Energies renouvelables : Al Gore appelle les USA à une nouvelle ruée vers l’or

par jjwaDal
jeudi 24 juillet 2008

Dans un discours prononcé jeudi 17 juillet 2008 à Washington DC, l’ancien vice-président Al Gore a exhorté son pays à sortir de la triple crise économique, énergétique et climatique en se fixant l’objectif de produire 100% de son électricité à partir de sources renouvelables d’ici 10 ans seulement.

Quelques jours plus tard, le 22, Andy Grove (ancien CEO d’Intel) appelait à la mise en oeuvre d’une « task force » pour convertir en 4 ans près de 10 millions de véhicules en « hybrides » (les plus gros).

En quelques mois seulement, tellement de choses se sont passées là-bas que les Américains semblent prêts pour une évolution majeure après l’élection présidentielle à venir.

Le but manifeste du discours d’Al Gore était de déclarer que les USA peuvent à la fois se débarrasser du pétrole, réduire énormément leurs émissions de gaz à effet de serre et enfin relancer l’économie américaine et notamment l’industrie automobile.

Que cet objectif soit accessible dans les délais qu’il fixe est discutable, car comme pour le projet « Apollo » qu’il cite à plusieurs reprises, la faisabilité d’une entreprise inédite dépend essentiellement des moyens consacrés à sa réalisation. On parle de fournir 3000 TWh/an avec de nouveaux équipements (solaires et éoliens pour la plus grande partie) en 10 ans...

Que cet objectif soit réalisable sur une plus longue durée (en 15-20 ans par exemple) et qu’il faille commencer maintenant fait de moins en moins de doute pour beaucoup d’observateurs de l’état de santé de l’économie américaine...

Les éléments économiques d’abord : les USA vont dépenser entre 600 et 700 milliards de $ en 2008 pour leurs achats d’hydrocarbures (environ 130 Mtep de gaz naturel et surtout 620 Mt de pétrole essentiellement (70%) englouties dans les transports) et ce gigantesque transfert financier en direction de pays ayant des besoins sans rapport avec leurs rentrées financières est perçu comme une menace pour beaucoup de voir les joyaux de l’économie américaine passer entre des mains étrangères.

La persistance d’un baril à plus de 100 $ dans les années à venir ne fait plus de doute pour beaucoup et les craintes du « peak oil » et de prix allant du côté des 200 ou 300 $ à échéance de quelques années est un élément majeur de toute réflexion sur les politiques énergétiques à venir. Une hémorragie d’une telle ampleur peut difficilement être supportable au long cours.

Ce n’est pas un hasard si les investissements dans les énergies renouvelables connaissent une évolution remarquable (étant passés de 100 G$ en 2006 à 150 G$ en 2007) et si de nombreux projets de par le monde (le projet éolien de Gordon Brown récemment) sont annoncés.

Les élements politiques : le niveau de vulnérabilité de l’économie américaine aux importations énergétiques est devenu un problème de sécurité nationale majeur (l’invasion de l’Irak n’y est pas étranger) et le seul coût de l’opération en Irak aurait pu couvrir l’essentiel du projet soutenu par Gore (estimé entre 1500 et 3000 G$).

Enfin des éléments techniques, comme les évolutions récentes dans le domaine du solaire avec des unités de fabrication en PV (Nanosolar vient d’ouvrir une unité de film mince (1 $/Wc, 14,5% de rendement) à San Francisco d’un GW/an de capacité mais capable de bien plus si nécessaire), comme en thermosolaire (Ausra vient d’ouvrir une unité capable de produire 0,7 GW de panneaux par an à Las Vegas avec une unité construite en quelques mois seulement) qui pourraient facilement être multipliées aux USA si un engagement fort était pris par le pouvoir politique fédéral (de nombreux Etats à lire la presse semblent eux décidés à franchir le pas).

Il en est de même côté batteries pour véhicules électriques et/ou hybrides avec un potentiel bouleversement sur ce secteur si les performances des « supercondensateurs » sur le point d’être commercialisés à grande échelle (la saga EEStor tient en haleine tous les spécialistes du marché ) sont à la hauteur des annonces.

Il y a en fait suffisamment de concepts de stockage électrique à venir pour estimer peu probable un goulot d’étranglement de ce côté-ci par manque de matières premières, par exemple le prix était récemment encore annoncé comme un obstacle majeur que l’effet d’échelle et les nouvelles techniques peuvent largement gommer (voire les aides publiques si on envisage les bénéfices pour les USA de récupérer une bonne part de leur indépendance énergétique).

On peut donc penser que dans les grandes lignes le plan de Gore est réalisable et que seul un obstacle du côté du futur occupant de la Maison Blanche pourrait l’interdire.

Tous les décideurs savent aujourd’hui qu’il faudrait sept fois la surface agricole des USA en cultures de maïs (via la filière éthanol) pour abreuver le parc automobile et qu’une véritable solution ne peut venir de là.

Même si le prochain président ne souscrivait pas à ce plan, le développement des énergies renouvelables est assuré au niveau des Etats dont beaucoup (Texas et Californie par exemple) ont des politiques volontaristes qui vont faire changer l’éolien et le solaire d’échelle. De nombreux Etats richement dotés (Colorado, Arizona, Montana, Nevada, Sud Dakota,etc.) entrevoient la perspective d’une renaissance via une nouvelle ruée vers l’or qui rapporterait des rentrées fiscales substancielles et attirerait des industries indispensables et, plan fédéral ou non, ont déjà des projets importants (le Dakota du sud par exemple).

Les USA sont pratiquement dans une situation où ils sont le dos au mur, avec un ralentissement économique sérieux, un endettement majeur, une suprématie contestée dans tous les domaines (sauf le militaire) et une attitude dans la lutte contre les changements climatiques qui n’est plus soutenable.

Al Gore vient simplement de pointer un doigt vers une solution qui résoudrait une large partie de ces problèmes.

Les USA ne vont pas se laisser massacrer sans réagir et la décroissance n’est pas dans les options qu’ils peuvent envisager...

Quelque chose va se passer là-bas, c’est inévitable...

 

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