptées. Plusieurs cas typiques sont analysés dans une série d'articles :

- cas 1 — Charges et coûts salariaux ;

- cas 2 — Dettes publiques, BCE et remboursements ;

- cas 3 — Croissance démographique et implosion planétaire ;

- cas 4 — Démocratie et financiarisation néo-libérale : l'inévitable confrontation ;

- cas 5 — Europe champ de ruines de la mondialisation.

 

CAS 1 — CHARGES et COÛTS SALARIAUX

 

En France, depuis des lustres et plus encore en campagne électorale, les coûts salariaux avec des charges salariales élevées sont pointées du doigt comme étant la principale cause de nos déséquilibres économiques concernant le chômage élevé, la perte de compétivité avec nos partenaires (concurrents sans états d'âme), le déficit chronique de la balance commerciale. À cela, les pleureuses ajoutent une trop lourde imposition des profits ne permettant plus d'autofinancer les investissements. Le chômage de masse n'étant que l'indicateur de l'inadaptation de l'économie française et de ses travailleurs car les grands (et moyens) patrons ont su faire passer leurs salaires et primes diverses de 20 fois les bas salaires (dans les années 1950/60), à plus de 100 fois (si ce n'est 500 fois pour quelques-uns) : ils font preuve d'une grande adaptation à l'économie mondiale !!! sans que leurs entreprises se développent avec les mêmes taux de progression.

L'économie française est atone et les grands "médecins en économie" avec un langage et une prestance digne du "médecin malgré lui" trouvent des réponses comparables à "votre fille est muette car elle a perdu l'usage de la parole". Pour sortir du dilemme de la poule et de l'oeuf, la croissance indispensable dans une société où le nombre de naissance est supérieur au nombre de décès (et de départ en retraite) avec pour les uns "il faut une politique de l'offre" même avec une demande atone des consommateurs aux moyens en régression, et pour les autres "il faut une politique de la demande" avec des hausses de salaires permettant surtout de se payer des produits importés du fait que depuis des décennies la recherche du profit a conduit les entreprises à se fournir dans les pays à bas salaires, quitte à licencier les travailleurs français, et à casser l'industrie française.

La France serait écrasée de charges publiques surtout pour la protection sociale et ces charges pèsent sur les coûts salariaux (du salarié et de l'entreprise) ; mais les Français tiennent à maintenir leur niveau de protection sociale en terme de santé, de retraite et de famille. Alors les économies salvatrices ne peuvent venir, d'une part, qu'en réduisant les allocations de chômage, les dépenses de santé donc les revenus globaux des médecins (généraux et spécialistes), des divers personnels de santé, des établissements de soins et des fournisseurs de médicaments (l'industrie pharmaceutique et les pharmaciens) et de prothèses (dentisterie, optique, audition) et, d'autre part, qu'en récupérant les cotisations "oubliées" des entreprises (et accessoirement en réduisant la fraude de certains allocataires). Mais ces solutions de bon sens ne sont pas à l'ordre du jour : l'ensemble des professions de santé crie famine et veut des revalorisations, et le patronat veut des allégements de charges sociales !!

Comparaison avec d'autres pays de l'UE

C'est toujours mieux ailleurs et surtout chez notre grand voisin, l'Allemagne, le grand modèle ! Ce pays avec des comptes sociaux en excédent et une balance commerciale excédentaire (> 8% du PIB, plus de 250 Md €) fait fantasmer les élites politiques et économiques françaises.

Les pays scandinaves sont des autres modèles de bonne protection sociale avec des contraintes de solidarité bien admises et partagées par tous. Au Danemark, il n'y a aucune charge patronale sur les salaires (le rêve de Gattaz et des patrons français) seulement une TVA au taux de 25% intervenant pour 33% des recettes fiscales et des impôts directs (revenus et sociétés) pour 53% des recettes fiscales totales : la protection sociale est alors couverte par les impôts directs et indirects : lorsqu'un Français voit la part d'impôts directs sur les revenus que verse les salariés Danois (et autres retraités, investisseurs,...), il tombe dans les pommes ou (pour les moyens et gros revenus) c'est l'apoplexie !

La comparaison avec l'Allemagne est riche d'enseignements, surtout sur les caractéristiques spécifiques qui faussent totalement la comparaison.

