Vous avez dit rareté ?

par Geneste
lundi 8 février 2010

Dans l’avion de retour, ce week-end, je lis La tribune. A la rubrique éditoriaux et opinions, en page 13, je tombe sur un article de Valérie Second intitulé « derrière la bataille des programmes d’économie ». L’article est un condensé de clichés concernant la soi-disant ignorance de la population française en matière d’économie. Selon cette dame, 4 français sur 10 ne sauraient pas ce qu’est le chiffre d’affaire d’une entreprise. Manifestement, elle ne doit pas vivre dans le même pays que moi. Depuis longtemps en effet, j’ai remarqué que les français, en moyenne, sont nuls en maths. Mais mettez leur des unités en euros, en dollars ou autre monnaie convertible quelconque, et là, vous verrez apparaître le potentiel génie français ! Rajoutez leur que ce qu’ils calculent concerne ce qui ira dans leur poche ou en sortira et vous aurez face à vous de potentiels Maurice Allais ! Aussi, je prise très peu ce genre d’article, qui tend à accréditer des faits concernant les français qui me semblent généralement faux.

Mais le journal La Tribune est un journal économique et il faut bien toiser le lecteur pour qu’il se sente ignare et gobe ce qu’on lui raconte. J’ai utilisé le verbe « gober », populaire, parce que ce même journal, comme ses confrères qui sont spécialisés dans l’économie, nous a raconté des salades à n’en plus finir, pendant des années, sur la croissance, la mondialisation, l’ingénierie financière et j’en passe. Oui, jamais un journal économique, disons depuis la fin 2007, n’a pris la peine de s’adresser à ses lecteurs en leur présentant ses excuses et en reconnaissant que les analyses économiques distillées au fil des années étaient, de facto, erronées, polluées par une idéologie sous-jacente qui est devenue, de facto encore, l’idéologie dominante, etc. Il faudrait faire une analyse minutieuse et complète pour mesurer combien ces journaux ont été néfastes à l’humanité en général et aux français en particulier. A titre d’exemple, dans le numéro de samedi, on trouve, à quelques pages d’écart, une forme de plaidoyer pour les pétroliers qui ont des problèmes de surcapacités de raffinage, Shell notamment, on insinue même que le gouvernement devrait leur offrir un délai sur certaines taxes qui vont réduire la consommation de carburant, mais dans le même temps, on fait état d’un bénéfice de la même société Shell de 20 milliards de dollars. Même en euros cela fait encore beaucoup !

Mais il y a pis dans l’article de madame Second. Alors que l’article est censé souligner l’opposition de vue quant à la finalité de l’économie que crée la réforme des programmes d’économie des lycées, Valérie Second écrit  que faire de l’économie, c’est apprendre à gérer la rareté des moyens. Certes, elle semble retranscrire la vue d’une des parties (celle du gouvernement et de l’enseignement supérieur). Or je crains là que nous soyons encore dans la collaboration la plus totale avec la vue traditionnelle des autorités. En effet, tout un chacun, dans sa vie, s’est trouvé confronté à la rareté des moyens. Vous voulez acheter une maison, une voiture, de l’électroménager, etc., et vous n’avez pas toujours les moyens. Dans le meilleur des cas, vous devrez avoir recours au crédit. Or il en est certains pour qui la rareté des moyens semble bien différente. Au plus fort de la crise, il manquait des liquidités ? Pas de problème ! Les différents plans de relances culminent aujourd’hui à plus de 3000 milliards de dollars, et cela au profit des malfrats ! Lyndon Larouche, en 2004, avait fait état de produits financiers, au niveau planétaire, de 800 000 milliards de dollars alors que le PIB mondial était évalué à 43 000 milliards de dollars, soit 20 fois moins. Or la première somme n’est-elle pas ce qui est parié sur l’augmentation de la deuxième ? Et est-ce raisonnable ? Et pourquoi rien n’a-t-il été changé ? Et y a-t-il rareté de la ressource financière quand on en est à ce niveau de spéculation ?

Non, vraiment, si je doute que 4 français sur 10 soient à ce point ignares de ce qu’est un chiffre d’affaire, je doute encore plus de la compétence de certains  journalistes dits économiques qui, non seulement ne voient pas davantage venir les crises que le quidam de la rue, mais continuent à colporter de pseudo-vérités éculées qui ne font plus rire personne tout en se permettant de donner des conseils voire des leçons. Si une révolution devait un jour intervenir, peut-être est-ce là qu’il faudrait commencer : régler le sort de l’information. J’en prends un dernier exemple. Je commence à faire partie des gens qui ont une réelle expérience de la vie. J’entends, depuis mon plus jeune âge, parler de croissance. Or, autour de moi, l’essentiel de ce que je vois croître, c’est le chômage, la misère, le sous-emploi, la tristesse, le stress, le mal-être, le mal-vivre, la mal-bouffe, etc. Alors, mesdames et messieurs les journalistes économiques, épargnez-nous vos sornettes, le jour où il y aura une vraie croissance, nous vous avertirons car nous le verrons, mais, avant cela, il faudra probablement changer l’idéologie dominante et délétère que vous colportez et qui nous devient insupportable. Pour, en quelque sorte paraphraser certain philosophe, je conclurai en disant :

La rareté des ressources est organisée par ceux qu’elle ne concerne pas au détriment de ceux qu’elle concerne réellement et cela dans un but purement conservateur de reproduction sociale.


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