Fukushima, plus jamais ça !

par olivier cabanel
vendredi 15 avril 2011

Finalement, l’autorité nucléaire s’est décidée, devant l’évidence, à classer Fukushima au niveau 7, le niveau le plus élevé, (accident majeur) mettant la catastrophe au même rang que celle de Tchernobyl.

Pour nombre de japonais, le parti démocrate japonais a manifestement retardé l’annonce du reclassement du niveau de gravité, passant de 6 à 7, afin d’attendre la fin d’élections locales. lien

La Chine voisine s’énerve logiquement et accuse le Japon d’avoir trop tardé à admettre la gravité de l’accident. lien

Il y aura donc « un avant » et « un après » Fukushima et la peur nucléaire pourrait bientôt s'étendre au-delà du Japon tant les nouvelles sont alarmantes.

Des traces de strontium ont été découvertes dans le sol et dans les plantes, apportant la preuve que la fusion du cœur du réacteur était bel et bien en cours.

Le strontium est un élément radioactif produit par la fission nucléaire. Lien

Monique Sene, Physicienne cofondatrice du GSIEN, (lien) que je me suis permis de joindre affirme « le strontium accompagne le césium et se déplace moins, mais la présence de ces radioéléments signe une fusion du cœur et pas seulement des fissures de gaines. D’ailleurs les explosions hydrogène provenaient probablement de la réaction zirconium-eau qui est très exothermique et donc fait monter la température permettant d’atteindre la fusion du cœur »

Une confirmation de cette fusion totale a été donnée par l’agence Reuter qui la tient d’un élu républicain, Edward Markey : « le noyau du réacteur nucléaire de Fukushima au Japon est entré en fusion et à traversé la cuve du réacteur (…) j’ai été informé par la CNR (commission de règlementation nucléaire) que le noyau a tellement chauffé qu’une partie de celui-ci à probablement fondu dans la cuve du réacteur (…) (le corium) se dirige vers le fond de la structure de confinement, impliquant que le dommage est encore pire qu’on ne le pensait (…) il brûle ensuite de manière incontrôlée à travers la fondation en béton » lien

Le risque est maintenant qu’une fois le béton « traversé », ce corium rencontre de l’eau, et comment ne la rencontrerait-il pas, vu les quantités d’eau douce, et d’eau de mer déversées depuis un mois sur les réacteurs. lien

Bernard Laponche, physicien, nous donne dans cette vidéo une explication claire de l’accident.

Sur ce lien, un exposé de la situation actuelle.

A Tchernobyl, un extrait du rapport « officiel » explique : « Le 8ème jour, le corium à fondu à travers le bouclier biologique inférieur et s’est écoulé sur le sol. Cette redistribution du corium aurait intensifié les rejets de radionucléides pendant la dernière phase de la période active ». lien

Mais alors qu’à Tchernobyl, les produits radioactifs relâchés étaient entre autres du césium 137 dont la période ou « demie vie » est de 30 ans, à Fukushima, il y a aussi du plutonium 239 dont la période est de 24 000 ans.

Or, une dose de l’ordre d’un microgramme de plutonium suffit à tuer (lien) et à Fukushima, il y en a plusieurs centaines de kilos. lien

Comme si ça ne suffisait pas, un nouveau problème vient de surgir. Il concerne la piscine n°4 de laquelle se dégage une radioactivité 100 000 fois supérieure à la normale prouvant des réactions de fission

Or on découvre aujourd’hui que dans cette piscine, outre le combustible usagé, il y a aussi 204 barres de combustible neuf, et ce serait l’injection d’eau chargée en radioactivité qui aurait déclenché la fission.

Un drone a été envoyé sur place le 14 avril pour étudier l’extraction de ces barres « neuves », mais les niveaux très élevés de radioactivité rendent l’opération « très difficile ». lien

D’autre part, la zone d’exclusion vient d’être enfin élargie aux 30 kilomètres alors que d’autres experts pensent qu’il serait sage de l’élargir à un rayon de 80 à 100 km. lien

D’ailleurs, le 30 mars, de forts taux de radioactivité avaient été découverts à 40 km du site nucléaire : les experts de l’AIEA ont mesuré un niveau de 2 méga becquerels par mètre carré dans le village de Litate. lien

Mais n’est-il pas déjà trop tard pour l’évacuation des japonais menacés ? lien

Les japonais chassés de chez eux ont un mois pour trouver une solution (lien) et ils ne sont pas acceptés dans les centres d’accueil s’ils sont contaminés. lien

Une dépêche de l’AFP nous apprend qu’un japonais de 102 ans a préféré se donner la mort plutôt que de quitter sa maison, et qu’à Tokyo les japonais achètent volontairement des légumes radioactifs par solidarité avec les rescapés de la catastrophe. lien

Akira Kurosawa, dans son film de 1990 « Rêves  » avait eu une vision prémonitoire du cauchemar qui pourrait se produire bientôt. lien

La prise de conscience tardive du danger du nucléaire semble s’accélérer, puisqu’au Japon, un projet de réacteur nucléaire qui devait rentrer en service en 2019 vient d’être gelé. lien

Ailleurs, dans le monde, il semble que les consciences se soient enfin réveillées.

