A propos de la faim dans le monde
par François VAN DE VILLE
mardi 29 avril 2008
1 200 000 000...
Oui, vous avez bien lu :
selon un rapport publié par les Nations unies, ce sont 1 milliard 200
millions d’êtres humains qui seront touchés par la faim dans les quinze
prochaines années. Certains économistes évoquent même le chiffre
vertigineux de 2 milliards de mourants potentiels. Un vrai cauchemar !
Une grave menace pour la paix du monde.
L’actuelle flambée des
prix des produits alimentaires qui gagne le monde entier, et les
émeutes qu’elle engendre dans les pays les plus pauvres (aujourd’hui
une trentaine, demain ± 60 ?) ne sont que les prémices de cette crise
qui nous menace tous. Crise d’une toute autre importance que nos
petites cuisines politiques internes.
La faim dans le monde
n’est pourtant pas un phénomène nouveau. Mais c’est bien la première
fois qu’elle atteint de telles proportions. Plus grave : personne ne
s’y attendait et n’a vu arriver la crise. On se croyait protégé plus ou
moins par la mondialisation dont l’un des objectifs était de réduire
les inégalités entre pays pauvres et ceux plus riches. Mais ce bouclier
est aujourd’hui mis en échec : il y a eu depuis un an ±50 %
d’augmentation des prix des matières premières, et notamment d’un
certain nombre de nourriture de base qui, dans nombre de pays les plus
pauvres, ont même atteint parfois des hausses de 90 %.
La
malnutrition, il faut le savoir, n’est pas une situation passagère où
il suffirait d’attendre quelque peu pour en effacer les effets : non,
elle est un fléau qui laissera, notamment chez les enfants en bas âge,
des traces qui se perpétueront leur vie entière. D’où l’urgence de s’en
préoccuper.
Pourquoi en sommes-nous arrivés là ?
Il y a au moins deux causes principales à ce drame :
a/
l’augmentation de la demande, notamment venant de l’Inde et de la
Chine. Ce devrait être une bonne nouvelle en soi, surtout de la part de
pays qui étaient, voici peu encore, considérés comme pauvres. En
devenant moins pauvres, voilà qu’ils se sont mis à consommer davantage ;
b/ on a ensuite investi massivement dans les biocarburants, et là les écologistes portent une énorme part de responsabilité. Les biocarburants en provenance des cultures céréalières privent de façon croissante les populations de ressources alimentaires vitales.
L’agriculture mondiale n’est plus en capacité...
Aujourd’hui, l’agriculture mondiale n’est plus capable de faire vivre tous les habitants de la planète. Et le développement de l’hygiène et de la médecine ont accru cette crise en faisant croître la natalité et prolonger la durée de vie des populations.
C’est outrageant de devoir dire et écrire cela, mais c’est une réalité que nul ne peut ignorer aujourd’hui.
La population mondiale croît donc aujourd’hui plus vite que l’agriculture est en capacité de se développer et de produire.
Qu’on le veuille ou non, force est donc de constater que les écologistes - je suis obligé d’y revenir - ne sont pas à la hauteur des problèmes posés et leur responsabilité dans cette crise est énorme.
Les questions d’environnement sont choses trop sérieuses pour être laissées entre certaines mains irresponsables. Certains de nos "écolos" ne cessent de nous proposer des gadgets, ou des fausses solutions qui ne prennent pas les problèmes dans leur ensemble. Et les biocarburants se révèlent aujourd’hui une véritable catastrophe, non seulement sur le plan environnemental, mais en raison de la réduction de la capacité mondiale de nourrir l’humanité.
Autre responsabilité, qui découle aussi de cette désinformation insidieuse, les institutions internationales - comme la Banque mondiale, le FMI ou encore l’Europe - n’ont cessé de pousser dans le sens de la réduction de la production agricole. On se souvient encore des discours où l’on exposait que l’Europe était installée sur des montagnes de beurre et qu’on ne savait plus quoi faire des excédents.
Il faut saluer à ce propos l’attitude de la France - et de Jacques Chirac en particulier - qui, certes, pour d’autres raisons tout à fait égoïstes ou électorales, ont toujours été un frein face aux arguments de nos partenaires qui exigeaient avec force des réductions drastiques de notre production alimentaire.
Il va donc falloir faire une “marche arrière toute” par rapport à ces théories et relancer dans l’urgence notre production agricole. Et plus du tout pour faire essentiellement des biocarburants (qui, soit dit au passage, nécessitent aussi l’utilisation de produits pétroliers pour leur propre fabrication), mais pour produire surtout des aliments. Car c’est bien là qu’il y a urgence et priorité.
L’Europe doit changer de stratégie alimentaire
C’est bien un changement de stratégie du tout au tout que va devoir entreprendre l’Europe.
Ensuite, il faut observer aussi qu’on a jeté en France une sorte
d’anathème sur les OGM. Or, c’est bien par la recherche, notamment sur
cette filière, qu’on parviendra à améliorer sensiblement notre
production alimentaire. Car il nous faut produire plus et mieux.
Oh, ce n’est pas pour ça qu’il faut laisser faire n’importe quoi à
propos des OGM : la manipulation génétique est toujours fort délicate.
Mais l’attitude de certains écologistes, plus assoiffés de
médiatisation que d’intérêt général et qui cherchent à diaboliser cette
science, relève du fanatisme imbécile. Les OGM, bien maîtrisés par une
recherche soutenue, seront demain l’un des éléments essentiels
d’amélioration de notre productivité.
Aujourd’hui, la désinformation organisée du public par ces gens à courte vue fait privilégier le court terme sur le long terme.
La France ne peut pas devenir plus longtemps encore victime de ces
lobbies anti-OGM. Plus ou moins soutenus d’ailleurs par de puissants
groupes internationaux qui trouvent tout intérêt à l’affaiblissement de
notre recherche scientifique pour diminuer la place de notre industrie
agroalimentaire sur les marchés mondiaux. Et ce serait oublier aussi
que c’est par la recherche, entreprise en France depuis le XVIIIe siècle,
qu’on a permis à celle-ci de nourrir aisément sa population. Va-t-on
rétrograder ?
Le principe de précaution ? Suicidaire !
On agite aussi pour cela le fameux “principe de précaution”
pour freiner toute entreprise. Or, soyons clair : le principe de
précaution est un principe suicidaire dans la majorité des domaines. Il
faut le dénoncer clairement. On marche complètement sur la tête. Ce
principe est devenu un système de régression de la recherche, de la
science et de tout développement. Il doit surtout inciter à plus de
vigilance, mais pas contrer la recherche.
Pour résumer, je
crois que nous sommes aujourd’hui à une époque charnière. Nous avons
vécu sur la lancée des années 90 où le mot d’ordre était à la réduction
des productions agricoles et à la domination écrasante du type de
capitalisme anglo-saxon. Cette époque-là se referme avec force et dans
la violence.
Nous risquons maintenant d’assister à une sorte
de guerre des modèles de capitalismes : on voit par exemple que la
Chine - qui ne s’en sort pas si mal que ça dans nombre de domaines -
pratiquer une sorte de capitalisme à forte implication étatique. Est-ce
que cela n’implique pas de notre part une autre stratégie pour notre
production ?
Il est urgent d’y réfléchir.