Condamnation de Total pour l’Erika : le « vetting » engage désormais l’affréteur...

par ÇaDérange
vendredi 18 janvier 2008

Une précision sur la condamnation de Total à la suite du naufrage de l’Erika. Nos médias semblent dire que, du fait de cette condamnation, les pétroliers et affréteurs vont être beaucoup plus attentif au contrôle des bateaux qu’ils utilisent. Or à mon sens, si on lit bien le jugement, c’est peut-être bien le contraire qui risque de se passer.

En effet, ce n’est pas la filiale de Total propriétaire de la cargaison et affréteur qui a été condamné. Au contraire, il a été relaxé, ce qui confirme que, dans le processus de l’affrètement d’un bateau, comme le dit la convention internationale, c’est bien l’opérateur du bateau qui est responsable de la bonne fin du transport qui lui a été commandé. C’est ce que les avocats de Total prétendaient sur la base des conventions maritimes internationales et qui a été confirmé par le tribunal. Pourquoi donc Total est-il condamné ?

Parce que dans le groupe Total, l’approbation des bateaux pour qu’ils puissent être utilisés par les différentes filiales de production du groupe (ce qu’on appelle le "vetting" dans le milieu du transport pétrolier) est confié à une filiale du groupe qui reporte au groupe Total SA. C’est à ce titre que Total SA, qui n’était pas l’affréteur du bateau, a été condamné à payer les lourdes indemnités dont vous avez entendu parler.

En d’autres termes, c’est le "mauvais" travail de cette filiale de sélection et de contrôle des navires affrétables qui a été sanctionné par le tribunal, en dépit des certificats d’inspection de la société de contrôle italienne Rina. Si Total avait simplement affrété par appel d’offres un bateau en lui demandant de fournir tous certificats de navigabilité de son bateau, il n’aurait probablement pas été condamné. Moralité, Total aurait mieux fait de ne pas avoir de filiale de vetting et de ne pas se préoccuper de sélectionner les navires ou de les faire inspecter, ce qui est tout de même paradoxal !!

Il est possible que la motivation de ce jugement ait été, considérant que la loi maritime sur les responsabilités respectives du chargeur/affréteur et de l’opérateur/propriétaire du bateau ne permettrait que de condamner ces derniers, de trouver un biais pour condamner également le propriétaire de la cargaison, en l’occurrence Total. Le biais trouvé étant la mauvaise qualité du travail de la filiale de sélection/approbation des bateaux. Ce qui a d’ailleurs été une réalité dans le cas de l’Erika car la filiale "vetting " de Total avait eu connaissance des insuffisances graves de l’Erika.

Ce que changera le jugement sur l’Erika, c’est que cette activité de vérification et d’approbation des bateaux, que les pétroliers avaient mise en place de leur propre chef et sans obligation, devient à partir d’aujourd’hui une activité qui engage la responsabilité des compagnies en cas d’incident. Ce qui, par contre, est inquiétant, c’est que cette jurisprudence risque de détourner les affréteurs du contrôle des bateaux affrétés qui n’est pas une obligation légale pour eux.

Un jugement néanmoins équilibré et qui fait progresser la jurisprudence sur le partage des responsabilités en cas de naufrage et de pollution. Je vous laisse à la lecture de vos journaux habituels pour en apprécier les détails.


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