La réunion du G8, des promesses pour 2050 !
par Khalifa Chater
lundi 11 juin 2007
Le professeur Khalifa Chater, analyste géopolitique, évalue les travaux du G8 et montre que ce club des puissances privilégie les centres d’intérêts de ses membres et engage la concertation sur la répartition de leurs rôles. Evaluant les résultats de leur dernière assise, il estime que la crise USA/Russie à propos de la création d’un bouclier nucléaire en Pologne et Tchéquie est loin d’être désamorcée et que le renvoi aux calendes grecques d’une solution vitale du réchauffement de la planète traduit les limites du pluralisme, tout en demandant d’ouvrir l’horizon du G8 sur son environnement géostratégique international.
Il faudrait prendre la juste mesure de la dernière réunion du G8 (Heilingendamm, Allemagne 6-8 juin 2007). Ni la surestimer ni la considérer comme un non-événement ! Les réunions informelles de ce club des grandes puissances qui traitent entre elles les affaires du monde nous concernent tous. On ne peut, en effet, occulter les responsabilités de ces grands acteurs sur la scène internationale, dans leur direction de l’Establishment onusien, leurs concertations globales, leurs interventions dans leurs aires d’influences et la défense de leurs privilèges. Les différentes dimensions de ce jeu de puissances, y compris leur rôle dans le maintien de la paix et le déclenchement des conflits, par les transgressions du droit international, ne peuvent être sous-estimées.
Structure informelle de coexistence des puissances, il était normal que le G8 privilégie les centres d’intérêts de ses membres, qu’il engage la concertation sur la répartition de leurs rôles et qu’il favorise leurs points de vue. Les autres pays peuvent les intéresser, en tant que clients politiques et économiques ou s’ils ont des capacités de nuisance, réelles ou imaginaires, telles « les armes de destruction massives » d’Irak ou les missiles à futures têtes nucléaires d’Iran. De ce point de vue, la dernière réunion du G8 a permis au président Poutine d’exprimer fermement son opposition à l’installation par Washington de dix rampes de lancement en Pologne et d’une station radar en République tchèque, censés protéger l’Europe d’une attaque future de l’Iran. Cette installation du bouclier antimissile en Europe, dans le voisinage de la Russie et son ancienne aire d’influence réanime la guerre froide d’antan et identifie la Russie comme ennemi éventuel. Offusqué, Poutine mit la question à l’ordre du jour de la conférence et de l’opinion publique européenne. Fait important, le projet américain a l’ambition de prendre en charge la défense de l’Europe, avec l’accord de la Pologne et de la Tchéquie, sans la consultation de leurs partenaires au sein de la Communauté européenne, bien redimensionnée par la limitation de ses prérogatives. En dépit des assurances réciproques, la crise est loin d’être désamorcée car elle redéfinit les relations désormais conflictuelles, du moins virtuellement, entre les USA et la Russie.
En ce qui concerne la question essentielle du réchauffement climatique et de l’effet de serre, l’accord diplomatique prévoit une réduction de 50% des émissions polluantes d’ici 2050. Ayant refusé de ratifier l’accord de Kyoto, Les USA ont accepté cette ultime concession, rejetant un engagement fixant des objectifs chiffrés. Ce renvoi aux calendes grecques d’une solution vitale, qui suscite le mécontentement, traduit les limites du pluralisme sollicité par tous.
La concertation internationale s’est limitée à l’étude de la question du Kosovo et sans doute la question du nucléaire iranien, objet d’un consensus du clan occidental. Mais les questions essentielles telle celle du Moyen-Orient et ses multiples brasiers ne sont guère abordées. Dans ce domaine, la vision européocentriste rejoint la vision américaine, tolérant les manœuvres de diversion, qui consolident l’ordre établi par l’actuel rapport de forces. Mais l’enterrement du tiers-mondisme ne permet pas d’ignorer les tragédies dues au commerce inégal, au développement du sous-développement et de la misère. L’aide consentie à l’Afrique, un expédient pour répondre à des solutions d’urgence, ne peut avoir d’impact significatif. Ne faudrait-il pas anticiper la solution des problèmes de la planète-monde, instituer une solidarité organique et ouvrir l’horizon du G8 sur son environnement géostratégique international, dans le cadre d’une véritable éthique onusienne de compréhension, d’association et de partenariat responsable ?