Climat : nos dernières cartouches ?
par jjwaDal
jeudi 15 janvier 2009
Une large majorité des spécialistes étudiant les différents aspects du climat terrestre semblent aujourd’hui convaincus que la planète se réchauffe globalement et que le« chauffage d’appoint » qui majore ce réchauffement est l’espèce humaine à travers ses émissions de gaz à effet de serre, majoritairement le CO2.
Quand le niveau jugé souhaitable du CO2 atmosphérique devrait être de 350ppm(contre 280ppm avant l’ère industrielle), il est de 380ppm et très peu semblent envisager encore que le seuil de 450ppm (estimé seuil à ne pas franchir) soit réalisable....
Nos émissions augmentent au rythme croissant de 2ppm/an et ont augmenté de 15% entre 1992 et 2002 seulement.
Récemment une conférence universitaire sur le climat a remis les pendules à l’heure en indiquant que le seuil de 650ppm pourrait facilement être franchis compte tenu des évolutions observées récemment.
James Hansen, lui-même, vient d’écrire une lettre ouverte à Barack Obama, disant explicitement que la lutte contre le réchauffement est un échec et rappelant l’urgence qu’il y aurait à agir.
En supposant exacte les inquiétudes de ces scientifiques, si le taux de CO2 est à ce point crucial, serions-nous à cours de cartouches pour , si absolue nécessité, faire baisser ce taux ?
Oui et non...
Concrètement sans doute et dans l’absolu, non (le site de JM Jancovici permet de sonder l’ampleur du problème).
Il faut savoir que nous émettons environ 20 Gt de CO2/an et que la nature en fait disparaître environ la moitié.
Un premier objectif pourrait être de limiter nos émissions au niveau que la nature peut prélever annuellement, ce qui implique une division par deux de nos émissions à échelle globale en tenant compte de l’augmentation inévitable des émissions chinoises et du reste du monde en développement (Inde entre autres). Or l’écart de consommation entre un américain, un européen et un chinois (ou indien) est encore énorme.
Un simple graphique montre à quel point nous sommes dans le rouge quasiment tous avec une économie fondée sur les hydrocarbures.
En pratique pour compenser le fait que chinois et indiens ne peuvent qu’émettre au-delà de leur quota de 460kg de C/hab/an les pays riches devraient diviser leurs émissions par un facteur supérieur à 20 voire 30 en quelques décennies.
Car logiquement si nous ne pouvons le faire malgré notre niveau de vie et notre technologie, attendre mieux de pays en développement est croire aux contes de fées.
On imagine à peine nos économies émettant entre 3 et 5% du CO2 émis actuellement.
Le recours massif aux sources d’énergies peu émettrices (nucléaire et renouvelables) et la refonte totale de nos transports (aucun véhicule à moteur thermique brûlant des hydrocarbures fossiles) comme la mise en oeuvre à toutes échelles des économies d’énergies et de l’efficacité énergétique suffiraient à peine, le tout susceptible d’être mis en pièces par des émissions chinoises et indiennes difficiles à museler pour cause de développement et de manque de moyens financiers pour privilégier des solutions bien plus coûteuses que le charbon par ex.
Il semble aussi utopique d’imaginer que les infrastructure énergétiques chinoises récentes (114GW de nouveaux équipements reliés au réseau en 2007 dont 80% de charbon) soient bazardées à court terme (moins de 20 ans) et la capture et stockage des émissions de ces centrales bien plus un voeu ardent qu’une hypothèse réaliste dans cette durée (notamment parce que ces centrales peuvent être fort éloignées de sites éventuels de stockage).
Si la dégringolade inouïe des émissions de CO2 du monde riche en 40ans est une hypothèse optimiste, la coupler à une stagnation des émissions de deux mastodontes en plein développement et au PNB/hab bien inférieur aux nôtres relève de la croyance aux miracles. Les émissions du reste du monde vont continuer à augmenter et réduire nos émissions de 100% ne suffira pas.
La seule cartouche que nous n’ayons pas encore suffisamment évaluée est de faire passer le monde riche (et si possible l’autre au moins partiellement) en mode « émissions négatives », concrètement en pompant du CO2 de l’air pour le géostockage.
La version la plus simple consistant à reboiser n’est vraiment efficace que pendant la période de croissance des arbres (quelques décennies à un siècle) ce qui donnerait un répit salutaire. A nous de choisir les essences les meilleures pour l’objectif visé, sachant que cela nécessiterait des dizaines de millions d’ha mis en réserves pour la seule capture de CO2 durant 50 ans par ex. Contrairement aux agrocarburants « classiques » on aurait ici affaire à une authentique capture et non une émission plus ou moins réduite par rapport à l’usage d’hydrocarbures.
A plus long terme il faut couper et replanter si on ne veut pas tendre vers un bilan (en terme de CO2) très faible.
Une version qui peut être plus efficace (on évite de voir un incendie tout réduire à néant par ex ou une maladie sur une forêt trop peu diversifiée) est d’utiliser des cultures visant à la production d’une quantité maximale de biomasse à l’ha (on songe au miscanthus par ex capable de produire 60t/ha annuellement) en rotations.
On méthanise la totalité de la biomasse (peu coûteux), on reforme le méthane en hydrogène (pour centrales ou piles à combustibles) et on stocke le carbone soit sous forme gazeuse (on construit la centrale à l’endroit désirée) ou mieux, solide.
On pomperait le CO2, on restaurerait nos sols (retour au sol des minéraux via le reliquat solide/liquide de la fermentation) et on aurait une source d’énergie pour lisser l’intermittence des renouvelables actuels.
Une autre version également étudiée consisterait à cultiver des végétaux à grande vitesse de croissance, puis les pyrolyser pour obtenir du charbon de bois. On sait qu’il se dégrade lentement dans le sous-sol superficiel en étant un amendement de qualité et peut être enfouis pour géostockage sans les soucis liés au CO2 gazeux.
Là aussi, le résidus de pyrolyse peut servir de source d’énergie complémentaire pour centrale.
Les filières concrètes qui pourraient être mises en oeuvre font encore l’objet d’études (langue anglaise obligée) mais rien n’indique jusqu’ici d’obstacle conceptuel et autant le dire on est loin des inconvénients des agrocarburants pour moteurs thermiques.
Quel est le coût d’un climat instable ou partant en vrille ?
Stern a donné sa version, on peut y croire ou non, mais si nous avons le pouvoir qu’une majorité de scientifiques nous attribuent sur l’évolution du climat, peut-être est-il encore temps de regarder du côté des végétaux (n’oublions pas les micro-algues) pour mettre en place une infrastructure énergétique non seulement peu émettrice en carbone mais aussi capable d’en absorber en quantité.
A long terme (au-delà du siècle), utiliser des végétaux comme source d’énergie sera sans doute une hérésie (vu leurs faibles rendements de conversion).
A plus court terme, ils pourraient nous éviter un départ en vrille du climat aux conséquences incalculables.
Nous n’avons aucun besoin des agrocarburants pour moteurs thermiques. Mais nous risquons d’avoir besoin des terres sur lesquelles ils sont actuellement cultivés pour d’autres cultures énergétiques...
Les cultures énergétiques avec capture et géostockage du carbone semblent à l’heure actuelle une cartouche importante (pas la seule) à utiliser pour éviter que des seuils climatiques ne soient franchis à brefs délais.
Nous en sommes au degré zéro (plus epsilon) de cette prise de conscience et le temps ne semble pas être de notre côté.