C’était la quatrième conférence environnementale

par Roland Gérard
jeudi 28 avril 2016

A l’Elysée lundi 25 avril le matin, c’était l’ouverture de la quatrième conférence environnementale. Devant les centaines de participants dont de très nombreux ministres, Il y a eu Paul François en tribune, sa prise de parole était certainement le moment le plus fort de la matinée.

Des hommes de conviction en tribune

Paul François est Président de l’association Phyto-victimes. Cet agriculteur qui a gagné son procès contre Monsanto. Paul François qui est en pleine conversion de sa ferme de 400 ha en bio, nous apprend au passage, devant Marisol Touraine, que l’association phyto-victime n’a « pas de soutien du ministère de la santé ». Ce qui entraine une légère rumeur dans la salle. Il plaide pour une homologation des produits indépendante et pour la création d’un fond d’indemnisation comme pour l’amiante : « Demain il faudra que ces victimes soient indemnisées ». Applaudissements. Au même titre Jean-Claude Ameisen ne nous a pas déçu : « Quand nous dégradons la nature c’est à nous même que nous faisons du mal », « 97 % des dépenses de santé vont à la réparation, trop peu à la prévention ». Il nous invite à « écouter autant la clameur de la Terre, que la clameur des pauvres » et ajoute que la « dimension sociale est essentielle », comme la « démocratie participative est essentielle ».

Hommage aux lanceurs d’alerte

Avant cela nous avions dû longuement faire la queue sur le trottoir et présenter notre carton d’invitation à moult reprises avant d’arriver aux vestiaires du château. En arrivant dans l’immense salle des fêtes, on reconnait des images du film « Demain » sur les écrans disposés de chaque côté de la tribune. Ségolène Royal qui prend la parole la première, parle de la « journée mémorable » du 22 avril à New-York où 174 pays ont signé l’accord de Paris. Elle parle du « retrait du Roundup  », rend hommage aux lanceurs d’alerte, à Générations futures, elle souhaite « faire progresser la démocratie participative », parle de la « charte de la participation du public pour développer les techniques de concertation et améliorer l’implication des citoyens.

« Attention aux monocultures »

Isabelle Kocher d’ENGIE dit en parlant d’emploi que « la nouvelle génération n’est pas forcément attirée par les grands groupes ». Pour Suez, Hélène Valade dit qu’il faut « découpler croissance et augmentation de consommation des ressources ». Elle voit plus l’Etat comme un « facilitateur, accompagnateur ». Pascal Canfin, directeur du WWF, dit qu’on attend de l’Etat qu’il « arrête de faire des choses qu’on faisait avant, comme Notre Dame des Landes ». C’était la première fois qu’un orateur faisait allusion au projet d’aéroport. Nous en entendrons parler toute la journée. Sabrina Krief, primatologue, nous invite à faire « attention aux monocultures ».

Les licenciements suite aux élections un point extrêmement grave.

C’est Emmanuelle Cosse qui la première dira que « l’éducation à l’environnement c’est essentiel ». Denez L’Hostis, Président de France Nature Environnement, parle de la formation, de l’éducation à l’environnement et de la sensibilisation. Il dit que de nombreuses associations se retrouvent dans une phase de licenciement liée aux dernières élections et à de nouveaux élus qui mettent en avant les chasseurs et agriculteurs conventionnels sur les questions d’environnement et non plus les acteurs des associations spécialisées : « c’est un point extrêmement grave ». Il dit qu’avec Notre Dame des Landes c’est un très mauvais exemple qui est donné. Il parle aussi de la mort de Rémy Fraisse. En fait toute la matinée, pour le plus grand plaisir de certains participants, venant des autorités publiques comme des associations ça a tapé à bras raccourcis sur les pesticides. On dirait qu’enfin les français ouvrent les yeux. Quand Barbara Pompili prend la parole, assez vite elle dit qu’il y a un « besoin de connaissance de la biodiversité ».

