COP 21 Un pas de géant pour l’éducation à l’environnement ?

par Roland Gérard
samedi 29 août 2015

C'est d'un changement de culture des humains dont les bêtes, les plantes, l'eau, l'air, la terre...ont besoin. Pour ça l'éducation est un enjeux prioritaire, elle devrait trouver sa place dans les négociations climatiques et être complètement repensée. Il ne s'agit plus seulement d'apprendre à vivre, il faut apprendre à survivre, comme dirait Banksy "la fête est finie" c'est maintenant l'heure de prêter attention et de réparer.

C’est en semaines bientôt que nous allons nous exprimer pour dire le temps qu’il reste nous séparant du démarrage de la conférence climat, et les commentaires se multiplient et les initiatives se bousculent… et tous de devenir fébriles. « L’enjeu est énorme », « la planète n’aura pas un autre rendez-vous de cette importance avant des années »… On dirait bien qu’il se joue quelque chose. L’heure va être de laisser un peu de côté les faux semblants.Il va falloir se parler vrai ou échouer encore et laisser les populations interdites dans le brouillard et les dirigeants apparaître comme ceux qui ne dirigent rien en fait.

C’est « essentiel » mais on ne fait rien

En ce qui concerne l’éducation tout est clair depuis plus de 40 ans. Nous avons deux choses à faire. Deux choses à faire ensemble, ça fait 43 ans que nous le savons : créer des liens avec la nature et préparer les populations à résoudre les problèmes d’environnement. En 1972 à Stockholm lors de la première conférence internationale sur l’environnement, le principe 19 a été posé : « Il est essentiel de dispenser un enseignement sur les questions d’environnement aux jeunes générations aussi bien qu’aux adultes ». Et je laisse ce mot résonner en moi : « essentiel ». Durant toutes ces années n’aurions-nous pas eu le loisir de nous consacrer à l’essentiel ? Ou faut-il se dire que ces grandes conférences vraiment se paient de mots et qu’il faut mieux regarder ailleurs ? Mais alors compter sur quoi pour espérer ?

Enfants enfermés

En 1975 lors du séminaire de Belgrade, c’est l’éthique qui est mise en avant : « Il faut rien de moins qu’une nouvelle éthique universelle. Une éthique des individus et des sociétés correspondant à la place de l’humanité dans la biosphère ; une éthique qui reconnaisse et ressente vivement les rapports complexes, en continuelle évolution, de l’être humain avec son semblable et avec la nature. ». A Rio en 1992 le chapitre 36 consacré à l’éducation met en avant : « la capacité des individus de s’attaquer aux problèmes d’environnement et de développement ». Le même chapitre 36 met en avant aussi la participation : « …assurer une participation effective du public aux prises de décisions ». Et là attention ne pas rire : « les gouvernements devraient chercher à élaborer ou à mettre à jour des stratégies visant à intégrer l’environnement et le développement à tous les aspects de l’enseignement à tous les niveaux et ce dans les trois années à venir. Ils devraient le faire en coopération avec tous les secteurs de la société ». Et nos classes d’environnement qui dans le même temps disparaissaient, et la formation d’enseignants qui s’en allait… et ces enfants que de plus en plus à la maison, à l’école, partout nous tenions enfermés. Enfermés au choix, enfermés simplement ou devant écran. Devant écran plus souvent.

Ce n’est plus l’heure du factice

Ça fait 23 ans ! Ne cherchez pas la stratégie française, elle n’existe pas… quoique ! Le seul plan d’action pour développer l’éducation à l’environnement que connaît la France, il a été rédigé lors des premières assises nationales de l’éducation à l’environnement en 2000 à Lille et c’est la société civile en partenariat avec les autres parties prenantes qui a fait le travail de sa propre initiative. Mais peut-être est-ce aussi bien ainsi ? Il faut se connaître et avoir un minimum de culture commune pour pouvoir produire ensemble. Sinon c’est factice. La société française de 1992, très cloisonnée n’y était pas prête. Seule une concertation réelle et vivante entre toutes les parties prenantes peut créer le terreau nécessaire pouvant produire une vision partagée pour le long terme. La stratégie certes n’existe pas sur le papier mais certains la porte en eux depuis des années, aucun doute qu’elle n’apparaisse bientôt. Pour arranger les choses à propos du climat, il ne faudra plus se contenter du factice, c’est opération vérité. Donc deux choses essentielles à travailler pour faire face à la crise écologique.

Des liens chauds

Comment allons-nous travailler à créer un nouveau lien entre l’homme et la nature ? Le but principal est d’augmenter notre présence, briser l’indifférence. Au début des années 80 il ne faisait pas bon pour l’éducateur à l’environnement de sortir de l’approche scientifique. Il fallait que tout passe par la rationalité la plus froide, la plus mesurée, la plus objective. La pensée était reine et devait suffire à tout résoudre, puisque les humains très raisonnables comme chacun sait, allaient prendre les bonnes décisions appuyées sur le bon fonctionnement de leur pensée quand ils auraient les bons savoirs ! Mais ça ne marche pas tout à fait ainsi, nous sommes émotions aussi, nous sommes sentiments, nous sommes intuitions. Heureusement sont arrivées comme une respiration les approches sensorielles, approches artistiques, approches ludiques, approches contemplatives… et même maintenant approches tribales ou symboliques. L’autorisation d’avoir des liens chauds avec la nature est enfin là. Surtout mettons les enfants dehors. Sortons à la rencontre des arbres et des oiseaux, à la rencontre de la terre, de l’air et de l’eau… des forêts et des marais. Sans même se poser la question de l’intérêt de cela, il est évident à tous ceux qui savent écouter leur cœur, simple question de bon sens. Ils sont si bien dehors.

