Frêt, la nouvelle bataille du rail

par olivier cabanel
mardi 9 janvier 2007

A l’heure où le citoyen s’adonne à l’écologie poujadiste, caricaturant les problèmes et leurs solutions, il faut s’interroger sur l’alternative tout camion-fret ferroviaire.

Bien sûr, la logique est simple, les camions nous empêchent de rouler, provoquent des accidents, polluent, et en conséquence, il faut les envoyer sur le rail. Mais ne faut-il pas d’abord s’interroger sur la faillite totale que représente aujourd’hui le fret ferroviaire ?

Les entreprises ne choisissent pas de gaieté de cœur la route plutôt que le rail. Elles ont fait un constat économique : le rail est trop cher, trop lent, et pas assez fiable. Transporter par le rail coûte aujourd’hui deux fois plus cher. Ne parlons pas des wagons qui se perdent ni des aberrations de transport : les eaux minérales d’Evian, mises alors sur le rail, partaient d’abord à Lyon avant de repartir vers l’Italie ! Alors, la solution toute faite apparaît : il faut taxer les camions qui utilisent routes et autoroutes, et se servir de cette manne pour financer le rail, ainsi il y aurait rééquilibrage entre la route et le rail... D’abord, on oublie que cette taxe finira par sortir de notre porte-monnaie, et il n’est pas sûr que les transporteurs, même à prix égal, se tournent alors vers le rail.

Profitant de la situation, des élus de haut rang préconisent la création de voies nouvelles dédiées au fret, et pour faire plaisir aux Savoyards du Mont Blanc, proposent un axe Lyon-Turin, dans la logique d’une transversale entre l‘Angleterre et l’Italie.

Nul doute que d’un référendum régional ce choix ferroviaire sortirait grand vainqueur !

Et pourtant, tout porte à croire que ce projet ne résoudra pas le problème du transfert des marchandises de la route vers le rail, et ceci pour trois raisons.

1) Interrogée sur leur choix de ligne fret entre l’Angleterre et l’Italie, EuroTunnel, principale intéressée, a choisi son tracé : Metz, Bâle via Milan, bien loin de Turin et de Lyon.

2) Le premier projet de fret ferroviaire ne devrait-il pas porter sur un tracé ayant la plus grosse fréquentation pour la France ? Or pour un maximum de 5000 camions par jour sur le Lyon-Turin, il y en a 20 000 dans les Pyrénées.

3) Le report des marchandises de la route vers le rail passe plus par une nouvelle technologie de fret ferroviaire que par la création d’une ligne nouvelle : en effet, pour concurrencer sérieusement la route, il faut remplir trois conditions : rouler à 150 km/h, franchir des pentes de 3%, et surtout être capable de charger et décharger les marchandises en moins de cinq minutes.

Or aujourd’hui, les convois se traînent 7 km/h, et mettent des heures à charger et décharger.

Ce système existe, il s’appelle r-shift-r (voir le site du même nom). Il a un concept quasi révolutionnaire, puisque pour répondre aux deux premières conditions, pente et vitesse, les inventeurs ont imaginé une locomotive qui au lieu de tirer des wagons, produit de l’énergie, laquelle est répartie sur chaque essieu.

Pour le chargement, un automate place parallèlement à la voie les remorques, et soulevant le chargement de quelques millimètres, glisse celui-ci sur le convoi : chargement en trois minutes !

On le voit, la réussite du fret ferroviaire est possible, mais nous prenons le chemin inverse, en étant prêts à gaspiller vingt milliards d’euros pour un projet calamiteux. On vient de découvrir des tonnes d’amiante à l’emplacement du tunnel de base, et on se propose de déverser impunément dans la combe du Grand Paradis, zone protégée, l’équivalent de trois pyramides de Khéops de roches amiantifères, et cerise sur le gâteau, de minerai radio-actif.


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