Micheline Calmy-Rey, présidente de la Suisse, à l’issue d’entretiens qu’elle a eu avec Heinz Fischer, le président Autrichien, affirme que son pays envisage sérieusement de sortir du nucléaire, réfléchissant aux différents scénarios possibles.

D’autre part, sans attendre les expertises qui vont être menées par l’Union Européenne, la Suisse a déjà effectué des tests complets de sécurité sur ses 5 centrales nationales. lien

En France, « un coup de froid » est redouté par les acteurs de la filière nucléaire française et ses 100 000 employés.

Un employé d’EDF, ancien formateur, à déclaré « c’est la métaphore du tigre dans la maison. Pour rassurer vos amis, et les convaincre de venir diner chez vous, vous l’enfermez à double tour dans une pièce sans fenêtre, vous montrez la pièce aux visiteurs et tous vos systèmes de sécurité. Avec le temps, ça marche : vous en oubliez presque que vous vivez à côté d’un fauve. Mais quoique vous fassiez, l’animal est là, derrière le mur. Et à Fukushima, le tigre a fini par s’échapper ».

Il continue : « ce qui me mine, c’est de lire dans le journal un scénario catastrophe qui n’était jamais censé se produire…ce qui se passe au Japon, la fusion simultanée, peut-être, de 3 réacteurs, c’est un cas de figure que nous n’avons jamais travaillé en simulateur (…) ça ne devait pas arriver » lien

Serait-on rentré dans le « temps du doute » ?

Jacques Attali réclame un branle bas de combat et demande que, devant le danger qui menace la planète, tous les moyens mondiaux soient mis en place pour tenter de sauver ce qui peut encore l’’être, et affirme «  il n’est plus temps de s’interroger sur le droit ou le devoir d’ingérence. Mais d’agir  »

Jean-Marie Pelt, le célèbre botaniste à déclaré avec lucidité : « avec le nucléaire, les hommes se sont pris pour des dieux  ».

A Strasbourg, c’est une première, le conseil municipal vient de prendre une décision historique à la quasi unanimité (une abstention) : UMP, PS, Centre, Verts ont voté le 12 mars la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim.

Une pétition a été lancée pour cette fermeture et on peut la signer sur ce lien.

Par contre Sarközy, tout en s’engageant à fermer les centrales nucléaires défaillantes, refuse de les faire expertiser par des équipes de contrôle internationales. lien

En réalité, le gouvernement espère que dans 6 mois, l’émotion sera retombée, et André-Paul Lacoste, président de l’ASN (autorité de sureté nucléaire) a d’ores et déjà annoncé qu’aucune centrale ne serait arrêtée. lien

Pourtant l’EPR semble avoir du plomb dans l’aile, puisque l’ASN envisage un audit pour le site de Flamanville, en cours de construction dans la Manche, avant d’autoriser la reprise des travaux. Lacoste précise « il s’agit de réfléchir à ne pas bâtir telle ou telle partie de la centrale qui serait ensuite appelée à être modifiée pour améliorer la sûreté ».

On comprend entre les lignes qu’il reconnait que l’EPR n’a pas plus été étudié que les 58 autres réacteurs français afin de résister à un enchainement de catastrophes naturelles. lien

Toujours en France, la centrale de Chinon vient d’être épinglée par l’ASN pour manque de rigueur, et elle demande à EDF de prendre des mesures fortes pour corriger les dysfonctionnements.

Nicolas Forray, délégué territorial de l’ASN à déclaré « la situation technique de Chinon (…) en fait l’une des centrales les plus mal gérées du parc EDF  ». lien

Eric Besson, jamais à l’abri d’une gaffe, droit dans ses bottes, a annoncé que le groupe informatique français Bull allait fournir au Japon un supercalculateur destiné à la recherche sur la fusion nucléaire contrôlée. lien

Il est probable que les japonais aient pour l’instant d’autres préoccupations :

Depuis qu’ils ont modifié les doses acceptables pour les travailleurs du nucléaire japonais, passant de 100 à 250 milli sieverts, les sociétés intérimaires japonaises peinent à trouver des candidats pour se rendre sur le chantier de Fukushima, ceux-ci ayant compris que les risques de cancers sont encore plus grands. lien

La pétition lancée le 18 mars pour un référendum pour sortir du nucléaire est toujours à signer sur ce lien.

Certains envisagent des solutions radicales, comme celle de bombarder purement et simplement les réacteurs « afin de limiter les risques d’un scénario apocalyptique ». lien

Le pompon revient à Wolfgang Weiss, président du conseil « scientifique » des Nations Unies qui a déclaré sans rougir «  L’accident de Fukushima n’est pas dramatique, il n’y aura pas d’impact grave sur la santé  ». lien

Nous voila rassurés, car comme dit mon vieil ami africain :

« Il vaut mieux arriver en retard dans ce monde qu’en avance dans l’autre »

L’image illustrant l’article provient de « goodplanet.info ». Elle a été réalisée par l'association Greenpeace.

Merci aussi à tous les internautes, qui par les infos qu’ils m’ont fait parvenir, ont permis cet article.

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