L’EEDD c’est l’action d’abord
par Roland Gérard
lundi 21 septembre 2015
Depuis plus de dix ans la prise de conscience avance. L'éducation à l'environnement n'est pas le fait de deux ou trois acteurs sur les territoires. Elle est le fait des toutes les parties prenantes. Des entreprises, des universités, des administrations, des syndicats, des artistes, des média...et bien sûr toujours des établissements scolaires et des associations font de l'EEDD. Pour que cette éducation à l'environnement se développe de façon satisfaisante il est crucial que ces acteurs se parlent, ils ont oeuvre commune. Pour cela dans les départements, les régions, à l'échelle nationale et même européenne des groupes se constituent. Mais doivent-ils déjà se donner des statuts ?
Le faire ensemble n’exige en définitive que l’entente.
Agir individuellement et agir collectivement, voilà la double exigence que pose devant nous cette idée simple ou comme on voudra cette folle ambition - sortir de la crise écologique – maintenant. Seule l’action des personnes et l’action des groupes (y compris dans leur dimension de nation) peuvent nous donner quelques lueurs d’espoir devant ce chantier si gigantesque qu’il peut sembler impossible à réaliser.
Mais l’action a une ennemie dans la place, l’institutionnalisation.
Nous devons à la fois bien savoir où nous avons les pieds en nous posant toujours la question : qu’est-ce que cette éducation à l’environnement et au développement durable (EEDD) que nous pratiquons, cette EEDD que nous parlons, que nous rêvons, que nous voulons ? Et en même temps nous devons connaître les conditions de l’action. Qu’est ce qui la favorise, qu’est-ce qui l’entrave ?
Qu’est-ce que l’EEDD ?
Nous sommes en train de mettre en œuvre les moyens éducatifs nécessaires pour un changement culturel profond de la société humaine à laquelle nous appartenons. Nous apprenons ensemble nous les humains une autre façon d’habiter la Terre. Hier nous appelions ça éducation à l’environnement, éducation environnementale ou éducation relative à l’environnement, aujourd’hui nous l’appelons EEDD, demain nous la nommerons autrement… éducation pour la transition, alphabétisation écologique ou, c’est parfois suggéré, « éducation » tout court. Tant il est de plus en plus vrai qu’une éducation qui ne s’appuierait pas sur la dimension devenue cruciale, de notre relation à notre environnement serait incomplète ou osons le dire ratée. Voilà donc cette EEDD simplement définie, elle nous met sur une nouvelle voie dans notre relation à la faune, à la flore, à l’eau, à l’air, à la terre…, elle nous donne les outils pour agir de façon efficace pour contribuer à résoudre la crise écologique.
L’EEDD est un élan aussi
L’EEDD au-delà de cela qui est bien trop court, c’est un mouvement, c’est un élan social, c’est une multitude de pratique, c’est un champ neuf, où l’initiative, l’innovation, la créativité, l’expérimentation sont reines. L’EEDD recherche, elle n’est pas stabilisée, comme ne sont stabilisés aucun des signes de la crise écologique que nous vivons. L’EEDD est en marche et recherche sa voie singulière dans la complexité des mémoires, des concepts, des courants, des réalités de la chose éducative. L’EEDD invente, elle est une pratique. Pas d’autoroute de l’EEDD nulle part, juste de maigres routes, quelques chemins et surtout des sentiers qui se créent tous les jours se croisent, s’inventent, et surtout l’EEDD ce sont des pionniers qui pratiquent le hors-piste en toute sécurité grâce à leur éthique. L’EEDD s’ouvre. Les champs qu’elle touche et ses méthodes se multiplient au fil des ans. L’EEDD s’adapte. Les situations sont multiples, les occasions nombreuses, le message peut passer ici ou là. L’EEDD accueille tous les jours de nouveaux acteurs. Ils sont dans les établissements d’enseignement, les entreprises, les associations, les administrations, les universités…ce sont des mamans, des papas, des oncles, des amis… Ils entrent en action. L’EEDD crée de nouvelles situations, de nouveaux outils, de nouveaux dispositifs, de nouvelles relations. La plus mauvaise des idées serait de vouloir la contenir, peu importe si c’est parfois de façon chaotique, l’EEDD doit avancer, l’urgence écologique et le temps de l’humain l’exigent.
