Home, la nouvelle pensée unique
par Frédéric Degroote
jeudi 4 juin 2009
Il est sur toutes les lèvres. Le monde entier l’attend. On plébiscite, félicite, applaudit les auteurs avant même sa sortie. On s’extasie, on s’impatiente, on se gangrène l’esprit un peu plus chaque jour. C’est l’évènement qu’il ne faut pas rater en ce début de mois de juin. Nous fait-on croire. Car Yann Arthus-Bertrand devient d’un coup de baguette magique le nouvel idéal. Plus de places pour les autres. Il a réussi à enflammer le terrain médiatique là où aucun n’y était parvenu avant lui. Al-Gore et ses images de synthèse sont déjà oubliés. Le 5 juin paraitra dans 130 pays le film-documentaire Home, hymne à l’urgence écologique. Des constats justes mais des moyens écologiques archaïques.
Tout le monde est tombé dans le panneau. Le conformisme journalistique acclame Besson le démago. S’opposer au film serait de mauvaise foi. Comment critiquer ce que l’on ne vendra que 5€ en DVD et qui sera diffusé gratuitement dès sa sortie ? Comment critiquer ce que beaucoup voient déjà comme un outil pédagogique d’envergure afin de sensibiliser les enfants ? La morale verte est la nouvelle bonne conscience de notre temps. Le lavage de cerveau alarmiste devient paroles d’évangiles. C’est tendance : pensez écologique, vous atteindrez la place des Justes. Au point d’ôter presque toute liberté de contradiction face à "l’emprise de l’être humain de moins en moins viable".
Mais les bonnes intentions ne sont pas toujours les plus défendables. Arthus-Bertrand a les lieux communs dans le sang. C’est pour ça qu’on l’aime. Il parle de l’effroyable avec des mots choisis, comme pour mieux édulcorer son discours pessimiste. Car entre les lignes, Arthus-Bertrand nous promet des guerres, la fin du tourisme de masse, la fin des grandes surfaces et la disparition de la voiture. Soit le discours angéliste vert qui donne tout sauf l’envie de réguler son quotidien.
Peu importe, une fois la bonne nouvelle prêchée, tout redeviendra normal. Les pays du sud en auront que faire, eux qui voulaient suivre le modèle blanc, qui l’ont vu se développer avant tout le monde ; ils ne s’abaisseront pas devant l’interdiction des occidentaux de privilèges dont les occidentaux eux-mêmes ont joui sans limite. Et les chinois balayeront d’un revers de manche le film, tout comme les USA qui n’ont pas ratifié le protocole de Kyoto. Mais en occident, la nouvelle uniformisation est déjà en marche. Même les plus réticents seront convaincus. Les mouvements politiques récupéreront le film. Désormais, tout le monde devra déclarer que la seule rédemption passe par une promenade en vélo dans Bruxelles lors des journées sans-voiture. La bien-pensance dépassera les clivages politiques. Achetez vert, vous y gagnerez ; soyez libres et vous perdrez.