Chamonix : la Mer de glace, témoin du réchauffement climatique

par Fergus
samedi 25 septembre 2021

Il n’y a pas que la calotte arctique, les glaces du Groenland et celles du Svalbard qui fondent, celles des glaciers alpins également, et de manière spectaculaire. La faute à un réchauffement climatique accéléré qui va, à coup sûr, fortement remodeler dans les prochaines années des paysages que l’on croyait pourtant immuables à l’échelle d’une vie humaine...

Photo Marco Bortorello (AFP)

Tout le monde à Chamonix connaît le lien qui unit la famille Claret à la célèbre grotte de la Mer de glace. C’est Georges Claret qui, en 1946, a eu l’idée de créer cette attraction en creusant au cœur du glacier en contrebas de la station du chemin de fer de montagne du Montenvers. Tout naturellement, c’est à lui qu’ont été confiés l’entretien et l’exploitation de cette grotte par la municipalité. Une charge de « grottu » transmise ensuite à son fils Jean-Marie, puis à son petit-fils Benjamin Claret.

Cela fait 7 ans que ce dernier a rejoint son père dans cette entreprise originale avant d’en prendre les rênes. Mais il ne se fait pas d’illusions : il sera le dernier des Claret à recevoir dans cette antre singulière les milliers de visiteurs qui, chaque année, pénètrent dans le couloir de glace pour aller découvrir les sculptures et le mobilier aux reflets bleutés qui équipe les pièces de cette étonnante habitation. « Dans 10 à 15 ans, ce sera terminé », affirme Benjamin Claret avec une lucidité teintée de tristesse. Une prédiction confirmée par les glaciologues et les climatologues.

La disparition de la grotte est en effet devenue inéluctable. Desservie depuis la gare du train à crémaillère du Montenvers (1917 m d’altitude) par une télécabine d’une centaine de mètres de dénivelée inaugurée en 1961, la grotte s’éloigne toujours plus de cette remontée mécanique. En cause : le réchauffement climatique qui accélère la fonte naturelle de la Mer de glace et peut désormais lui faire perdre 4 mètres d’épaisseur en un an, parfois plus lors des années exposées à des épisodes de canicule !

Résultat : la grotte n’est accessible qu’au moyen d’une succession de passerelles et d’escaliers métalliques depuis la station inférieure de la télécabine. De 40 marches en 1990, l’on est passé à… 300 marches en 2009 et près de 550 en 2021 ! Un véritable problème pour les nombreuses personnes âgées et les très jeunes enfants qui visitent le site. Mais surtout un signal d’alarme que les repères de hauteur du glacier disposés tout au long de la descente vers la grotte rendent compréhensible par tous.

Victime de l’implacable recul de la langue glaciaire, la grotte devra une nouvelle fois être déplacée vers l’amont dans les prochaines années. Et cela au prix de très coûteux investissements en matière de desserte. Un choix que certaines voix désapprouvent dans la vallée bien que la grotte de glace constitue une attraction prisée du site, et par conséquent un argument de visite du Montenvers qui vient s’ajouter au spectacle du majestueux cirque alpin qui s’étend jusqu’aux vertigineuses parois des Grandes Jorasses.

Un spectacle malheureusement dégradé par la baisse constante du glacier sous le Montenvers. « Il n’y a plus rien (…). Cela ressemble plus à un désert qu’à une mer de glace », s’étonnait un touriste désappointé au micro de LCI au mois d’août. Et de fait, sur près de 200 mètres de dénivelée, les bords abrupts de la Mer de glace sous le Montenvers n’offrent plus à la vue que de la rocaille grise d’où dégringolent régulièrement des roches, des graviers et des poussières minérales qui s’accumulent sur la langue glaciaire jusqu’à la faire disparaître dans sa partie terminale.

Plus loin en amont, la situation est à peine meilleure : là où, il y a 20 ou 30 ans, l’on pouvait encore admirer de grands espaces immaculés, c’est désormais le gris qui l’emporte nettement. Si l’on ajoute à cela le recul rapide du glacier – il devrait encore perdre 1,2 km de longueur dans les 20 prochaines années d’après les experts –, les constats désolés des visiteurs déçus sont appelés à se multiplier. Quant à Benjamin Claret, cela fera belle lurette qu’il aura trouvé un autre emploi. Il est vrai que tout cela n'aura qu'une importance dérisoire en regard des catastrophes humaines qu'induira le changement climatique sur la planète.


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