Faisons, nous aussi, le ménage
par C’est Nabum
samedi 12 mars 2016
Un peu de cohérence ne peut nuire.
J'ai eu le plaisir d'apporter ma pierre à une opération « Loire Propre » qui est désormais devenue mensuelle tant les besoins de nettoyage citoyen sont importants au bord de notre rivière, devenue dépotoir pour des malotrus de toutes conditions. À voir effectivement ce que nous avons récolté, il est nécessaire de s'accorder sur un point : le phénomène touche toutes les catégories et tous les âges.
Mais revenons tout d'abord sur cette matinée organisée par des gens de bonne volonté avec le concours de l'ADEME : agence de développement de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Sous la tente qui accueillait les volontaires, des panneaux nous informaient de la collecte des déchets, de leur nécessaire recyclage et donnaient quelques conseils pratiques fort utiles …
Parmi ceux-ci, il était recommandé aux enfants qui organisent un goûter d'anniversaire chez eux d'utiliser la vaisselle des parents plutôt que des gobelets, assiettes et couverts en plastique qui finiront par remplir la poubelle. Sage préoccupation qui ne fut pas suivie d'effet par nos organisateurs lesquels nous offrirent un café ou un thé dans ces maudits et inévitables gobelets …
Pire encore, pour plaire sans doute aux quelques enfants venus apporter leur contribution à ce nettoyage, des chapeaux et des ballons gonflables, toujours dans ce maudit matériau imputrescible, furent distribués. Je me fis cette remarque qu'il n'est pas simple de mettre ses convictions en rapport avec ses actes.
Pour prémunir le collecteur occasionnel d'une blessure quelconque, gants et gilets fluorescents étaient là, encore offerts. Nous eussions pu tout aussi bien venir avec notre propre équipement. Une fois encore, nous faisions le jeu du consumérisme et du gaspillage, règles essentielles de ce phénomène déplorable qui conduit bon nombre d'individus à souiller toujours plus notre environnement.
Le représentant de la presse locale vint interroger l'organisateur : louable démarche pour promouvoir l'action et faire preuve de pédagogie. Hélas, l'homme était pressé, il ne pouvait participer avec nous à cette opération de salubrité ligérienne. Il se contenta d'un joli cliché des ramasseurs avant que de partir sous d'autres cieux. La stratégie est claire : chaque personne photographiée devient un acheteur potentiel du journal en question.
Il eût été bien plus édifiant de photographier la récolte de ces volontaires : ce tas immonde de nos déchets abandonnés. Hélas, ce n'est ni commercial ni très porteur. Il ne faut pas pointer du doigt la responsabilité de chacun, froisser le client potentiel qui ne peut être mis devant ses travers. Au pays de la flagornerie, la vérité fait tache !
Qu'importe le cliché ; j'étais présent et je peux vous faire la liste de ce que nous ramassâmes sur un très petit coin de Loire. Ajoutons qu'en plus la rivière était grosse et qu'elle charriait une grande partie de ce qui lui avait été négligemment confié, vous comprendrez que nous étions bien loin de faire le plein de nos déchets honteux.
La reine des bords de Loire est sans conteste, la belle canette. Non pas la femelle du canard, mais ce contenant métallique de produits plus ou moins douteux qui expriment le mépris et la toute puissance de cette société envers tout ce qui l'entoure. Il est des pays où les boissons sont vendues dans un récipient en verre qui est consigné, mais dans ces contrées archaïques, la grande distribution, ne fait pas la loi … Pour simplifier notre collecte, la broyeuse était passée par là, dispersant ces maudits morceaux de métal un peu partout …
Les bouteilles en verre ne furent pas oubliées. Elles avaient une préférence pour les boissons alcoolisées, la bière, grande vedette de l'ignoble et le vin, toujours présent. Nous trouvâmes même un Château Margaux encore bouché, c'est vous dire que le souilleur ne recule pas devant les sacrifices !
Les mégots se taillèrent la part du grand nombre à défaut du volume le plus important. C'est la marque de l'ignominie d'une activité qui induit selon moi, le geste de jeter. Paquets de cigarettes, films plastiques et mégots finissant invariablement par terre. Fumer ne fait pas que tuer, fumer induit très jeune le geste machinal de polluer, de souiller, de négliger l'autre et la nature. Je sais quelques fumeurs qui ne se conduisent pas ainsi mais ceux-là, je suis au regret de le dire, constituent une notable exception. Pour votre gouverne, un mégot dans la nature est potentiellement capable de polluer 600 litres d'eau. Merci les salopards !
Puis compléter ce merveilleux tableau de chasse, nous trouvâmes de tout comme à la Samaritaine. Des flacons de shampoing, des bâtons de sucettes, des stylos-bille, des cartouches, des capuchons, des emballages en polystyrène venus d'un empoisonneur ayant pignon sur rue, des détritus incertains et même une tétine, preuve qu'il n'y a pas d'âge pour apporter sa pierre au désordre ambiant …
Les gros déchets ne furent pas oubliés. Un cadre de bicyclette, un radiateur électrique qui renonça à suivre le courant de la rivière, des bidons étanches de canoë, des ustensiles de cuisine, des briques, des parpaings, de la ferraille. Rien n'arrête celui qui ne veut pas fréquenter une déchetterie pour se débarrasser de ce qui l'encombre. Le volume de la récolte était conséquent, il exprime l'état désastreux de notre société, l'incapacité de nos chers concitoyens à penser la nature comme un bien précieux.
Il faudra recommencer la fois suivante. La malveillance n'est pas près de reculer. L'éducation fait défaut, l'incivilité est chronique, l'égoïsme est la règle. La Loire paie un lourd tribut à ces comportements indignes d'une société civilisée, mais c'est justement à l'aune de telles observations que l'on peut douter qu'elle le soit encore !
Nettoyeurement vôtre