Après les abeilles, les hommes ?

par Yannick Harrel
lundi 21 septembre 2009

« L’homme n’était pas destiné à faire partie d’un troupeau comme un animal domestique, mais d’une ruche comme les abeilles » écrivit un Emmanuel Kant admiratif devant le caractère industrieux et social de cet insecte qui ne cesse de fasciner les hommes. Ces derniers étant aussi trop heureux de pouvoir se délecter du fruit doré de son labeur. Cela fut ainsi depuis que l’homme apprit à s’approprier ce que la nature pouvait lui offrir de meilleur, exploitation qui par son avidité et son altération va le mener à moyen et long terme à le priver d’une situation qu’il pensait éternelle.

L’abeille attaquée sur tous les fronts


Car ce sympathique apidé vit des moments troubles et sombres pour son existence. Souffrant à la fois de menaces provenant de la main de mère nature comme de celle de l’homme, sa capacité de résistance depuis des millions d’années risquant d’être battue en brèche par la violence et l’ampleur de celles-ci.


Les chiffres sont dramatiquement effarants : en 10 ans, de 1995 à 2005, la production nationale de produits issus de l’apiculture a chuté de 30% obligeant 15 000 apiculteurs à cesser leur activité. Ces chiffres d’un écroulement vertigineux de l’activité apicole sont répertoriés sur tous les continents [1] et témoignent d’un bouleversement réel de l’environnement des abeilles.


La typologie desdites menaces est la suivante :

La question des organismes génétiquement modifiés est aussi posée et nécessite des études complémentaires.


Y a le feu à la ruche


Certains seraient enclins à se poser la question de savoir en quoi le fait d’être privé de miel pour ses tartines serait catastrophique pour l’Homme, d’autant que ce dernier a aussi à redouter leur dard ?

Tout simplement parce que l’abeille a une place déterminante au sein de l’agencement naturel de l’écosystème par le procédé dit de pollinisation. Le transport du pollen par ces insectes voyageurs participant en effet à la fécondation des fleurs, fruits et légumes (selon les chiffres avancés de façon récurrente cela concernerait 70% des cultures !).


Un monde sans abeilles nous condamnerait à terme à un monde maintenu artificiellement en vie avec des efforts colossaux (la Chine est déjà confrontée à ce problème massif, l’obligeant à recourir à la pollinisation manuelle). Il sonnerait surtout le glas d’un environnement sain comme varié. En somme le déclin des abeilles précèderait celui des hommes.


Res, non verba


Du 15 au 20 septembre vient de tenir à Montpellier le salon Apimondia (avec le slogan sonnant fort juste de « L’abeille sentinelle de l’environnement ») réunissant non seulement des acteurs professionnels du secteur de l’apiculture mais aussi et surtout des chercheurs de tous les continents appelés à la rescousse au chevet d’une abeille bien mal en point. Les premières conclusions qui se dégagent ne sont aucunement réjouissantes car le phénomène apparaît bien planétaire, et si l’on s’oriente vers une multiplicité des facteurs, l’intervention néfaste de l’Homme est attestée parmi celles-ci.


Il est indispensable de forcer les pouvoirs publics à prendre en charge ce dossier de première urgence car si les effets immédiats ne sont pas visibles, à long terme ils risquent de devenir irréversibles pour la biodiversité et le rendement des récoltes nécessaires à l’espèce humaine. Les politiques, plus souvent proches des frelons improductifs que des abeilles industrieuses peuvent encore prouver avoir une relative efficacité sur les affaires de leur temps en répondant positivement aux mesures préconisées pour sauver ce qui peut encore l’être.


[1] Article du Monde en date du 18/09/2009 :

Aux Etats-Unis, le taux de pertes a atteint 30 % à la sortie de l’hiver dernier. Le Canada a également perdu quasiment un tiers de ses populations d’abeilles. En Europe, les chiffres varient entre - 10 % et - 30 %. En France, l’enquête effectuée par le Centre national de développement apicole (CNDA) devrait aboutir à un chiffre compris entre 20 % et 25 %. Au Moyen-Orient, les mortalités atteignaient, en 2008, environ 20 % du cheptel en Jordanie et au Liban, et allaient de 22 % à 80 % selon les régions étudiées en Syrie et en Irak. Des surmortalités ont également eu lieu au Japon, en Argentine et au Brésil, mais elles n’ont pas été quantifiées

Crédit photo : Photobscure


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