La première moto à hydrogène commercialisable

par Jb
vendredi 26 janvier 2007

Nombreux sont les prototypes de véhicules fonctionnant à l’hydrogène. La différence de l’ENV, vous l’aurez compris, c’est qu’il ne compte pas en rester là. Cette moto est ambitieuse, mais surtout, elle peut réussir dans un domaine où rien n’a changé depuis un siècle.

L’ENV en détail

Dévoilé pour la première fois en mars 2005, le concept de l’ENV est le fruit de la collaboration entre Intelligent Energy, une entreprise anglaise spécialisée dans le stockage de l’hydrogène, et des designers londoniens de Seymourpowell, car c’est aussi un bel objet aux lignes audacieuses et futuristes. Encore à l’état de prototype, sa commercialisation est prévue fin 2007 et le prix de départ devrait être inférieur à 6000 $. La bonne nouvelle, c’est que celui-ci baissera si le carnet de commande se remplit rapidement. Logique.

Mais plus intéressant encore, son utilisation ne devrait pas être plus contraignante (voire moins !) qu’un scooter classique, du moins en ville. En effet « the Core », le réservoir amovible, permettra de rouler 160 km, à une vitesse maximum de 80 km/h, suffisant pour la ville.

De plus, l’ENV passe de 0 à 80 km/h en 12 secondes ce qui est honorable.

Les différences avec un scooter classique sont ailleurs. En effet, il faut savoir qu’une pile à combustible (« fuel cell ») ne fait aucun bruit ou presque, ne vibre pas et ne rejette que de l’eau. Aucune pollution générée (ou presque).

Le plaisir du deux roues va en prendre un coup, diront certains. Mais Intelligent Energy promet que la conduite procurera un réel plaisir, proche de celui de la glisse.

Autre atout, « the Core » permet un rechargement rapide (il suffit de le remplacer, ce qui prend moins d’une minute) et il peut servir pour d’autres applications (je ne sais pas moi, on peut imaginer un réchaud qui se branche dessus pour le camping). Bref, ça promet !

Pour ceux qui se demandent comment ça marche, le principe est simple : du Core sort l’électricité (comme une pile classique en fait, la pile à combustible délivre 1 kW et est accompagnée d’une batterie pour atteindre 6 kW en pointe) et cette électricité est transmise au moteur électrique qui entraîne la roue arrière par une chaîne, comme sur une moto classique.

L’hydrogène est stocké sous haute pression, et n’est pas plus dangereux qu’un carburant classique s’il est manipulé correctement.

Enfin, la moto pèse 80 kg et sera disponible en blanc ou en noir.

Fonctionnement d’une PAC

Il me semble intéressant de revenir en détail sur le fonctionnement de la pile à combustible qui est à la base de la production d’énergie à partir d’hydrogène.

Il suffit de voir comment ça se passe à l’intérieur pour comprendre ce qui se passe à l’extérieur. Et pour ça, rien ne vaut un bon schéma.
Celui du CEA a l’avantage, outre qu’il est animé, de proposer une explication très claire, même pour les novices. Je vous propose donc de le consulter à partir du lien suivant (c’est la première animation) :

http://www.cea.fr/cea/jeunes/mediatheque/animations/a_la_loupe/a_la_loupe

Le plus délicat dans tout ça reste le stockage. En effet l’hydrogène est très volatil, c’est un avantage pour la sécurité car il se dissipe très vite mais un inconvénient quand on veut le mettre en bouteille. Comme si ça ne suffisait pas, la molécule de H2 est la plus petite qui soit, ce qui lui permet de traverser aisément de nombreux matériaux si ça lui plaît.

Il y a trois solutions : le stockage sous haute pression, comme c’est le cas pour l’ENV, la très basse température pour garder l’hydrogène à l’état solide, procédé choisi par BMW, ou le stockage solide qui consiste à faire absorber la molécule d’hydrogène par une autre. Même s’il n’est pas le plus intéressant aujourd’hui, c’est ce dernier procédé qui est le plus prometteur avec l’arrivée des nanotubes de carbone, qui sont littéralement des tubes pouvant contenir beaucoup d’atomes d’hydrogène.

Reste la production de l’hydrogène. Car si à l’usage, il ne pollue pas, il faut tout de même le produire. Et là, ce n’est pas gagné. On peut soit extraire les atomes d’hydrogène des combustibles fossiles (CH4 pour le méthane, par exemple), soit électrolyser l’eau (H2O). Dans les deux cas, ça implique un apport d’énergie conséquent et c’est sûrement un des plus grands axes de développement des années à venir.

Pourquoi il faut y croire

Le moteur à explosion offrait lui aussi des résultats modestes à ses débuts. Et Intelligent Energy rend ici une copie plus qu’honorable.

Ici, IE présente bien plus qu’une moto. C’est tout un concept qui est développé autour du Core. Un mode de vie. Plus de risque de se mettre de l’essence sur les mains, pas d’attente à la station, on peut même garder des recharges à la maison. Et changer de pile comme on change (ou changeait) la bouteille de gaz consignée sous l’évier (en plus simple). Et ils travaillent sur la version automobile.

Le déploiement d’un tel produit ne nécessite pas un investissement lourd (au moins au début). Je ne sais pas ce qu’ont prévu les ingénieurs d’Intelligent Energy, mais on peut imaginer un réseau de distribution équivalent à celui des bouteilles de gaz qui soit relativement flexible et facile à mettre en place.

On peut centraliser la production d’énergie. Autrement dit, la pollution générée par des milliers de moteurs est déportée et concentrée en une seule et même cheminée, ce qui d’un côté libère les villes de la pollution, et de l’autre, facilite la récupération du CO2, qui serait ainsi plus facilement sequestrable en sous-sol. Ce serait déjà mieux que rien, en attendant que les énergies renouvelables atteignent la maturité.

S’il risque d’être plutôt le nouveau jouet des stars hollywoodiennes à ses débuts, comme la Prius, l’ENV semble promis à un bel avenir, non ?

Liens :
Le site d’Intelligent Energy
Le mini-site consacré à l’ENV
Le PDF sur l’ENV
Le site de Seymourpowell
L’animation du CEA
Un article du Business Week
La page Wikipédia
Une vidéo Youtube (reportage Discovery Channel)

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