Changement climatique, pollution et intérêts bien compris

par Laurent Herblay
mardi 30 octobre 2018

Il y a deux semaines, la publication d’un nouveau rapport alarmiste du GIEC sur les conséquences de l’activité humaine sur la planète a été l’occasion de nombreuses publications appelant à une mobilisation planétaire. Mais, comme le remarque bien Frédéric Lordon, bien de ceux qui s’alarment ne remettent jamais en cause les causes de cette crise écologique et climatique.

 

Des causes et des conséquences
 
Le papier de l’intellectuel frappe juste. Comme souvent, il s’attaque aux média dominants, si prompts à tirer la sonnette d’alarme sur le climat et l’environnement, mais incapables de s’en prendre à tant de causes de ces dérèglements. Bien sûr, ils parlent aujourd’hui du plastique, mais il faut en général que d’autres posent vraiment les questions qui fâchent avant qu’ils embrayent. Mais surtout, Lordon dénonce « ces appels sans suite (…) on se demande combien de temps encore il faudra pour que ces appels à sauver la planète deviennent capables d’autre chose que de paroles sans suite, de propos en l’air et de mots qui n’engagent à rien – pas même à articuler le nom de la cause : capitalisme  ».
 
En somme, Lordon va jusqu’au bout du raisonnement esquissé par Nicolas Hulot lors de sa démission. Nous n’allons vraiment pas jusqu’au bout de l’analyse. Jusqu’à présent les mesures prises sont largement arbitraires et inégales, et donc peu efficaces : c’est notamment le cas des hydrocarbures. Pourquoi donc le carburant des voitures particulières est-il plus imposé que le kérosène, le fuel des bateaux ou même des camions ? Ne faudrait-il pas une taxe carbone uniforme pour tous les hydrocarbures ? Encore une fois, on constate que les intérêts particuliers passent avant l’intérêt général et que la fiscalité écologique n’est pas la même pour tous, des citoyens aux multinationales marchandes
 
Et n’est-il pas fou que des dizaines de milliers de kilomètres soient faits pour la chaine d’approvisionnement des composants d’un téléphone avant qu’il arrive dans nos mains  ? En fait, aujourd’hui, les dégâts environnementaux n’ont parfois aucun coût... A quand une imposition uniforme, importante et croissante des hydrocarbures, de la manière la plus coordonnée possible, avec, des taxes douanières hydrocarbures aux frontières pour qu’il n’y ait pas de prime aux moins-disant environnementaux  ? C’est à l’Etat d’agir car le capitalisme ne se soucie que du profit à court terme. Malheureux, l’Etat agit souvent vite et superficiellement, comme avec ces voitures électriques pas si vertes.
 
Encore un sujet sur lequel l’UE ne fait pas grand chose, se contentant de cibler quelques bouc-émissaires faciles pour se donner bonne conscience, tout en laissant faire la majorité des pollueurs. Son marché du carbone est un échec patent, même pour les plus libéraux, car trop de pollueurs bénéficient d’avantages indus et le mécanisme même d’un marché fait beaucoup trop fluctuer le prix du carbone, pour permettre les investissements à long terme. Plus globalement, on peut aussi questionner la pertinence écologique des modèles d’affaires basés sur la livraison à domicile, qui ne font pas toujours vraiment payer le coût que représente cette fragmentation de la chaine logistique.
 
 
Malheureusement, dans un système ultralibéral reposant sur la somme des égoïsmes, et refusant des actions fortes de l’Etat, notamment par la fiscalité, difficile de croire que le seul marché nous mènera dans la bonne direction. Non seulement la quête du profit ne nous sauvera pas, mais elle peut pousser des comportements destructeurs. Merci à Frédéric Lordon de le rappeler.

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