150 potentiels cocus...

par olivier cabanel
mardi 23 juin 2020

Ça y est, les 150 français tirés au hasard ont enfin rendu leur copie et espèrent que les 9 mois qu’ils ont passé à réfléchir aux mesures qu’il faudrait entreprendre pour « sauver la planète » serviront à quelque chose... naïveté ?

Macron a bien compris la règle qu’utilisent les politiques au pouvoir lorsqu’ils sont placés devant leurs contradictions, règle qui consiste à agiter des rideaux de fumée, à lancer des commissions, à organiser des débats, des simulacres de concertation, l’essentiel étant de reculer l’échéance, et surtout de ne rien précipiter.

Il s’agit surtout de faire croire au peuple qu’il a la parole.

« Si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission » déclarait, avec un certain cynisme, Clémenceau...

Et depuis, tous les politiques qui se sont suivis s’en sont largement inspirés... avant Macron, Hollande et Jospin avaient appliqué cette règle, notamment lors du débat sur « le non cumul des mandats », et leurs prédécesseurs l’avaient largement utilisée. lien

Pourtant, le grand Charles, dont Macron tente de s’accaparer la filiation, avait une idée tranchée sur la question, en déclarant : « l’essentiel n’est pas ce que pensent le comité Gustave, le comité Théodule, ou le comité Hippolyte, mais ce qui est utile au peuple français ». lien

On peut donc facilement prévoir ce que va faire le président de la république, pour donner une suite médiatique aux 150 propositions...

Il s’agit donc pour le président de gagner du temps, et on peut sans peine imaginer que de l’eau coulera sous les ponts avant que quelques mesurettes ne soient prises... les grandes vacances arrivent,... l’organisation d’un référendum pourrait reculer d’autant la prise de décisions... et puis ce sera la présidentielle... l’occasion de promettre la mise en place de mesures, en s’inspirant du travail des 150 débatteurs, et en ne choisissant que les moins décisives, les moins essentielles... et surtout après 2022.

Mais regardons de plus près quelques-unes de ces propositions, dont la totalité est sur ce lien.

L’une d’elles est une révision de la constitution, en ajoutant à l’article premier : « la République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique », avec pour en assurer l’application un « défenseur de l’environnement », à l’image du défenseur des droits déjà existant. lien

Sauf que c’est oublier que ce défenseur des droits ne peut que dénoncer, sans pour autant pouvoir punir... or sans sanctions juridiques possibles, on voit mal comment ce « défenseur de l’environnement », pourrait agir réellement.

On se souvient par exemple que le défenseur du droit s’était vu refuser la possibilité d’apporter une aide financière aux lanceurs d’alerte...lien

Qu’en serait-il de la liberté d’action de ce « défenseur de l’environnement » ?

Autre mesure proposée, la généralisation des véhicules électriques... aux dépens des véhicules tournant au gasoil, ou à l’essence.

Proposition discutable, car finalement, c’est oublier deux données incontournables, d’une part, dans un pays ou l’électricité est encore nucléaire pour 70% des cas, les voitures électriques seront donc nucléaires, et d’autre part, c’est faire l’impasse sur les très polluantes batteries, dont on sait le recyclage très cher, et surtout peu pratiqué, privilégiant le stockage des vieilles batteries, lesquelles vont continuer à polluer très longtemps notre environnement.

A ce jour, les experts estiment à seulement 5% le nombre de batteries lithium recyclées en Europe... le lithium, cette « terre rare » et polluante... lien

Or, la généralisation du véhicule électrique va booster la consommation énergétique, et donc provoquer la construction de nouvelles centrales nucléaires.

Un rapide calcul amène ce constat : 40 millions de véhicules électriques, c’est 400 000 MWh, et comme un réacteur nucléaire produit 20 000 LWh/jour, il faudrait 20 réacteurs nucléaires supplémentaires pour couvrir les besoins des véhicules électriques.

Quand on sait le risque que font courir les centrales nucléaires pour les populations, et que le prix de l’électricité nucléaire aujourd’hui est plus élevé que celui des énergies propres, on peut s’interroger sur la logique de la proposition des 150 débatteurs. lien

D’autant qu’ils ont fait l’impasse sur d’autres possibilités énergétiques : le méthane fabriqué, voire l’hydrogène... pour l’instant à l’état de recherche avancée (lien)... ce qui n’est pas le cas du méthane fabriqué, dont on sait que le potentiel français permettrait de faire tourner tous les véhicules du pays, sans pour autant polluer. lien

Les moteurs tournant au méthane ont une efficacité qui n’est plus à prouver (lien), et déjà de nombreux véhicules en sont équipés, notamment les bus de Lille. lien

Une autre proposition était bien plus intéressante, et consistait à proposer une semaine de travail de 28 heures... hélas, la proposition a été retoquée à 65% par les membres du groupe de travail, lors de la réunion de validation définitive du 20 juin...

Réaction d’une participante : « proposition totalement déconnectée de la réalité, et indéfendable dans le contexte actuel, et qui discrédite totalement la convention...  ». lien

Pourtant c’était une mesure de bon sens, à un moment ou le travail se fait de plus en plus rare, et où les experts prévoient 800 000 chômeurs supplémentaires cet automne... (lien) lesquels viendront s’ajouter aux 5 450 000 chômeurs d’aujourd’hui, parmi lesquels il faut compter 2 116 300 d’entre eux ayant une activité réduite. lien

Est-ce bien raisonnable d’avoir annulé cette proposition, laquelle aurait permis la création de milliers d’emplois ?

C’est aussi oublier qu’un chômeur est aussi un consommateur plus modeste que les autres, et que ceux qui espèrent une relance de la croissance risquent d’avoir une grosse déception.

On pourrait aussi évoquer la proposition des membres de la convention consistant à en finir avec les passoires énergétiques... mais ce serpent de mer n’en finit pas d’être envisagé, et ceci depuis des dizaines d’années, sans beaucoup de résultats à ce jour.

Il ne faut donc pas se faire trop d’illusions sur la volonté du gouvernement Macron de prendre en compte ces fameuses 150 propositions.

D’ailleurs quand on voit l’acharnement déployé par les candidats LREM pour battre les écolos lors des prochaines municipales, quitte à s’allier avec les ennemis d’hier, on devine aisément que la défense de l’environnement n’est pas la préoccupation majeure de ce gouvernement. lien

Comme dit mon vieil ami africain : « quand tu es boubou, tu sors boubou sur la photo ».

Le dessin illustrant l’article est de Frizou

Merci aux internautes pour leur aide précieuse

Olivier Cabanel

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