Eloge de l’accroissance
par Jean-Paul Foscarvel
lundi 11 mars 2019
Nous ne vivons pas sur une planète infinie.
Les ressources, le territoire, l'énergie, la faune, la flore, l'atmosphère, sont épuisables ou limités.
Les phénomènes de réchauffement, la création d'un continent de plastique, la disparition des insectes, puis des oiseaux, combinée à celle des grands mammifères, la disparition des territoires sauvages, non humanisés, tout cela est la conséquence de notre tendance à la croissance à tout prix.
Cette tendance fondamentale de l'humanité, qui jusqu'à présent pouvait s'exprimer sans retenue, a fini par se retourner contre nous.
Si certains nient le caractère anthropique du réchauffement climatique, il suffit d'être quelque peu attentif pour constater que quelque chose se dérègle, dont nous sommes la cause.
Si nous considérons encore certains espèce animales comme "nuisibles", celles-ci le sont pour la poursuite sans fin de notre développement sans borne, comme les oiseaux qui picorent les cultures, ou viennent nicher dans les villes. Mais ils font cela parce qu'il n'y a plus que des zones agro-industrielles dans les campagnes, et que chassés par les chasseurs et les pesticides, ils se réfugient en ville, ou paradoxe hallucinant, l'air y est moins viciés qu'à la "campagne", et l'absence de chasseur est plutôt un gage de tranquillité pour eux. Le plus grand prédateur du règne animal, désormais, c’est l’homme. La nature ne va-t-elle pas finir par le considérer comme nuisible ?
Si les animaux se réfugient dans les villes, ces villes elles-mêmes sont atteintes d'une frénésie de construction. Des petits pavillons avec leurs jardins, leurs arbustes et leurs fleurs, se trouvent remplacés apr des bâtiments où les promoteurs placent des arbres sur leurs affichent qui n'existent pas. Car il s'agit d'entasser les gens pour que cela rapporte. "La faune n'a qu'à nicher ailleurs !" dirait le promoteur en caressant amoureusement son portefeuille. Au cœur d'une crise économique majeure, on continue à construire des méga-surfaces commerciales, comme à Gonesse, en dépiit des conséquences. Le Grand Paris est en ce sens une catastrophe à la fois esthétique et écologique majeure, même si les pavillons et leurs jardinets (voire les espaces en friche, derniers lieux d'une liberté du vivant), remplacés par des building serrés, sans âme ni jardin se trouvent désormais qualifiés d'écoquartier. Tartuffe existe toujours, même s'il a changé de registre (cachez ce béton que je ne saurais voir).
Car en réalité l'attrait du profit ne s'arrête pas aux considérations ni sociales, ni environnementales. Que l'environnement soit à la mode ? Pas de problème, il suffit de communiquer, de placer le mot "éco", ou "vert", sur les affiches publicitaires. Mais la réalité reste la même.
C'est la quête du profit à tout prix qui en soi nécessite la croissance sans limite et nous mène à la faillite générale de l'humanité.
En une ou deux générations, tout sera détruit. Les ressources épuisées, les océans privés de vie, les terres incultes à force de pesticides qui détruisent également les éléments vitaux pour la régénération des sols, un grand nombre d'espèces disparues, des territoires inhabitables.
Non seulement la vie sera rendue plus difficiles par la conséquences de dérèglements, mais les moyens de s'adapter seront eux-même plus inaccessibles du fait de l'épuisement des énergies non renouvelables. Le générations postérieures n'auront pas bénéficié des fruits pourris de la croissance, et en plus en devront payer les dettes à la fois écologiques et économiques.
Ils devront s'affronter à trois désastres simultanés. Le désastre écologique, le désastre économique et le désastre social. Lorsqu'on voit que parallèlement l'enseignement s'effondre, notamment via l'abandon de l'enseignement des mathématiques, et que le smartphone remplace toute réflexion, il faudra sans doute y ajouter un désastre intellectuel. Tous ces désastres combinés peuvent déboucher sur un désastre politique, des dictatures atroces dirigées par des crétins, comme déjà on peut le voir se développer au Brésil ou aux état-Unis.
Face à ces effondrements simultanés, il est temps de remettre en cause la paradigme de la croissance à tout prix, au nom de celle sans fin des financiers qui sucent la planète et tout ce qui s'y trouve.
Une économie de l'accroissance, sans recherche de profit, mais de partage, où l'échange ne sera plus porté par celui des valeurs financières, mais par celui des valeurs humaines, où celui qui donne sera mieux considéré que celui qui accumule. Car c'est cette recherche infinie de l'accumulation qui se heurte à la réalité d'un monde fini.