« Détermination » écologique de l’exécutif ? Un exemple emblématique…

par Plum’
samedi 15 septembre 2018

Après la démission de Nicolas Hulot, le chef de l'Etat a affirmé sa "détermination totale" à poursuivre les combats du ministre sortant. A appliquer à Tours, lui demandent des citoyens luttant pour le respect des règles de prévention des inondations dans une opération immobilière outrancière.

2012 (décembre), un permis de construire véreux accordé à un promoteur

A Tours, à un endroit qui fut submergé de 4,20 mètres d'eau en 1856 par une inondation qui fait référence, un permis de construire, accordé le 27 décembre 2012, a autorisé la construction de maisons de plain-pied à un niveau trop bas sur un terrain recouvrant un ruisseau enterré. Pour y parvenir, le permis a été obtenu sur la base de données gravement erronées : cote fictive pour rehausser le terrain, hauteur de maisons dépassant le maximum autorisé, caves non déclarées pour masquer un remblaiement excessif, espace arboré sacrifié même pas photographié, artificialisation du sol…

Si le promoteur a volontairement fourni des indications erronées, la mairie s'est basée sur le Plan de Prévention des Risques d'Inondation (PPRI) de 2001, qui estimait le risque "faible", en ignorant délibérément des consignes préfectorales impératives qui, de 2008 à 2012 prenaient en compte que le risque était "très fort", même en sur-aléa, et qu'il ne fallait pas construire en des lieux vulnérables. Ainsi, le permis n'aurait même pas dû être instruit. En 2016, après que la Justice administrative eut rejeté un recours jugé trop tardif (1), les trois plus importantes associations environnementales du département ont demandé à la mairie de retirer le permis pour cause de fraude aux règles de prévention des inondations. Elle y est "tenue", par une jurisprudence (2), sans qu'il n'y ait de limite de délai. Ce qu'elle refusa, sans répondre aux griefs exposés.

2018 (février, août), l'incompréhensible silence de la préfète

Les riverains du terrain concerné par ce permis se sont alors tournés vers la préfète d'Indre et Loire pour qu'elle exerce son contrôle de légalité. Sans obtenir de réponse. Sans qu’elle n’agisse lorsque l'ancien bâti a été démoli en février 2018. Ni lorsque, en août, 1000 m3 de remblais, volume beaucoup plus important qu’indiqué dans le permis, ont été déversés en un lieu où ils sont strictement interdits par le PPRI de 2016 et l'étaient déjà en 2012 pour la surface déclarée, elle aussi largement minimisée (3).

Une zone de verdure et biodiversité en zone polluée par l’autoroute A10, le 21 mars 2017.
Un an plus tard, tout est rasé. La dépression au centre correspond au passage du ruisseau enterré. Outre un immeuble en bord de rue, à droite, trois maisons sont prévues à gauche, au pied du cours d’eau.
Le 24 août 2018, le terrain le plus bas de l’îlot est devenu le plus haut, tout est artificialisé sauf un petit rectangle de futur espace vert. La zone d’épanchement des eaux n’existe plus, tant pis pour les riverains, l’eau s’écoulera chez eux…

Les riverains se sont alors adressés au ministère de la transition écologique et solidaire puis directement au ministre Nicolas Hulot, le 20 août dernier. Ses services ont répondu avec attention, demandant à la préfète d'agir. En vain ! Le ministre d'Etat avait-il quelque pouvoir ? Sa démission a montré que non. Appel a donc été directement fait le 30 août dernier au président de la République Emmanuel Macron pour demander que soient respectées les lois environnementales (avec copie au premier ministre Edouard Philippe, comme il se doit).

C'était donc il y a quinze jours. Un délai apparemment trop court pour que réagissent les services de l'Etat, pourtant déjà informés. Le promoteur a alors accéléré la cadence pour tenter de franchir un nouvel obstacle…

2018 (septembre), le promoteur tente de s'accaparer une bande du terrain voisin

En juillet 2018, le permis de construire s'est avéré encore plus véreux que déjà dénoncé : il ne respecte pas le cadastre et les maisons à construire empiètent sur la parcelle des voisins !

Dans un tel cas, un nouveau permis s’impose légalement d’office. Pas pour l'intouchable promoteur qui prétend que le cadastre est faux ! Malchance pour lui : les citoyens riverains ne l’entendent pas de cette oreille et tendent un filin marquant la limite cadastrale de leur "Propriété privée". Le fraudeur l'arrache. Un autre filin est tendu. Arraché aussi. Un ruban rouge et blanc le remplace, arraché là encore par le promoteur en personne. Lequel envoie des géomètres planter des piquets chez les riverains, qui se rebiffent, menacent d'appeler la police et, le 9 septembre, posent un grillage, bien décidés à défendre leur bien.

Le maire Christophe Bouchet et la préfète Corinne Orzechowski, prévenus, n'ont pas réagi. Finalement, le promoteur semble renoncer à la surface manquante et lance les constructions comme si de rien n'était, sur un terrain plus petit que prévu.

Nouvelle énorme irrégularité : construction sans même la conformité du bornage.

Le sens de l’État et de ses services rencontrera-t-il enfin la conscience citoyenne ?

Le collectif de riverains SIVZER, dans cette affaire, s’est illustré par la qualité et la précision de ses constatations et par la solidité des arguments qu’il a invoqués (voir son blog (4)). Arguments jamais contestés, ni par le promoteur, ni par les pouvoirs publics. Le silence et l'intimidation ont été les seules armes opposées, dans l’espoir que les contestataires se découragent. D'un côté une conscience citoyenne, de l’autre une agression contre l’environnement par un protégé des autorités locales.

Comme l'écrivait l'une des trois associations environnementales déjà évoquées, l'AQUAVIT, dans un communiqué du 4 juillet 2017 : "A Tours, le business immobilier l’emporte sur les plans et règlements d’urbanisme. Et donc sur le respect de l’environnement et du patrimoine, la sécurité des citoyens, la qualité de la vie…".

Dans cette ville, d’aucuns semblent se jouer des lois, de la "République exemplaire", de la "République irréprochable", de "l’État de Droit", de la "Tolérance zéro" : belles formules proclamées par nos plus hautes autorités publiques. Qu'en est-il du passage aux actes partout en France ?

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(1) : La tardiveté est liée à l'affichage du permis sur les lieux, beaucoup trop court pour 25 riverains témoins, très correct pour deux témoins suspects sortis du chapeau du promoteur au dernier moment. Il y eut aussi un pourvoi en cassation, non étudié par le Conseil d'Etat. Le promoteur en a pris prétexte pour assigner les requérants, huit riverains et l'association AQUAVIT, à lui verser 455 000 euros. En juin 2018, le Tribunal de Grande Instance de Tours a condamné les requérants à 87 000 euros, nouveau record de France dans la catégorie "recours abusif". En effaçant les risques d'inondation… Ubu en aurait dit autant : quand on ignore les motifs, le recours devient sans motif.

(2) : "Un permis de construire obtenu par fraude ne crée pas de droits au profit de son bénéficiaire de sorte que l’autorité qui l’a délivrée est tenue d’en opérer le retrait sans délai dès lors qu’un tiers lui demande ce retrait et que le permis de construire est illégal" [CAA Marseille, 19 mai 2011, req. N°09MA02311]

(3) : surface autorisée de remblais 400 m2, surface déclarée 600 m2, surface effectivement remblayée 1000 m2 (toute la surface du terrain)

(4) : Illustrations et détails sur la page du collectif de riverains SIVZER : pressibus.org/ sivzer. Site de l'AQUAVIT : aquavit37.fr


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