La peur du changement
Et l’EEDD a des détracteurs. Il y en a qui ont horreur que la situation leur échappent, il y en a que la complexité dérange. Il y en a qui n’ont finalement, tout pédagogues qu’ils soient ou se disent être, qu’une piètre confiance dans les apprenants, dans les autres. Il y en a qui ont besoin d’être rassurés, ne se sentant bien que dans les chemins connus et de multiples fois parcourus et hélas souvent devenus pour leurs élèves et pour eux-mêmes sans intérêt, usés. L’EEDD a des empêcheurs qui préfèrent conduire les formations entre soi. L’EEDD a d’autres empêcheurs qui pensent – sécurité – et ne veulent pas laisser les enfants sortir. L’EEDD a des ennemis montés sur leurs ergots qui préfèrent toujours les modes d’organisation pyramidaux à toutes autres façons de fonctionner. Ils ont peur quand ça parle trop, quand ça bouge trop, quand c’est trop spontané, quand ça rit fort et que ça grimpe aux arbres. Ils ont peur quand on ne sait pas où ça va… Nous allons devoir sortir pour de bon des terrains connus. Oui l’EEDD c’est l’aventure et merci à tous les aventuriers qui la font vivre. Ceux qui n’ont pas peur.
Les conditions de l’action
La formule est simple trois ingrédients nécessaires toujours à l’action : du désir, de l’organisation, de l’énergie. Tout ce qui tue le désir est ennemi de l’EEDD et en conséquence ennemi de ceux qui veulent la résolution de la crise écologique. En un mot ceux qui tuent le désir n’aiment pas les rouges-gorges. Rien de plus précieux que ce désir d’engagement dans l’action chez les individus et les groupes. L’organisation c’est l’intelligence qu’on peut y mettre et l’énergie les moyens, la force physique, le temps de travail ou de bénévolat. L’EEDD a besoin de liberté, elle a besoin d’oxygène, elle a besoin d’attention. Nous sommes au labo du chercheur, nous sommes à l’atelier du peintre ou du sculpteur, nous sommes en ces lieux où les possibles sont nombreux parce que loin des routines et protocoles. C’est le neuf qui nous intéresse, c’est lui qui peut nous sortir d’affaire. Les projets sont comme autant de pousses fragiles au jardin, il faut en prendre soin. Certaines pousses sont des inconnues complètement nouvelles, elles nécessitent la plus haute attention, l’œil de l’expert, l’engagement de passionnés, amoureux de la vie tout simplement... un peu poètes parfois.
Espaces de concertation, se donner du temps
Les acteurs de l’EEDD ont à se précipiter dans l’action et à retenir les chevaux quand il est question d’institutionnalisation. Il est bien trop tôt pour que l’EEDD se donne des cadres définitifs. Et là attention le cadre provisoire peut durer et faire du mal. L’exemple des Espaces Territoriaux de Concertation tous bien vivants est à ce titre très parlant. Elles sont nombreuses en France les structures informelles permettant aux acteurs de l’EEDD de se rencontrer, d’échanger, de ses concerter et de se projeter ensemble. Et d’où que nous venions, qui que nous soyons, pour bien faire avancer ensemble l’EEDD nous avons juste besoin de nous entendre. Cela exige de lever bien des aprioris, de réviser bien des images mentales. Qui pourra dire d’où viendra la solution ? Nous devons mieux nous appuyer sur quelques certitudes déjà acquises et parier par exemple sur l’écoute. L’écoute de ceux qui font. Nous appuyer sur la diversité qui est toujours facteur de richesse pourvu que ça communique, parier sur la proximité parce que ce sont les personnes directement concernées qui peuvent le mieux agir pour elles-mêmes et leurs territoires. Il ne faut rien vouloir contrôler quand on veut du neuf. La responsabilité, elle, n’appartient pas à l’un, elle appartient à tous, elle est assumée par tous à égalité. Il y aura forcément quelques errances, on cherche la voie, donnons-nous le droit à l’erreur, donnons-nous le temps, appuyons-nous sur la confiance.
Une seule chose compte l’action
Tant que la concertation entre toutes les parties prenantes peut se faire peu importe que ce soit dans l’informel. Au contraire accepter l’informel c’est mettre toutes les chances de son côté dans le champ des possibles. Pour que les groupes conservent le cap il suffit que tous se parlent, il suffit que tous s’écoutent, il suffit que tous soient présents. L’EEDD pour s’épanouir ne doit être soumise à aucune domination. Pas une association, pas un ministère, pas une collectivité, pas une entreprise, pas même un Etat, aucune entité au centre, aucune au-dessus, mais toutes sur un pied d’égalité, fonctionnant dans le respect et toutes dirigées toujours vers la seule chose qui compte quand l’urgence est là : l’action.
A suivre
Roland Gérard
Co-directeur du Réseau Ecole et Nature