L’urbanisation centrifuge

par Jules Boncors
lundi 19 mai 2008

L’étalement urbain est le plus souvent vilipendé et associé à des dépenses énergétiques excessives et à une moindre qualité de vie. Lutter contre cette forme d’urbanisation motive la plupart de nos documents d’urbanisme. La réalité est toute différente et les politiques de limitation de cette urbanisation diffuse produisent précisément l’exclusion des zones les plus urbanisées et les plus équipées d’une part significative des arrivants ou de ceux qui souhaitent évoluer sur chaque territoire. Le désert français n’existe plus.

L’urbanisme et les urbanistes en travaillant sur un espace fragmenté par un nombre excessif de communes conçues comme des unités cohérentes, ce qu’elles ne sont pas, renvoient de plus en plus loin l’urbanisation.

Les données SITADEL (le dispositif statistique du ministère du Développement durable) met en évidence l’évolution de l’urbanisation en milieu rural et dans les unités urbaines de moins de 5 000 habitants où 43,5 % des logements ont été autorisés en 2006 pour 27,5 % en 1994.

En nombre, l’évolution est encore plus significative puisqu’il s’agit de 173 000 logements à comparer au 77 000 autorisés en 1994.
Cette situation constitue une réponse cruelle au discours ambiant sur un urbanisme soucieux de limiter l’étalement urbain. En fait, l’urbanisme, en protégeant excessivement le tissu urbain existant des agglomérations importantes contre l’urbanisation nouvelle, génère une croissance très consommatrice d’énergie et d’espace.

La direction régionale de l’équipement des Pays-de-Loire dans un document de synthèse sur l’urbanisation met clairement en évidence cette propension des territoires à s’urbaniser loin des villes.
Cette exclusion des nouveaux arrivants des espaces urbains constitués s’accompagne d’une discrimination sociale. L’espace rural concentre en effet les logements construits à l’aide de prêts à taux zéro et le logement social qui y évolue plus vite en proportion.


Nous savons par ailleurs que le prix des maisons est d’autant plus élevé à la construction que le prix des terrains d’assiette était élevé.
Le paradoxe de la grande maison sur le grand terrain dans la grande ville, et de la petite maison sur un petit terrain en campagne nous guette. Les agglomérations ne s’émeuvent guère du phénomène si ce n’est pour regretter les bouchons aux entrées de ville aux heures d’embauche. Elles négligent la rationalité d’utilisation des équipements publics structurant en les réservant aux habitants qui priment toujours sur l’arrivant. Elles s’inquiètent également des fermetures de classes qui font bizarrement écho aux ouvertures en zone rurale dans une arithmétique affectée par l’émiettement des écoles dans des zones peu peuplées.

Qu’en est-il de Paris ou plutôt du territoire aggloméré parisien, le futur Grand Paris peut-être ? Un comble, comme souvent + de 38 000 logements construits en 1994 soit 14 % des logements construits nationalement, moins de 30 000 en 2006 représentant 7,40 % du total.

Qu’en conclure si ce n’est que la grande centrifugeuse de l’urbanisme marche à plein malgré la bien-pensance et les discours et que seule la décohabitation de plus en plus difficile faute de logements continue d’agréger les populations au plus près des lieux d’habitation constitués.

 


Lire l'article complet, et les commentaires