Fukushima : faillite d’un système ?

par Aldous
mardi 22 mars 2011

Les politiques se sont emparé très rapidement du discours sur les conséqueces politiques de la catastrophe de Fukshima. Au prétexte de l'indécence, ils évacuent le débat sur ses conséquences concrètes qui, au-delà de l'urgence immédiate, vont s'imposer à toute la planète. Car le danger politique de cette crise qui se surimpose à celle du système financier, aux crises sociale et energétique n'est, ni plus ni moins que d'étre confronté aux limites du modèle occidental produciviste.

L'urgence absolue, dans cette crise, demeure évidemment de reprendre le contrôle de ce qui reste des installations de Fukushima, ce qui, malheureusement, n'est pas encore entièrement assuré même à court terme.

Mais, cependant que les autorités se battent sur place pour éviter de nouveaux rejets, il n'est pas trop tôt pour tourner notre regard sur les conséquences concrètes des contaminations déjà mesurées et sur les mesures qu'il faudra prendre à plus long terme pour "liquider" le site et le rendre inoffensif.

Quel que soit notre envie de voir la page tournée, il faut malheureusement reconnaitre qu'il est encore anticipé de qualifier de "liquidateurs" les équipes qui se battent actuellement avec un sens héroique du sacrifice pour rétablir la situation sur place. Cette poignée de héros ne sont, en pratique, que des pilotes qui tentent désepérément de mettre un terme la phase aigue de la crise.

La liquidation en soi n'a pas commencée et elle risque d'étre bien plus complexe qu'à Tchernobyl étant donné le nombre de réacteurs touchés et la proximité de la mer.

Les liquidateurs sont ceux qui devront retirer les déchets radioactifs et le reste de combustible du site, ensevelir les réacteurs sous du sable ou du plomb, déblayer les gravas contaminés, construire les sarcophages dont on commence à parler.

La proximité de la mer est un facteur important dans la suite des évènements : 

Elle présente de nombreux avantages dans un premier temps, car elle offre un source illimitée d'eau de refroidissement et permet un accès direct au site à des navires ce qui permettera d'apporter ou d'évacuer massivement des matériaux et des engins lors de la liquidation du site.

Mais cette façade maritime imposera de contrer deux risques que Tchernobyl ne connait pas : La contamination du millieu marin et la possibilité d'un futur Tsunami.

Des mesures de la radioactivité marine ont commencé.

Il est assez probable qu'en plus du nuage radioactif dont plusieurs simulations tentent de prédire l'évolution au-dessus de nos têtes, il y a probablement un "courant radioactif" qui se déplace en ce moment dans le pacifque au gré des courants océaniques.

En fonction de son ampleur, cette pollution d'un nouveau genre aura un impact plus ou moins mportant sur les espèces marines ce qui peut avoir des conséquences plus ou moins temporaires, sur des activitées humaines comme la pêche côtière voire sur la pêche au grand large.

Quant au nuage, il a survolé ces derniers jours les USA ce qui va apporter la crise au coeur du capitalisme et il devrait être détectable en Europe à partir d'aujourd'hui mardi 22 mars, réveillant des angoisses et des souvenir de mensonge datant de 1986, en faisant une crise concernant presque parfaitement le monde occidental.

Le danger de nouveau Tsunami, quant à lui, va aussi rendre cette liquidation plus complexe : le nouveau sarcophage devra être capable de résister non seulement à des secousses de niveau 9 mais aussi à une vague de la même puissance que le tsunami qui a mis la centrale hors service.

La liquidation de la crise sera donc longue, couteuse et traumatisante ce qui prolongera ses retombées politiques.

L'URSS a eu les plus grandes difficultées à liquider Tchernobyl. Le cout humain et financier a été très lourd pour un résultat peu durable.

La qualité du sarcophage est très insuffisante. Il n'est pas étanche et son béton s'effrite. On parle d'en construire un autre par dessus mais l'Ukraine, qui en a hérité, n'en a pas les moyens.

Il est difficile de mesurer l'impact de Tchernobyl dans la chute de l'URSS.

Mais on ne peut nier que l'impact financier et politique de cette catastrophe ont contribué à ébranler le système autant à la base qu'au sommet.

La population, mais aussi les apparatchiks ont fini par ne plus croire à la capacité du système à garantir efficacement la sécurité et le bien-être des populations.

Gorbatchov a reconnu le poids moral que cette catastrophe a fait peser sur les épaules des dirigeants politiques soviétiques et l'autocritique qu'elle a entrainée.

Le pacte qui avait permis au système soviétique de se maintenir en troquant un sacrifice des libertés fondamentales en échange d'un progrès palpable amenant à des lendemains qui chantent a été démenti par les évènements.

Fukushima va sans aucun doute jouer un role de révélateur similaire.

Le cout réel du modèle produciviste devient de plus en plus évident aux populations : A l'épuisement des ressources et la pollution de la biosphère s'ajoutent maintenant une prise de conscience directe du risque sanitaire qui pèse sur tous et dont il apparait clairement que les autorités ne sont pas capables de juguler.

Les crises sanitaires se succèdent en prenant de plus en plus d'ampleur, dans l'agriculture, l'agroalimentaire, la santé, la pharmacie et maintenant l'énergie.

A chaque crise, les autorités supposées veiller à notre santé perdent de plus en plus de crédit et dévoilent leur collusion avec la logique marchande qui fait du risque humain une variable d'ajusement d'un modèle productiviste à bout de ressources.

On ne peut plus cacher aux peuples -qu'on a endetté sur plusieures générations- que les avantages du modèle productiviste se concentrent au profit d'une part de plus en plus ténue de la population qui voit ses revenus exploser cependant que la classe moyenne se paupérise et que la classe laborieuse est livrée à un marché du travail sauvage ne lui offrant plus les moyens de couvrir les besoins élèmentaires.

Les fondements du pact social ébanlés par la mondialisation, les perspectives d'avenir compromises par l'épuisement des ressources et la pollution, le modèle ne fonctionne plus que par la création de bulles spéculatives succesives qui ne reposent pas sur des création de richesse réelles.

Le nucléaire était un des pilier du système qui repose sur la fiction d'une énergie bon marché.

On constate aujourd'hui que le bas prix de l'énergie nucléaire est en réalité fondé lui aussi sur une dette qui pèse sur les peuples présents et futurs.

Dette que les peuples commencent à saisir l'ampleur en terme de santé et de cout.

Nous avons entendu les chefs d'état nous promettre de réformer la haute finance après la crise de 2008, en fait de quoi ils se sont contentés de refinancer les banques sans conditions afin de maintenir ce système défectueux en état de marche.

Les discours entendus ici et là laissent présager que les mêmes faux semblants seront déployés pour calmer la crise de confiance que Fukushima a généré dans le simple but de prolonger le système énegétique.

La question qu'il faut se poser c'est si un modèle grippé à autant de niveaux -moral, social, économique, financier, politique, sanitaire, environnemental...- et à bout de ressouces parviendra-t-il à absorber le choc Fukushima ?


Certains analystes misent sur la reconstruction des zones dévastées espérant qu'elle jouera le rôle des 30 glorieuse de l'après guerre.

Cela revient à espérer que les catastrophes natuelles replaceront avantageusement le rôle joué autrefois par les guerres dans les cycles de crises du capitalisme.

Est-ce vraiment là que le modèle productiviste en est réduit ?


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