L’Agence spatiale européenne enfonce le clou
par Dominique Bied
lundi 25 septembre 2006
Pendant que nous nous épuisons dans nos petits combats subliminaux, nous passons à côté du problème numéro 1 qui se rapproche de nous, le réchauffement climatique. Le monde avance à l’image de la cordée d’alpinistes approchant le sommet de l’Everest et qui s’entête à continuer alors que tempêtes et avalanches se profilent.
La planète continue de brûler, et nous continuons à nous préoccuper de notre petit nombril. De choc des civilisations en violences urbaines, en répression, en guerres préventives et autres, nous nous comportons comme des enfants, gardant jalousement notre petit bout de terrain ou de privilège.
L’Agence spatiale européenne vient de tirer une fois de plus la sonnette d’alarme, plus près de Big Ben que de la petite clochette que l’on met autour du cou des vaches. Le réchauffement climatique s’accélère plus que prévu. Le signe en est une longue cassure de la glace arctique vue par un satellite de l’ESA.
Il y a presque deux ans : voici ce que m’écrivait le 17 mars 2005 Vladimir Romanovski, à l’époque président de l’association Uspermafrost, en réponse à la question que je lui posais sur le possible dégazage des 350 à 450 milliards de tonnes de méthane situés sous les terres arctiques :
" Dear Dominique,
The permafrost thaw is a real threat to the Earth climatic system if we assume that the global warming is a negative process. However, the changes in permafrost at present time are very slow and there is no need to report on these changes on a monthly time scale. So far, these changes are noticeable on interannual to decadal time scales. Though the situation can change any time if some thresholds in permafrost evolution will be crossed and permafrost will start to degrade within widespread areas. At some regions ( Alaska for example) this could happened during the next 15 to 25 years. That is why it is very important to monitor permafrost temperatures in the polar regions.
Best regards,
Vladimir ”
Ceci veut dire : "Cher Dominique, le dégel du permafrost est une réelle préoccupation en ce qui concerne le système climatique de la terre, si on considère que le réchauffement climatique est un processus négatif. Cependant, pour le moment, les modifications dans le permafrost sont très lentes et ne nécessitent pas un suivi mensuel. Toutefois, ces changements sont significatifs à l’échelle de l’année ou de la dizaine d’années. La situation peut aussi évoluer à tout moment si des seuils dans l’évolution du permafrost sont franchis. Il commencera alors à se dégrader sur de larges espaces. Dans certaines régions (Alaska par exemple), ceci pourrait arriver dans les 15 à 25 prochaines années. C’est pourquoi il est très important de suivre l’évolution des températures dans la région des pôles."
Le dégazage du méthane sous le permafrost n’est pas encore intégré dans les modèles calculant les perspectives de réchauffement climatique de 1 à 5 degrés. S’il se produit, il y aura effet d’emballement (dégazage de méthane induisant un réchauffement induisant du dégazage supplémentaire, etc.). Les signes d’accélération observés par l’ESA sont-ils le début de cet emballement ? C’est une question pertinente à poser aux scientifiques œuvrant dans le grand Nord. En tout cas, le prochain rapport du GIEC en 2007 devrait être riche d’enseignements. Il y a fort à parier qu’il envoie un ultimatum aux gouvernements pour changer de braquet.
Le gouvernement français n’a pas encore pris la mesure des décisions à prendre, au moins au niveau de l’ambition. Nous avons tous les outils pour réussir en moins de vingt ans, mais si nous restons scotchés dans les starting-blocks, alors nous serons balayés, y compris sur le plan économique, par des pays plus conscients et plus dynamiques que nous.