« Expliquer, justifier, partager »

A 11H28, le Président de la République prend la parole. Il dit que « la COP de Paris fut un moment historique… après l’échec de Copenhague, il fallait avancer ». Il rend hommage « aux écologistes de la première heure », dit que « notre premier devoir c’est la solidarité ». Il ne voit pas comment la France pourrait signer des accords commerciaux si les aspects développement durable ne sont pas contraignants. Il dit que la France doit montrer l’exemple et exprime son opposition aux gaz de schiste. François Hollande s’approche ensuite de nos préoccupations : « rien ne peut se faire sans expliquer, justifier, partager » et il parle de l’éducation à l’environnement en disant qu’elle est maintenant « au programme dans le cursus scolaire ». Hélas cela peut donner l’impression à ceux qui l’entendent que ça arrange les choses, alors que c’est loin d’être prouvé. Il rappelle le drame de Sivens, dit que « la France doit être exemplaire dans le traitement des animaux ». Elles ont cogné forts les récentes vidéos des brutalités faites aux animaux dans les abattoirs ! Il finit sur l’utile « vigilance des citoyens ».

L’éducation à l’environnement n’arrive pas à s’épanouir en France

Dans la table ronde N°3 sur la biodiversité. Allain Bougrain-Dubourg pour la LPO dénonce tout de suite le « décalage entre les travaux de préparation de cette table ronde et sa réalité de maintenant ». François de Beaulieu des Amis de la Terre nous apprend qu’il a été refoulé en arrivant le matin à l’Elysée parce qu’il était accompagné d’un avion en carton pour rappeler le problème de Notre Dame des Landes. La députée Laurence Abeille rappelle que ce que nous faisons ce n’est pas « que pour le cadre de vie, mais aussi pour les milieux eux-mêmes ». Au nom du CFEEDD, j’ai dit qu’il s’agissait de développer les connaissances de tous les français : « on sauve la libellule si on la connait et on la connait seulement si on l’a rencontré et si on passe du temps avec elle au bord de l’eau. Pourquoi est-il si difficile de la rencontrer ? Il suffit d’aller dehors. Pour quoi est-il si difficile d’aller dehors ? C’est de notre responsabilité à tous. Le Président de la République a parlé de l’importance de l’éducation à l’environnement ce matin, il a dit qu’il fallait expliquer, justifier et partager, mais l’éducation à l’environnement n’arrive pas à s’épanouir en France pour de multiples raisons. »

Aux acteurs de territoire de soutenir les enseignants

 « La principale raison c’est que l’éducation à l’environnement fonctionne comme un mouvement ascendant dans le corps social. Il y a sur ce sujet-là aussi celui d’une éducation plus en lien avec l’environnement une demande sociale forte comme pour le bio et les énergies renouvelables ». J’ai dit qu’il « fallait penser à définir une politique de développement de l’éducation à l’environnement dans chaque territoire. Que c’était aux acteurs du territoire de soutenir les enseignants qui s’engagent en œuvrant courageusement pour l’EEDD ». Trois mesures sont alors proposées : « Lier un volet éducatif à l’Atlas de Biodiversité Communal et à toutes les politiques de biodiversité. Assurer l’implication des professionnels de la biodiversité dans la formation des enseignants. Implication de tous les acteurs de territoire dans les projets d’établissement qui doivent comporter un volet EEDD ».

« Sans la transmission on ne peut pas s’approprier ». 

Les amis de la Terre proposent de faire tomber la déclaration d’utilité publique de Notre Dame des Landes. Barbara Pompili parle d’éducation à la nature et parle de la biodiversité comme d’un « patrimoine national ». Allain Bougrain-Dubourg plaide pour qu’il y ait une « volonté politique » pour la biodiversité, elle manque, il « faut des moyens ». Il parle des bouquetins du Bargy qui ont été massacrés pour rien. La LPO ajoutera que cela ne sert à rien de tuer les bouquetins et qu’il en est de même pour les blaireaux. Jean-David Abel de FNE revient sur la question des moyens. : « La question primordiale c’est celle des moyens ». La CFDT intervient pour soutenir le propos du CFEEDD sur l’éducation à l’environnement, ainsi que le WWF. Plusieurs intervenants demandent l’interdiction des néonicotinoïdes. Dans sa synthèse Barbara Pompili dit qu’« il a beaucoup été question d’éducation à l’environnement. Elle dit que « la connaissance ne vaut rien sans la transmission, sans la transmission on ne peut pas s’approprier ». 

