Economie dématérialisée, croissance, pollution...
par Philippe
jeudi 18 mars 2010
Les médias -ceux que j’écoute en tout cas- ont commenté ces derniers jours une info certes pas nouvelle, mais qui devient de plus en plus audible : l’économie numérique « dématérialisée » est polluante… Quelques chiffes : une recherche sur google -un clic pour vous- consomme autant d’énergie qu’une ampoule électrique pendant une heure. Pas chez vous, mais dans quelques-uns des 41 millions de serveurs informatiques branchés sur le Net. Il y a un an environ, j’apprenais que Google venait d’inaugurer un nouveau centre informatique dont les bâtiments bourrés de serveurs couvrent la surface de deux terrains de football. Il y a l’électricité pour les serveurs et celle des climatisations. Au total, l’informatique nécessiterait plusieurs centrales électriques dans chaque pays.
Donc, l’économie « dématérialisée » pollue. Mais, me direz-vous, elle s’est substituée à une autre économie, encore beaucoup plus polluante ? Hélas, non ! Si nos industries émettent moins de gaz à effet de serre, c’est parce que nous la délocalisons. Croyez-vous que la Chine soit devenue le premier émetteur de GES pour fabriquer exclusivement des produits vendus en Chine ? évidemment non ! Ses émissions sont en grande partie les nôtres, celles des pays du nord.
L’économie dématérialisée ne s’est pas substituée à l’économie « matérielle » : elle s’y est ajoutée. Cela ne devrait pas nous surprendre : cela s’appelle la croissance…
Je résume : l’économie dématérialisée pollue, et l’économie matérielle existe toujours et continue à polluer.
Même avec des progrès techniques, la croissance s’accompagne de toujours plus d’impacts sur l’environnement. Le fameux « découplage » de la croissance et des consommations d’énergie (on peut faire croître l’économie sans faire croître les consommations) n’en est pas un. Le partage des activités au niveau mondial -l’usine en Chine, les services dans les pays du nord- donne cette illusion, mais aucune économie dématérialisée ne peut fonctionner sans économie matérielle pour la supporter. Celle-là existera toujours, et polluera toujours. Ailleurs.
Pour ceux qui pensent que la solution est dans les énergies renouvelables, le graphique ci joint illustre un autre principe d’additivité. De la même façon que chaque activité économique s’est ajoutée aux précédentes, aucune source d’énergie dans l’histoire de l’humanité n’en a remplacé une autre. L’arrivée du pétrole et du gaz n’a pas fait baisser les consommations de charbon. L’arrivée de l’hydroélectricité puis du nucléaire n’a pas fait baisser les consommations de pétrole et de gaz. Chaque nouvelle production s’est ajoutée aux autres. Cela ne devrait pas nous surprendre : cela s’appelle la croissance… (bis)
« On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré » a dit Albert EINSTEIN.
La crise écologique vient d’une foi aveugle, d’une croyance au sens quasi religieux dans :
- La croissance infinie de l’activité économique
- Le progrès technique
qui doivent assurer notre bonheur.
Ce n’est pas avec une foi renouvelée dans la croissance infinie et le progrès technique (la « croissance verte ») que nous sortirons de la crise.
Il faut inventer autre chose. Quelque chose qui ne serait pas de la croissance…