Vite et Bien ne sont pas compatibles

par olivier cabanel
mercredi 27 janvier 2010

Le 23 janvier 2010, des associations françaises, Espagnoles et Italiennes se réunissaient à Hendaye pour dire non aux projets de trains à grande vitesse.

Témoin privilégié en tant que responsable associatif pour la région Rhône-Alpes, et concerné par le projet Lyon-Turin, j’étais présent lors de cette journée mémorable.

Les arguments des contestataires sont simples et logiques : ils se basent sur l’article 1 de la loi du Grenelle de l’Environnement du 3 août 2009 qui permet à un projet alternatif au projet initial soit réalisé, s’il est plus respectueux de l’environnement, et offre une meilleure rentabilité. lien

Les manifestants d’Hendaye ne sont pas des passéistes, voulant retrouver les tortillards d’antan.

Ils sont seulement des citoyens responsables qui n’acceptent pas de voir leur région massacrée par un projet non rentable, et qui préfère privilégier des trains modernes régionaux.

Ce ne sont pas non plus des « nimby » (Not In My Back Yard / pas dans mon jardin), et c’était visible sur leurs banderoles qui disaient : « ni ici, ni ailleurs ».

A Hendaye, après la signature de la charte dans la matinée, près de 30 000 personnes (15 000 d’après la Préfecture) ont manifesté pacifiquement franchissant la frontière jusqu’à Irun, la ville voisine espagnole. lien

Ils venaient des 4 coins de  France, mais aussi d’Espagne et d’Italie. lien

Le même jour, en Val de Suze, il y avait autant de manifestants contre le projet Lyon Turin, avec les mêmes arguments.

Tous demandent la modernisation de l’existant, et la mise en place d’alternatives respectueuses de l’environnement.

Ils demandent qu’un véritable débat public citoyen soit mis en place, au lieu des pseudos débats connus précédemment, qui relèvent plus de la communication que du débat.

Ils demandent que de véritable expertises indépendantes soit financées, et permettent de faire la lumière sur la validité ou non, des projets Européens LGV et Fret.

Ils entendent être reçus par les responsables européens en charge des projets ferroviaires, afin de produire leurs arguments.

Ils prennent acte du fait que la grande majorité des lignes LGV ne sont pas rentables, ceci expliquant la volonté de la SNCF d’augmenter ses tarifs. lien

(Les péages ferroviaires ont été effectivement revus à la hausse, provoquant l’augmentation du prix des billets, et faisant baisser la fréquentation. lien)

Ils constatent que les couts estimés des projets sont volontairement baissés, et la fréquentation espérée de la ligne projetée volontairement surestimée, afin de faire apparaitre une pseudo rentabilité.

(Rappelons que le tunnel ferroviaire sous la Manche a vu son prix final tripler : 4,6 milliards d’euros au départ, et 13,5 milliards d’euros à l’arrivée. lien )

Aujourd’hui, la SNCF est dans le rouge : en 2005, SNCF et RFF avaient déjà un trou de plus de 40 milliards dans leur caisse. lien

Le budget 2010 sent l’austérité à plein nez : investissements et dettes sont en hausse, TGV et Fret sont en berne. lien

La rentabilité de la branche TGV est passée de 20,1% en 2007, à 10,2% en 2009, et continue de s’effriter. lien

En 1994 la dette de la SNCF atteint 156 milliards d’euros, et passe l’année suivante à 177 milliards d’euros. Le trafic était de 62 milliards de voyageurs/kilomètre en 1991 et il est passé en 1995 à 55 milliards.

C’est d’ailleurs pour cette raison que la SNCF envisage de supprimer de nombreuses lignes TGV d’ici la fin 2010, même si Dominique Bussereau conteste cette décision. lien

Comme l’écrivait dans son livre (« vous, les politiques », chez Albin Michel) l’ancien ministre des finances Francis Mer : « le réseau ferré est financé à 20% par l’usager, et payé à 80% par le contribuable ».

 A la fin du mois de septembre 2009, Guillaume Pepy, président de la SNCF avait annoncé que l’exercice 2009 afficherait des pertes.

Tout cela était écrit dans un livre (la fracture ferroviaire/édition de l’atelier/2007) présenté par son auteur, Vincent Doumayrou, présent lui aussi lors de cette journée mémorable d’Hendaye. lien

En Rhône-Alpes, au sujet du Lyon-Turin, les associations contestent le projet lgv mais aussi celui de fret ferroviaire, faisant valoir que la création d’une ligne nouvelle de fret n’est pas de nature à relancer celui-ci, et affirment, chiffres à l’appui que la solution passe par une nouvelle technologie, et non pas par une nouvelle ligne.

Pour réussir le fret ferroviaire et prendre des parts de marché à la route, sans l’aide d’écotaxes, il faut répondre à trois critères :

Franchir des pentes de 3% et plus, se déplacer à 130 km, et surtout pouvoir charger et décharger les marchandises en moins de 6 minutes.

C’est ce que permet le procédé r-shift-r. lien

Les associations présentes à Hendaye contestent la mondialisation actuelle du transport des marchandises, qui permet par exemple à une pomme de terre, cultivée en Belgique, lavée et coupée en Italie, cuite en Espagne, d’être finalement mangée en France, au nom des lois du marché.

Ils entendent lutter contre les trafics inutiles, et veulent favoriser la consommation sur place des produits fabriqués, ou cultivés.

Et surtout, ils préfèrent aller un peu moins vite, en préservant leur environnement, évitant ainsi de creuser un peu plus la dette française.

Car comme disait un vieil ami africain :

« Les hommes blancs ont tous une montre, mais ils n’ont jamais le temps ».


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