Faire son marché

par C’est Nabum
samedi 24 février 2018

Le panier à la main

Faire son marché, c’est un art de vivre, un rendez-vous avec une autre manière d’envisager le monde, la nature, le commerce, le temps qui passe, le temps qu’il fait et la relation aux autres. Chacun y a ses habitudes, ses horaires et ses fournisseurs. Nulle réclame pour aller chez ce producteur ou bien celui-là, mais une relation qui s’est établie au fil du temps, un gage de confiance et de fidélité et le bouche à oreille qui va son train.

Il y a des échanges, quelques mots, un contact comme il est impossible d’en avoir dans un grand magasin. Entre le client et le marchand, c’est bien au-delà qu’une relation commerciale. On prend des nouvelles, on se connaît, on se retrouve ainsi chaque semaine depuis si longtemps. Certains producteurs font désormais partie de la famille, vous leur avez rendu visite, ils sont passés vous voir.

Le marché c’est tout autre chose qu’un acte bassement commercial. C’est un engagement, un acte conscient de lutte contre les dérives de l’époque, c’est un plongeon dans l’authentique, loin du factice et des tromperies habituelles de la grande distribution. C’est encore l’expression d’une volonté de refuser le diktat d’une société qui n’a de cesse de tromper les pauvres proies que nous sommes. C’est encore l’achat de produits qui ne sont pas emballés, qui ont été cueillis la veille ou le matin même.

Au marché, la relation est véritablement équitable. Le producteur touche ici seulement, la juste rétribution de son travail avec en prime la satisfaction évidente d’un client qui ne va pas lui mettre le couteau sous la gorge pour imposer ses prix. Nous sommes loin de l’arnaque permanente qu’ils subissent de la part de distributeurs honteux. Le client est certain de la qualité du produit, il connaît les modalités de production, il sait comment travaille celui qui se trouve face à lui. Un vrai contrat de confiance sans duperie ni cette volonté absurde de toujours payer moins cher sans se soucier de la qualité ni de l’éthique.

Le marché, au delà de cela, c’est la fête, le rendez-vous hebdomadaire avec des humains et non des robots, ici, de véritables humains ; clients ou vendeurs prennent le temps de discuter, de boire un café ou un vin chaud à la buvette, d’échanger sur tout sans avoir un chef de rayon ou un mal embouché pour vous remettre dans l’axe. Celui qui n’est pas content, passe son chemin, ici les vrais gens se retrouvent pour réinventer l’art du bien vivre ensemble.

Le marché c’est des parfums, des bruits, des couleurs, des gourmandises, des plaisirs inoffensifs, de belles rencontres, de grandes rigolades, quelques bourrades entre amis, des verres qui se lèvent, des rencontres merveilleuses. Les yeux sont à la fête, les étals sont chamarrés, le bel ordonnancement des fruits et des légumes est une invitation à la gourmandise. Les narines sont sans cesse en éveil ; là les fritures de la dame qui nous vient de la Réunion, plus loin, celui qui prépare sa paella, à côté les poulets rôtis ou bien les senteurs de la mer. On ne se contente pas de voir et de sentir, on goûte, on mange, on croque à pleines dents dans la vie, on peut même faire son repas si le temps s’y prête.

Alors, comme c’est le plus bel endroit qui soit, il y a des envies de partage. On s’ouvre quelques huîtres, on débouche une bouteille, on se raconte des histoires, on rit et on chante. Le marché c’est la vie comme autrefois, sans la folie d’une société qui se marche sur les pieds, qui geint, qui râle, qui se bouscule, qui se double ou se met en boule. Rien de tout ça sur un marché, on y fait la queue sans chercher à doubler son voisin, on en profite pour discuter avec des inconnus, on échange des recettes, des conseils, de bonnes adresses.

Je sais que quelques esprits chagrins viendront me dire, agressifs et vindicatifs, que faire le marché est un luxe, que c’est bien plus cher que dans les hypermarchés. C’est la remarque habituelle des pisse-vinaigres qui ne savent pas choisir les légumes de saison, prendre les bas morceaux tout aussi bons mais qui demandent un peu plus de préparation. C’est l’excuse que se donnent ceux qui sont prêts à avaler n’importe quoi sans se soucier de la planète ni même de leur santé. Alors qu’ils persiflent si ça les chante, je continuerai toujours d’aller au marché moi qui suis né sur un marché.

Marchement vôtre.

Moi aussi je fais le choix du Roy

Le marché du quai du Roi s’est imposé comme le marché phare de l’agglomération orléanaise. © Christelle BESSEYRE

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