Nuitées en yourte interdites en Isère et autorisées en Savoie.

Le mardi matin, la table ronde 3 a traité de la santé environnement en présence de Stéphane Le Foll, Ségolène Royal, Marisol Touraine, Barbara Pompili. Pour le CFEEDD, j’ai parlé du « syndrome de manque de nature  ». « Les études scientifiques se multiplient dans tous les pays du monde : stress, obésité, hyperactivité des enfants, dépression, myopie… la fréquentation de la nature fait baisser tous ces troubles. Aller dans la nature c’est faire de la prévention, c’est un besoin pour les humains. Pourquoi toujours moins de sorties scolaires ? Pourquoi interdire des nuitées en yourte en Isère, alors qu’elles sont autorisées en Savoie ? Pourquoi ce syndrome de manque de nature qui est un concept connu aux Etats-Unis depuis plus de 15 ans ne l’est toujours pas en France ? Pourrait-on lancer un travail de recherche là-dessus, rassembler les connaissances et les faire connaitre ?

Jeunes des lycées agricoles en danger

Le message de Paul François nous a touchés hier à l’Elysée, j’en retire entre autre que les jeunes des lycées agricoles sont en danger. S’ils imitent leurs pères ils risquent d’attraper les pires des maladies. Pourrions-nous multiplier dans les classes les rencontres des jeunes avec des membres de l’association phyto-victimes, ce sera bon pour les élèves et bon pour les agriculteurs qui pourront ainsi se faire entendre dans leurs territoires ? Est-ce que les ministères de la santé et de l’agriculture pourraient s’associer au mouvement des quatrièmes Assises de l’EEDD  pour que la question de la santé environnement soit bien prise en compte dans le processus des Assises ? Est-ce que le ministère de la santé pourrait rejoindre l’Espace National de Concertation pour l’EEDD où déjà 6 ministères sont impliqués ? ».

Le gouvernement le plus écologiste

Les amis de la Terre qui souvent touchent juste proposent de faire une minute de silence pour l’anniversaire de Tchernobyl. A noter absolument, c’est rarissime, la LPO rend hommage aux chasseurs sur l’interdiction des néonicotinoides. J’apprendrais dans la soirée que la mesure sur l’observatoire de l’éducation à l’environnement qui devait être traitée à la table ronde N°2 et proposition du Plan National d’Action pour l’EE de 2000, ne l’a pas été faute de temps. C’est très décevant et ce n’est pas la première fois que la question de l’éducation à l’environnement passe à la trappe. Dans ses mots de conclusion, Manuel Vals dit à propos de l’accord commercial avec les Etats-Unis que « nous sommes aujourd’hui loin du compte pour envisager un accord ». Il ne dira pas un mot sur l’éducation ou la sensibilisation. Il dit aussi qu’il est « fier d’être à la tête du gouvernement sans doute le plus écologiste qui ait jamais existé ».

Nous sommes des coureurs de fond

Le Monde* daté du jeudi 28 avril titrera « Le gouvernement sans ambition sur l’écologie » et note une déception des ONG. On retiendra que le ras le bol des français sur les pesticides est entendu dans les plus hautes sphères de l’Etat, plus personne ne pourra dire « on ne savait pas ». Le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes est vraiment un point de fixation et que cela nuit beaucoup à la sérénité des débats. Plus de dix fois il y a été fait allusion de multiples manières dans la table ronde N°3. Il faudra encore beaucoup de rencontres de ce type pour bien travailler ensemble mais on y arrivera, nous sommes des coureurs de fond.

A Suivre

Roland Gérard codirecteur du Réseau Ecole et Nature.

*http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/04/27/conference-environnementale-le-gouvernement-sans-ambition-sur-l-ecologie_4909483_3244.html


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