On se plait à mettre en avant les fameux accords Hartz étalés sur plus de 10 ans (I, II, III et IV). La dernière phase IV mise en oeuvre en 2005 concerne le chômage : indemnisation (selon ancien salaire) limitée à 12 mois ; après, le chômeur sort des statistiques (heureux effet) car ils va "travailler" et passe en régime d'aide sociale personnalisée selon revenus et patrimoine et sous conditions telles qu'accepter des jobs d'utilité publique à 1 € de l'heure ou des "mini jobs" à 400 € par mois !! Sur le plan des statistiques ça marche bien ! Pour la croissance de la pauvreté aussi !

Pour les charges sociales depuis le 01/01/2007 après le passage de la TVA du taux de 16% au taux de 19% , 1% du taux de TVA est affecté à l'assurance chômage dont le taux de cotisation passe de 6,5% à 4,5%. Les différentes données des cotisations et financements publics ne sont pas toujours recoupables d'un document à un autre : la part salariale serait plus faible en France, mais en intégrant la CSG française c'est l'Allemagne qui prélève le moins en part salariale ! La seule valeur généralement admise c'est que les prélèvements sociaux en Allemagne sont inférieurs de 2 points de PIB à ceux de la France : Allemagne 27,5% et France 29,6%. Alors patrons français de monter à l'abordage et de crier famine ! Comme les pourcentages des prélèvements varient avec le niveau des salaires (effet limiteur du plafond de la Sécu en France et d'exonération sur les bas salaires compensées par une dépense publique de l'État), les valeurs retenues sont au niveau global du pays.

Maintenant il est impératif d'expliciter les dessous des valeurs présentées en place publique si l'on veut faire une comparaison équitable. Et de tenir compte de différents effets :

- effet démographie : dans l'absolu l'Allemagne a moins de naissances que la France et en pourcentage ramené à la population les naissances allemandes sont à un niveau de 65 à 70% des naissances françaises. Ceci entraîne des dépenses liées à la famille inférieures à ces pourcentages car l'Allemagne est plus pingre en prestations familiales (crèches publiques, maternelles en bas-âge, allocations familiales...) que la France, même si récemment un plan de forte revalorisation des actions envers les familles est lancé. D'où un écart de moindres dépenses de l'ordre de 1% en PIB en faveur de l'Allemagne.

- effet balance commerciale positive : les exportations allemandes sont affectées des charges sociales pesant sur les salaires. Les importations (hors pétrole et gaz) sont aussi affectées des charges sociales des pays d'origine, mais elles sont souvent plus faibles que sur les exportations, la balance commerciale étant positive de plus de 250 Md € (en incluant les hydrocarbures) et de l'ordre de 300 Md € (supérieur à 8% du PIB) en excluant les hydrocarbures. Les caisses de Sécurité Sociale allemande (maladie, retraite, chômage, famille, accidents) ont ainsi des recettes payées par les clients extérieurs de l'ordre de 8 x 0,275 = 2,2 % PIB  ! Cet écart justifie déjà le différentiel de prélèvements et le léger excédent des caisses allemandes. Ce prélèvement sur les clients, en grande partie membres de l'UE, est ignoré au point que des élites allemandes fustigent les pays "amis voisins" pour leur recettes insuffisantes de leurs comptes sociaux !

Inversement, la France avec sa balance commerciale déficitaire, vis-à-vis de l'Allemagne (36 Md € en 2015), contribue au financement des comptes sociaux allemands à hauteur d'une dizaine de Md € !!!

- effet robotisation et investissements de production : la question de la participation des robots et équipements automatisés de production au financement de la protection sociale est posée par des économistes du fait du remplacement des travailleurs par des automates. L'Allemagne est doublement pionnière dans la réalisation/conception de robots et de machines de production, et dans leur utilisation dans ses entreprises du fait de l'insuffisance de jeunes pour prendre la relève des anciens partant en retraite (au point d'importer de la main d'oeuvre immigrée déjà formée aux frais des pays d'origine : gains de plusieurs dizaines de Md € chaque année depuis l'an 2000, soit encore quelques points de PIB). L'Allemagne n'a pas sacrifié ses industries mécaniques (métallurgie, machines outils, chaînes de production automatisées, automates de pilotage) contrairement à la France privilégiant les délocalisations et fermant ses usines : les équipements de production automatisés en Allemagne sont conçus et fabriqués dans le pays, par de la main-d'oeuvre allemande, de la métallurgie de base aux machines-outils, de la conception au montage et à la mise en fonctionnement. Donc, en très grande partie, les investissements de production sont constitués de main-d'oeuvre allemande soumise aux prélèvements sociaux : ainsi plus de 20% en valeur des différents équipements (robots et machines) alimentent les comptes sociaux ! En comparaison, en France, la plus part des machines et automates de production étant importes (principalement d'Allemagne) il n'y a pas d'effet contributif analogue pour les comptes sociaux.

