Les berges résonnent de cette mélodie surprenante où avec une grande régularité le plastique se tend et se détend selon la température en un « plop » surprenant. Pourtant cette rivière très poissonneuse est appréciée des pêcheurs qui tout au long de l’année campent le long du courant. Où les enfants du village où j’habite aiment à se baigner dans ces eaux troubles, où l’agriculture de la vallée dépend complètement de ces eaux…
Comme en Inde où j’avais été écœuré de la quantité de bouteilles sur les plages de Goa, où pourtant seuls les touristes utilisent ces bouteilles, ici aussi l’habitude du plastique est récente. Jusqu’alors les liquides, majoritairement du lait et de l’alcool étaient toujours contenus dans des bouteilles de verres, facilement recyclables. Pourtant les bouteilles en plastique sont faites de pétrole, donc elles sont vouées à être plus rares. Mais il ne faut pas attendre d’en arriver là, nos rivières et notre sol ne le supporteront pas. Le recyclage existe, les bouteilles plastiques sont transformées en billes de plastique pour fabriquer la populaire laine polaire. Mais sans les subventions européennes cette industrie n’est pas encore rentable. De plus encore faut-il les récupérer ces bouteilles. Ici (mon village) personne ne vient les chercher, et les villageois ne comprennent pas encore l’intérêt. De plus il n’y a pas d’endroits pour les déposer, il faudrait aller jusqu’à la prochaine grande ville, autant dire que personne ne fera un tel effort. Pourtant le problème est urgent.
Autre problème de taille qui réclamerait un article à lui seul, le non droit qui règne en Roumanie depuis la chute du communisme a permis à de nombreux industriels de polluer les rivières sans aucun risque pour eux. Une usine de pesticides (malheureusement énormément utilisés par les agriculteurs) est implantée en aval du village. L’hiver dernier une de leur cuve a pris l’eau et tout le produit a débordé jusqu’à la rivière, depuis les pêcheurs se plaignent du manque de vigueur de leurs prises ! Sans contrôles, de tels accidents arrivent presque quotidiennement en Roumanie, et si les pêcheurs se rendent compte d’une différence c’est qu’une énorme quantité de polluants ont touché l’écosystème. Décrire tous les méfaits d’un tel accident serait trop fatiguant. Ajouté aux nombreux engrais et pesticides déversés sur les champs alentour, la Mures est en train de mourir.
L’Union Européennes par ses règles et ses contrôleurs peut limiter voir éviter beaucoup d’accidents industriels, mais la grave menace des épandages chimiques est un danger à portée des habitants de ces régions touchées. L’exemple bio n’a pas encore été perçu jusqu’ici, et les paysans bernés par les multinationales comme Monsanto sont persuadés que sans ces pesticides, leurs céréales ne pourraient pousser. Quel efficace lavage de cerveau effectué par les grandes entreprises sous l’œil bienveillant des gouvernements. A leur décharge (sauvage) il est vrai qu’après la seconde guerre mondiale le chaos était tel que les rendements devaient être importants pour nourrir une population blessée et affamée. Mais ce temps est révolu, désormais nos céréales servent à produire des agrocarburants encore plus polluants. Donc il est largement temps de réagir et de changer nos habitudes de production : la qualité prime au rendement, nous voulons manger mieux et pas nécessairement plus. Ce n’est pas la faute des agriculteurs à qui l’on a dit depuis des décennies de produire plus, mais c’est à la population urbaine, en manque de qualité, d’exprimer leurs besoins. Une meilleure communication permettrait de changer les choses et d’éviter de voir des bouteilles plastiques sur les bords de la Mures, mais aussi de nombreux emballages de pesticides et engrais de tout genre, inutiles et dangereux.
Pour que nos enfants puissent à nouveau se baigner sans risque, pour que les pêcheurs puissent à nouveau considérer leur passion comme un sport, pour à nouveau entendre chanter les martins pêcheurs plutôt que les bouteilles et pour que la santé de la planète devienne une priorité ; buvons nos bières dans des bouteilles de verre, préférons les emballages qui ne sont pas en plastique lorsque nous sommes au supermarché, et préférons la qualité plutôt que le jambon sous plastique à 1€ le kilo…
source : LGV
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livre à ce sujet : La Roumanie post 1989