4x4 : en ville ou à la campagne

par Christian Le Meut
mardi 21 mars 2006

Il y a le 4x4 des villes et il y a le 4x4 des champs. Le 4x4 des villes se trouva fort dépourvu quand le bitume fut venu. Plus la moindre trace de boue à se mettre sous la roue, plus la moindre petite fleur à écraser sous ses chevaux-vapeur. Mais le 4x4 des villes avait des amis qui, sans rien dire, discrètement, la nuit venaient déverser sur sa carrosserie des seaux de boue de la meilleure qualité. Voilà nos 4x4 des villes ragaillardis sous les badigeons d’écolos ravis.

L’histoire se passe dans la belle ville de Lille. Nuitamment, des citoyens ordinaires sortent, armés de seaux de boue, pour aller maculer des 4x4 garés en ville. Aucune violence ni destruction : il s’agit juste d’une opération de solidarité. Les 4x4 dépriment sur le bitume des villes, il leur faut une dose de boue pour garder le moral. Et des gens comme vous et moi prennent soin d’aller les enduire de boue, la nuit, pour leur soutenir le moral. Une sorte de thalassothérapie... Cette histoire est vraie, rapportée par le quotidien Libération du 15 février dernier. Il y a même un site internet pour en savoir plus, au nom de collectifpour lebienetredes44@no-log.org.

Il s’agit d’une action non-violente et humoristique pour contester la présence en ville des 4x4 qui polluent plus que les autres voitures, occupent plus d’espace que les autres, et sont plus dangereux que les voitures normales pour les piétons et les deux roues à cause de leur carrosserie surélevée.



Et à la campagne ?
Si l’on y pense bien, la place du 4x4 n’est, certes, pas en ville, mais est-elle vraiment à la campagne ? Les routes sont également bitumées dans nos zones rurales, et il est rare qu’un 4x4 y soit réellement utile. Il y a quelques mois, de gentils randonneurs venus dans leurs gros 4x4 saccager des chemins dans les monts d’Arrée, ont été condamnés à des peines d’amende par un tribunal correctionnel. Le parc régional d’Armorique avait porté plainte, et n’avait pas apprécié la visite de ces amoureux de la nature qui ne peuvent prendre le grand air qu’en le polluant, reclus dans leurs tanks légèrement civilisés.
Je suis toujours surpris de voir que certaines personnes ne peuvent venir se promener dans la nature qu’au volant ou au guidon de leurs véhicules à moteur. Comment apprécier réellement la nature, si l’on n’est pas à l’écoute de ses bruits, de ses odeurs, de son calme ? C’est dans le calme que l’on peut surprendre tel animal sauvage, écouter un chant d’oiseau particulier, sentir les odeurs exhalées par telle ou telle plante. L’intrusion d’un véhicule à moteur dans la nature la change radicalement : partis, les animaux ; pollué, l’air ; couverts, les bruits et les chants d’oiseaux.

Dans un musée ?
Alors, non, le 4x4 n’a sa place ni en ville ni en campagne. Juste, peut-être, dans un musée. Nos descendants pourront l’y contempler pour tenter de comprendre comment nous aurons pourri leur atmosphère. Notamment grâce à ces véhicules ultra-polluants et qui ne servent à rien sinon à s’y croire et à frimer. J’ai peur que nous ne payions, nous et nos enfants, cher le prix de notre frime.

Christian Le Meut


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