Les exigences des temps de guerre

La question du « comment préparer la population à résoudre les problèmes environnementaux ? » est âpre et difficile. Le point clé ici c’est la participation. Nous avons à préparer toute la population, adultes et enfants à participer… ne pas se laisser gouverner sur le dos en quelque sorte – tel le mouton -, mais dire son mot ou y aller de son geste. Mais comment – éduquer – les adultes ? Dans son acception française ce mot « éduquer » convient à ce qui concerne les enfants mais ne convient pas pour la sphère des adultes. Pour ceux-ci nous parlerons donc de sensibilisation, d’information et de formation et même d’accompagnement. C’est pourtant bien d’une action éducative sur l’ensemble de la population dont nous avons besoin. L’heure est à un changement de culture. Jusqu’à présent on pouvait dire que l’humanité vivait sur la planète Terre, maintenant elle entre dans la survie, c’est une autre paire de manche, pensons aux exigences des temps de guerre. Etat d’urgence, lutte collective, économie toute à l’effort de guerre, sobriété, assistance aux blessés, compassion…

Libérer l’humain

Le travail pédagogique que nous avons à réaliser nous devons l’inspirer des travaux des grands pédagogues, Célestin Freinet, Maria Montessori, Rudolf Steiner, John Dewey, Alexander Neill… tous marginalisés par nos systèmes éducatifs trop parfaits sans doute pour avoir besoin de ceux-là pour vivre ! Mais pour survivre c’est peut-être autre chose. Pourtant il faut mettre du plaisir et de la joie dans l’éducation, pratiquer une éducation qui émancipe, une éducation qui développe l’esprit critique et apprend à « faire-ensemble ». Une éducation qui rend libre, créatif, apte à prendre des initiatives, c’est urgent, c’est vital de libérer l’humain.

Démocratie exigence du siècle

Quels sont les moyens pédagogiques appropriés ? Là nous ne pensons pas qu’aux scolaires, mais à toute la population. Aller sur le terrain, travailler en petits groupes, appliquer pédagogie de projet et transdisciplinarité, faire appel à la créativité collective, apprendre l’exercice du débat… Nous avons à impliquer le cerveau, la main, le cœur et l’esprit dans les apprentissages. Il s’agit de construire des savoirs, savoir-faire, savoir être et savoir devenir. Il est raisonnable de voir la crise climatique comme le symptôme d’un défaut de démocratie. La démocratie c’est le chantier numéro un, sa revitalisation par de nouvelles pratiques sociales, l’exigence du siècle. 

Des cohortes de chercheurs

La question essentielle que doit se poser ici l’honnête femme et l’honnête homme est : comment fait-on pour que cette éducation se développe ? La piste proposée, et elle semble faire ses preuves ici et là, c’est celle du territoire. On l’a vu plus haut les Etats sont en échec. Quarante ans que ça dure. La volonté qu’ils ont affichée dès 1972 sur la question éducative, ils ont été incapables de la réaliser. En connaître les causes est une autre histoire, il est plus que temps de lâcher des cohortes de thésards sur ces questions. Il n’y en a pas ! Sans doute la question n’est-elle pas importante. Ces parties prenantes : services de l’Etat, collectivités, associations, syndicats, entreprises, universitaires, artistes… elles se côtoient depuis des années à toutes les échelles de territoire. Les assises organisées depuis l’année 2000 les aident à avancer ensemble, ainsi que les espaces territoriaux de concertation pour l’EEDD qui existent de plus en plus nombreux à toutes les échelles de territoire, à deux pas de nos maisons, ils se développent.

Ne pas attendre les Etats

Les quatrièmes assises que nous lançons en ce moment vont donner la priorité à l’action territoriale, elles vont mettre en dialogue encore plus d’acteurs, elles vont sans doute sortir de l’hexagone et s’organiser dans d’autres pays que la France, déjà des volontés de s’impliquer dans la dynamique sont lisibles… le travail collectif est déclenché, une vision partagée de cet ambitieux projet sera très prochainement diffusé, alors toute personne motivée sera invitée à s’en emparer. Lors du sommet des acteurs non étatiques de la COP 21 à Lyon début juillet, c’est l’atelier sur l’éducation qui a eu le plus d’inscrits. Les négociations sont en cours pour qu’un « thematic day  » sur l’éducation se déroule avec plusieurs ministres de l’éducation de différents pays lors de la COP 21 en décembre. Le projet de tenir un débat par classe pour le climat est engagé. Les attentes sont grandes en ce qui concerne l’éducation, mais tout le monde a compris maintenant que nous ne devons pas attendre les Etats… ni personne d’autre d’ailleurs, nous devons agir au plus près de nous. Nous devons agir dans notre territoire, nous devons provoquer le dialogue, dire oui à ceux qui veulent là, maintenant, tout de suite, une éducation à l’environnement à la hauteur des enjeux. C’est tous les jours un peu plus une nécessité vitale. Continuons à nous organiser, nous devons agir individuellement, nous devons agir collectivement, il y a urgence, nous devons agir ! La COP 21 est une opportunité à saisir ; l’occasion de faire un pas de géant pour l’éducation.

RG


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