Journée mondiale de l’eau : la France se tait devant une Chine assoiffée

par chineconquerante
mercredi 23 mars 2011

Les Français et leur classe politique ne peuvent dormir tranquilles dans un monde où près d’ 1 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable. L’émergence de la Chine sur le marché de l’eau ne sera pas sans conséquences sur des entreprises comme Suez ou Veolia. Elle peut être dévastatrice pour la population.

Depuis 1992, le 22 Mars a été désigné par l’ONU comme la Journée Mondiale de l’eau, ayant pour but de fédérer la population et l’attention médiatique autour de la problématique de l’accès à cette ressource vitale.

Une journée qui permet d’applaudir les bons élèves de la gestion de l’eau et propager leurs bonnes pratiques. Nous pouvons à cet effet nous réjouir que depuis 1990, l’eau potable est devenue accessible pour 1,8 milliard de personnes supplémentaires. L’Inde et la Chine peuvent se réjouir d’en être les principaux responsables.

Une journée qui permet également de dénoncer des pratiques gouvernementales irresponsables. 

En cette Journée Mondiale de l’eau, Chineconquérante.com tient à se pencher sur un sujet majeur qui n’est pourtant pas repris par la classe politique. Si aujourd’hui la France reste en position de force sur un marché qui est dominé mondialement par Suez et Veolia, elle doit se prononcer sur la montée en puissance de la Chine dans ce marché stratégique. Il est donc indispensable de faire ressortir les contradictions et la portée de la politique de gestion de l’eau de Pékin. Avec des conséquences désastreuses sur la population, il est temps de se pencher sur l’enjeu de la montée en puissance de la Chine sur le marché international de l’eau.

Sur le plan national, le gouvernement chinois se charge de censurer et réprimer toute tentative de revendication d’une population souffrant d’une politique calamiteuse de gestion de l’eau. S’appuyant sur un régime de parti unique interdisant la liberté de parole et d’association, la Chine étouffe ses citoyens qui souffrent du stress hydrique et qui ont soif de liberté.

Sur le plan international, les firmes chinoises, véritables prédateurs économiques, se chargent d’asservir des régions en manque de moyens financiers. L’assèchement d’une région peuplée de 300 000 éthiopiens ne semble pas les inquiéter.

Une population chinoise assoiffée avant d’être étouffée

Certes, en Chine, l’accès à l’eau est passé de 67% à 89% depuis 1990. Cependant, un énorme travail reste à faire du fait de l’inévitable explosion de la demande.

En effet, les infrastructures d’approvisionnement en eau deviennent trop rapidement obsolètes, faute de pouvoir bénéficier d’investissements suffisants et d’une gestion durable. Le manque d’investissements dans le secteur de la gestion de l’eau se fait surtout sentir dans les zones rurales, où « 360 millions de paysans n’ont pas accès à l’eau courante ». Les communautés les plus atteintes se mettent à surexploiter les nappes phréatiques au point d’assécher les réserves d’eau non renouvelables présentes au sous-sol. Mais la problématique de l’accès à l’eau ne se pose pas qu’en termes quantitatifs. La qualité de l’eau se voit inéluctablement détériorée avec l’apparition de fuites dans les systèmes d’assainissement. Dans un tel contexte, les maladies hydriques, principale cause de mortalité dans le monde, risquent de se développer.

Pékin pâtit des conséquences de sa politique défaillante en matière de gestion de l’eau. Au cours des 15 dernières années, la Chine s’est fortement engagée dans un processus de « privatisation » de l’approvisionnement en eau avec un bilan plus que mitigé – cette privatisation étant relative du fait de l’oligarchie au pouvoir.

L’adoption des thèses néo-libérales par le Parti Communiste ne pouvait déboucher que sur un constat paradoxal. D’un côté les strates les plus défavorisées de la population ont accès à une plus grande quantité d’eau mais de plus en plus chère et d’une qualité douteuse. D’un autre côté, les importants profits amassés par les entreprises nationales de l’eau, aux dépends du bien-être de ses propres citoyens a fait émerger des géants nationaux de l’eau.