- effets de taille des entreprises : ces effets ne jouent pas directement sur le niveau des prélèvements sociaux, mais sur la rentabilité et la productivité. Le patronat français impute aux niveaux élevés des prélèvements sociaux une rentabilité insuffisante. Il est des activités comme les bureaux d'études et de recherche, le marketing, la publicité, la gestion et l'administration qui sont "imputées", "digérées", "prises en charge" par le volume de production et de vente qu'elles gênèrent. Par exemple, concevoir, étudier, tester, mettre en fabrication, promouvoir commercialement, une voiture nouvelle, coûte une grosse somme à amortir sur le volume de production induit. Ainsi VW qui a produit 5 à 10 fois plus de Coccinelle ou de Golf que Renault en Dauphine et Clio (ou Mégane), peut dépenser (avec même des coûts salariaux bien plus élevés) 2 à 3 fois plus que Renault, tout en ayant une part plus faible d'amortissement de ces diverses dépenses affectée à chaque véhicule vendu, tout en améliorant sa profitabilité. Les regroupements Peugeot/ Talbot/ Citroën/... Opel, et Renault/Nissan sont imposés pour "mieux amortir" des éléments communs (mécaniques et informatiques, frais de conception et de vente) et reconstituer des marges. Le patronat français ne peut pas se dédouaner de sa frilosité, de son manque d'ambition et d'adaptation, bref d'une certaine incompétence ! Dans ce domaine, la course aux salaires démesurés de certains patrons français, pour être à la hauteur de leurs homologues étrangers, doublés d'une restriction des salaires des ouvriers et vrais créateurs de richesses (biens et produits) et de licenciements d'adaptation, est un déni des réalités économiques !

 

Vers une réforme en profondeur du financement de la protection sociale doublée d'une réduction potentielle du chômage. Avec l'instauration d'une TVA sociale.

Il n'est pas facile de faire adopter une bonne réforme par les forces récriminatrices sévissant en France. Les politiques ont peur des manifestations de rue et des politiciens frondeurs prêts à casser la baraque. Pourtant Fourcade a introduit la TVA, finalement adoptée par tous. Rocard y est allé avec sa CSG, pour faire contribuer (payer) les retraités et les revenus mobiliers et immobiliers au financement des comptes sociaux.

Depuis quelques années, nos élus "petits-bras" par démagogie élective, font une mauvaise cuisine de baisses tonitruantes et d'augmentations silencieuses, en charges sociales, exonérations diverses et impositions déguisées. Tout en prétendant attribuer aux directives européennes (qu'ils ont votés) leurs manques d'actions et les mesures d'austérité. Lorsque l'on examine chez nos voisins, les différents modes de financement de la protection sociale et des dépenses publiques, tous compatibles avec les règles européennes, le champ des possibilités offertes à notre classe politique est vaste. Leur courage, lui est des plus réduit !

Sans vouloir chambouler les fondamentaux, un alignement de la TVA sur les taux élevés déjà pratiqués par plusieurs pays (Hongrie 27%, Suède, Croatie et Danemark 25%, Finlande et Grèce 24%) en retenant le taux maximum de 25% au lieu de 20% actuel, les 5% supplémentaires sur les différents taux, étant affectés à la protection sociale, (TVA dite sociale) devrait permettre à la fois de baisser les diverses charge sociales (et les coûts des produits (biens et services)) et même de compenser dans un moindre écart la CSG sur les retraités. La France étant un grand importateur de biens et marchandises, cette TVA sociale aidera à améliorer la balance commerciale.

Si l'augmentation de 5% en une seule fois est préférable, car augmenter en douceur de 1% chaque année sur 5 ans, pour en atténuer les effets, ne provoquera pas un choc salutaire, cette augmentation doit être accompagnée non seulement des mesures compensatoires induites, mais encore et surtout elle ne peut être pleinement efficace que si les Français, consommateurs et producteurs, sont impliqués directement et solidairement, pour leur avenir, celui de leurs nombreux enfants et pour la France ! Et aujourd'hui, dans la campagne électorale (mauvaise série de télé-réalité crash) des sauveurs sont porteurs de mesures miraculeuses : ils vont sortir les Français du languissant marasme. En aucun cas ils n'impliquent ces Français comme acteurs conscients de l'indispensable redressement !


Lire l'article complet, et les commentaires