Comment nous finançons le robinet à nitrates !

par Eleonore Bargisant
lundi 29 août 2011

Alors que les bretons sont privés de plages pour cause d’algues vertes, les coûts liés à ces pollutions sont passés par pertes et profits. Faute d’avoir mis en place le principe du pollueur-payeur, de nombreux usagers expérimentent aujourd’hui celui du pollué-payeur…

Lorsque l’eau des fleuves et rivières, affiche une concentration supérieure à 50 mg/l de nitrates, elle est jugée impropre à la production d’eau potable. Or dans de nombreuses régions agricoles, les teneurs des eaux de surfaces mesurées à l’entrée des stations d’épuration sont non-conformes.

C’est ce que révèle une étude publiée ce mois ci par le Commissariat général au développement durable . En Bretagne, Poitou-Charentes, Centre et en Normandie, 13 stations de suivis présentent des concentrations moyennes en nitrates supérieures à 50 mg/l.

Déjà en 2005, un état des lieux menés sur les teneurs de l’eau en nitrates classait 44 % du territoire national en « zones vulnérables ». L’ensemble de ces masses d’eau dépassaient ou risquaient très vite de dépasser le seuil fatidique des 50 mg/l en nitrates.

L’étendue des dégâts n’est pas si étonnante. Pour rentrer dans les clous de la réglementation, les distributeurs d’eau diluent les eaux trop concentrées en nitrates dans des eaux issues de sources moins contaminées.

Une solution peu coûteuse qui permet de délivrer une eau tout juste potable sans s’attaquer à la racine du problème.

La pollution aux nitrates est liée à des excédents d’engrais qui ne sont pas consommés par les plantes. Par effet de ruissellement, ces engrais contaminent les cours d’eau et les nappes profondes non protégées.

Chaque année, selon le site Consoglobe, les excédents en nitrates déversés sur nos sols et dans les réserves d'eau représentent 400 000 tonnes. Soit 13 kilos de nitrates inutiles qui sont déversés chaque seconde sur nos sols et dans notre eau en France. 

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que la pollution s’étende et que la teneur de l’eau du robinet en nitrates soit en hausse. « Depuis une dizaine d’années, on observe une dégradation de l’eau dans les bassins où les teneurs en nitrates étaient les plus faibles », constate le Commissariat général au Développement Durable.

Circonstance aggravante, cette méthode court-thermiste ne protège même pas les usagers des dépassements de seuils en nitrates…

Ainsi, le 5 août dernier, à Berck dans le Pas de Calais, l’Institut Pasteur a mesuré une teneur en nitrates de 57 mg/l dans l’eau du robinet. En 2002, ce ne sont pas moins de 270 000 usagers du Pas de Calais qui ont été exposés à une eau dont la teneur en nitrates était non-conforme à la réglementation.

Au cours de l’année 2010 en Eure et Loire, 50 000 personnes ont été exposées à une eau dont la teneur était trop élevée en nitrates (+ de 50 mg/l). 

Or on sait que ces niveaux de concentration en nitrates impactent notre santé.

● Au dessus de 10 mg/l : les femmes enceintes et les enfants en bas âges encourent un risque sanitaire sérieux. Les nitrates contenus dans l’eau du robinet empêchent une bonne oxygénation du sang et entraînent des pathologies lourdes.

● Au dessus de 50 mg/l : on soupçonne les nitrates d’être responsables de l’apparition de différentes maladies, comme les cancers de l’estomac chez l’adulte en cas d’exposition prolongée. 

Une aberration économique :

Mais qui finance ce modèle qui engendre toujours plus de nitrates dans notre eau du robinet ? Nous, les usagers !

Si les bretons sont scandalisés par l’état de leurs plages, ils seront heureux d’apprendre que le coût de la dénitrification de leur eau représente actuellement 20% de leur facture d’eau ! Les financements destinés à réparer les dégâts occasionnés par les nitrates sont en effet financés à 85% par les particuliers. L’organisation des ramassages d’algues vertes aura encore alourdit la facture cet été…C’est ce qu’on appelle le principe du pollué payeur !

Un constat d’autant plus désolant que ces sommes pourraient être directement affectées à l’organisation d’un modèle.

 En se basant sur l’exemple de la ville de Munich, qui a aidé financièrement les agriculteurs à diminuer leurs rejets d’azote et de nitrates, « le coût du traitement des nitrates dans l’eau est actuellement 2,5 fois plus élevé que celui de la prévention », rappelait la Cour des Comptes en 2010.

Aujourd’hui plus que jamais, les usagers financent une industrie de la dépollution bien moins efficace qu’une agriculture raisonnée, qui serait capable de réguler ses usages en fonction de l’état écologique des masses d’eau.


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