La semaine mondiale de l’eau, un sujet inépuisable

par hans lefebvre
mardi 19 août 2008

2,5 milliards d’humains n’ont pas accès à des installations sanitaires ! 5 000 enfants meurent chaque jour de ce manque ! Les chiffres sont donc effrayants et chacun d’entre nous n’aura qu’à se projeter quelques instants seulement dans un quotidien dépourvu d’infrastructures sanitaires pour mesurer combien il est si essentiel de pouvoir disposer de ce « confort minimum », véritable élément d’une dignité humaine.

L’assainissement sera donc le thème central de la semaine mondiale de l’eau qui se tient à Stockholm du 17 au 23 août 2008. Cette 18e édition réunit 2 500 experts en provenance de 140 nations, c’est dire toute l’importance accordée au sujet. D’autres thèmes sont inscrits à l’ordre du jour de cette manifestation qui mérite une large publicité : le réchauffement climatique, l’eau et les frontières, la gestion des ressources, les bioénergies... autant de sujets prééminents pour le devenir de l’humanité.

 

Comme l’affirmait Cécilia Martins - directeur de projet à l’institut international de l’eau de Stockholm - dans un entretien donné au quotidien Libération, « la crise de l’assainissement est toujours mise de côté lorsqu’on évoque les questions de l’eau ou du développement » tant le sujet reste tabou puisqu’il y est question d’urine et d’excréments. Les rejets intimes des humains demeurent toujours un sujet très délicat à évoquer, car ils sont telle une cohorte archaïque et cauchemardesque qui peuple l’inconscient collectif collant à l’humanité tout entière, cela de toute éternité.

Pourtant, les Nations unies, dans un accès de courage ont décrété l’année 2008 comme celle de l’assainissement, soit une mise en avant capitale alors que ce thème a toujours fait l’objet d’un traitement au fond du jardin.

La première journée de travail sera donc consacrée à la promotion de l’hygiène des mains dans les pays les plus démunis, où 5 000 enfants meurent chaque jour de diarrhées du simple fait de ne pouvoir se laver les mains dans les conditions minimum exigées par la santé publique.

Ensuite, les débats feront état de la problématique de l’eau dans les situations post-conflictuelles avec les exemples ougandais, haïtien et nord-coréen notamment. Les spécialistes développeront plus précisément le rôle que peut jouer l’eau dans la résolution des conflits humains. Mais, chacun le mesure, l’eau est aussi, en amont, la source de tensions importantes dans le monde, tant le bien est précieux parce que rare, paradoxe sur une planète recouverte à 70 % par l’eau [1]. La situation en Palestine, mais aussi au Tibet reste liée aussi à l’eau [2]. En effet, l’enclave palestinienne de Gaza souffre régulièrement du déficit en eau, alors que la ressource est accaparée par leur voisin à cause d’une agriculture intensive très exigeante en eau. Pour ce qui est des relations sino-tibétaines, on sait que le toit du monde abrite des réserves en eau essentielles pour l’Empire du Milieu, même si cette thématique n’est pas celle que l’on a tendance à mettre en avant dans l’approche de ce conflit.

Dès lors, il n’est pas nécessaire d’être un fin analyste pour mesurer combien l’eau demeure un enjeu majeur dans la gestion de la paix et du devenir commun sur notre planète.

La question de la corruption sera aussi abordée car on sait que le traitement de l’eau dans le monde génère aussi de telles dérives. En effet, les sommes en jeu dans quelque projet lié à l’eau et à son assainissement sont si importantes, que les esprits les plus malveillants n’ont pas hésité à se laver les mains de toute attitude empreinte d’éthique. A ce titre, le rapport mondial sur la corruption [3] souligne combien ces comportements criminels aggravent la raréfaction de la ressource en eau, annulant les efforts produits par ailleurs afin de résoudre le manque cruel de ladite ressource. Ainsi, les fonds alloués peuvent faire l’objet de ponctions illicites qui amputent d’autant la viabilité des projets mis en développement. Là encore, les solutions sont connues, mais il faut une volonté ferme et unanime afin de mettre un terme à pareilles dérives dont les conséquences se mesurent en vies humaines perdues.

Mais revenons à nos sanitaires, et les remèdes avancés pour mettre fin à cette situation de crise si lourde, qu’elle fait obstacle à toute politique de développement d’une manière générale.

Aussi, comment penser le développement humain sans s’attaquer à l’assainissement et toutes les conséquences primordiales liées à ce manque fondamental qui frappe 2,5 milliards d’êtres humains !

Il faut donc oser les campagnes pour l’accès aux toilettes pour le plus grand nombre, initiative encore inexistante, même si cela serait profitable à l’ensemble de la planète en matière de santé et d’économie, comme le rappelle Cécilia Martins. Ici encore, cette spécialiste de confronter les chiffres. 10 milliards de dollars par an sont nécessaires pour réduire de moitié d’ici 2015 le nombre d’humains n’ayant pas accès aux sanitaires, chiffre équivalent au budget annuel consacré par les Européens à l’achat de crèmes glacées ! La mise en comparaison est donc volontairement choquante, et chacun pourra savourer cette donnée tout en dégustant sa sucrerie préférée de l’été...

Mais, les installations ne font pas tout, il est aussi question d’éducation, de modification profonde des comportements, et de mise en avant de la question centrale de la dignité.

La construction d’infrastructures adaptées n’ira pas sans un accompagnement au plan local, et la mise en place d’un suivi qui doit se faire avec les autorités locales au sens large. Chaque conscience est ici utile, voire essentielle, afin que la chaîne réalisée soit pertinente et durable. Il y a ici un véritable gisement d’emplois lié au développement et à l’entretien des infrastructures sanitaires et d’assainissement de l’eau. Cette mise en perspective doit être une source de motivation supplémentaire pour agir rapidement, et mettre en avant ce sujet capital pour le devenir de la moitié de l’humanité privée de distribution domestique d’eau, mais aussi du traitement de ses eaux usées.

Encore une fois, à l’instar du VIH, les objectifs fixés par les instances internationales ne seront pas atteints. Alors que les plus nantis d’entre nous continuerons à gaspiller allègrement la ressource vitale, d’autres, par milliers chaque jour, périront faute d’un minimum nécessaire toujours inaccessible [4].

Le problème de l’eau est encore le reflet de l’état actuel du monde [5], ce liquide si délicieux, mais qui reste si douloureux, tant sont nombreux les humains qui en sont privés. Pour autant, ne doutons pas que l’ensemble de l’humanité sera bientôt logée à la même enseigne, et devra faire face globalement au problème de la rareté de l’eau, et de sa marchandisation croissante. Dès lors, gageons que les solutions s’imposeront sans plus aucune discussion possible.

[1] FAQ sur la quantité d’eau
[2] Sur ces deux thèmes :

La symbolique de l’eau dans le conflit israélo-palestinien

L’eau facteur d’instabilité en Chine
[3] Rapport mondial sur la corruption 2008
[4] L’eau et l’assainissement dans les villes du monde
[5] L’eau dans le monde


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