Les géants chinois inondent le marché de l’eau

En adhérent à l’OMC en 2001, la Chine a brutalement libéralisé son marché de l’eau. Les portes d’un immense marché semblaient alors s’entrouvrir pour les firmes étrangères. Alors que ces dernières peinaient à s’implanter dans un marché rythmé par la concurrence déloyale, la Chine a décidé de donner naissance à des champions nationaux. Dans le but d’étouffer toute forme de concurrence, le gouvernement a encouragé la multiplication des fusions verticales, destinées à mettre la main sur toute la chaîne de valeur, prenant ainsi le contrôle de la production hydroélectrique mais également de la gestion des rivières, du traitement des eaux usées ou de la fabrication de l’équipement nécessaire à l’exploitation de l’eau.

Quelques mois après la libéralisation du marché, la China Water Co. signait un accord de joint-venture avec la Shenyang Water Company, donnant lieu au premier géant national de l’eau s’occupant de la construction des canalisations jusqu’à la vente au détail de l’eau et du traitement des eaux usées. Dix ans plus tard, les investissements étrangers ne représentent encore que 1% de l’ensemble du marché de l’eau.

Le marché domestique de l’eau reste donc contrôlé par des entreprises d’État ou par des entreprises contrôlées par l’État, dont une grande majorité est déjà cotée en bourse. L’émergence d’acteurs comme de Beijing Capital Co., de Shenzhen Water (Group) Co ou de Tsinghua Tongfang Co. incarnent l’âge d’or des entreprises nationales qui étendent leurs tentacules sur le marché en faisant appel à des pratiques de nature oligarchique.

L’essor de ces référents nationaux n’a pas été libre de frais pour l’économie chinoise. Afin d’être en mesure de limiter l’implantation des firmes étrangères, les entreprises nationales de l’eau ont dû effectuer des restrictions massives d’effectifs, soit un licenciement « évalué à 280.000 travailleurs ».

Si ces géants nationaux semblent encore petits face à des multinationales comme Suez ou Veolia, on ne peut pas en sous-estimer le potentiel. Bénéficiant d’un soutien gouvernemental sans failles les firmes chinoises déferlent à grande vitesse sur le marché international de l’or bleu.

La Chine assèche les ressources des populations vulnérables

Si les avancées de la Chine dans la gestion du marché domestique de l’eau sont controversées, son emprise à l’étranger est redoutable, avec des conséquences regrettables.

Peu consterné par des citoyens chinois assoiffés, Pékin ne risque pas de s’attarder devant les problématiques liées à l’eau en dehors de ses frontières. Pourtant, un enfant meurt toutes les 20 secondes dans le monde par manque d’eau potable.

L’Ethiopie, pays particulièrement touché par le stress hydrique, est également une des cibles préférées des Pékin. La construction du plus grand barrage d’Afrique n’a pas échappé aux investisseurs chinois, indifférents face à un projet ayant de terribles conséquences sur les communautés locales.

D’après SurvivalFrance, « près de 400 organisations ont signé une pétition » contre la construction du barrage. Celle-ci sera remise aux ambassades d’Ethiopie en France, en Allemagne, en Italie, en Belgique, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis ce 22 mars pour marquer les esprits pendant la journée mondiale de l’eau.

Ce projet pharaonique, achevé à 40% et destiné à résoudre les problèmes d’approvisionnement énergétique du pays, ne fait qu’empirer la problématique de l’accès à l’eau, perturbant « le phénomène de crues naturelles indispensables aux systèmes agricoles traditionnels des tribus » régionales.

Si l’Ethiopie a encore besoin de trouver de nouveaux fonds, elle peut déjà compter sur les larges financements conférés par les banques chinoises de commerce et d’industrie. Parmi les cinq principales banques et compagnies impliquées dans la construction du barrage, se détachent trois firmes chinoises : les banques ICBC et EXIM et la compagnie de travaux hydroélectriques Dongfang Electric Corporation.

Non moins de 300 000 riverains du lac Turkana sont menacés par le barrage de Gibe III. Conscients des conséquences humaines et écologiques du projet, la Banque européenne d’investissement et la Banque africaine de développement se sont toutes deux formellement opposé à financer le barrage.

En Ethiopie, les firmes chinoises concentrent leurs investissements dans le secteur lucratif de l’eau et de l’hydroélectricité aux dépens des peuples les plus vulnérables du pays. Un exemple révélateur d’une Chine conquérante mais indifférente face aux conséquences de sa stratégie de conquête. Tout comme la France.


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