La taxe carbonisée

par olivier cabanel
mercredi 30 octobre 2013

Alors qu’on attend avec impatience le « Canard Enchainé » titrer à la une : « la retraite au Flamby », Jean Marc Ayrault, vient, devant la fronde bretonne de déposer les armes, signifiant le gel provisoire de la taxe carbone.

Mais au-delà de ces péripéties du pouvoir, il n’est pas inutile de regarder de plus près cette recette (fiscale) voulue par des écologistes, ou du moins qui s’affirment comme tels. lien

C’était promis, la « Hollandie » n’allait pas être le pays de nouveaux impôts, la taxe en étant le plus injuste puisqu’elle pénalise plus les pauvres que les autres. lien

Or Hollande a validé une taxe voulue par son prédécesseur et censurée en 2009 par le conseil constitutionnel. lien

On essaye de comprendre...

C’est en effet en 2009 que le parlement, suivant les vœux du gouvernement précédent, avait officialisé cette taxe carbone destinée en principe à favoriser le report du trafic de fret de la route vers le rail.

Mais ne s’agit-il pas du type même de la mauvaise « bonne solution », car s’il est vrai que chacun est favorable à voir moins de poids lourds sur les routes, et plus de marchandises sur le rail, il n’en reste pas moins vrai qu’une telle taxe ne peut avoir d’autre effet que de faire monter le cout de la marchandise transportée.

Seuls quelques pseudos écolos ont pu imaginer le contraire.

Quand l’on sait que le fret ferroviaire est en pleine débandade, (lien) qu’il est beaucoup plus cher que la route, que des wagons se perdent, et que les convois de fret ferroviaire se traînent à une vitesse moyenne de 18 km à l’heure, on imagine sans peine que les transporteurs routiers préfèreront 100 fois payer la taxe, que d’utiliser le rail…

Résultat, si la taxe était appliquée, les transporteurs la répercuteraient sur les marchandises, faisant finalement en subir les conséquences aux consommateurs .

C’était compter sans les Bretons, souvent taxés d’irréductibles, puisque c’est en Bretagne, à Plogoff, l’une des rares fois où le pouvoir a reculé devant la vindicte populaire, abandonnant le projet d’une centrale nucléaire.

C’est aussi en Bretagne que des dizaines de milliers de citoyens luttent, contre l’avis de Jean-Marc Ayrault, en demandant l’abandon de l’inutile aéroport de Notre Dame des Landes

Le premier ministre va-t-il multiplier les renoncements ?

L’avenir nous le dira, car dans le même registre que NDDL, il est temps de s’intéresser à celui du Lyon Turin.

Ce projet, contesté par les plus hautes instances de l’Etat, invalidé par le rapport Duron, est toujours voulu par le gouvernement de François Hollande.

Engager près de 30 milliards d’euros, selon la Cour des comptes, et malgré l’avis du rapport Duron, (lien) dans un projet ferroviaire double, qui s’arrête à 30 km de Lyon, est une erreur monumentale et provoquerait un gâchis financier et environnemental durable.

En effet, le projet fret, s’il se réalisait, ne résoudrait en rien le report du fret de la route vers le rail, puisque l’on sait aujourd’hui que pour résoudre ce report désiré, la création d’une ligne nouvelle n’est pas la bonne réponse, la solution étant la mise en place d’une technologie innovante, propre à concurrencer la route, autant sur le plan financier, que sur celui de la rapidité et de la fiabilité.

Or cette technologie existe, elle s’appelle R-shift-R, et a été validée et récompensée au niveau européen. lien

Permettant le franchissement de pentes de plus de 3%, le chargement du fret en moins de 6 minutes, et pouvant rouler à 120 km/h, acceptant le gabarit GB1+, des remorques de 4,20 m, elle utilise la voie actuelle, laquelle doit être modernisée de toutes façons, afin d’éviter de nouveaux « Brétigny ». lien

C’est ce que la SNCF fait, investissant 1 milliards d’euros en Rhône-Alpes, mais elle pourrait aller au-delà d’une simple modernisation, (lien) s’inspirant de ce que nos voisins autrichiens ont fait sur la ligne d’accès au tunnel du Brenner, supprimant la quasi-totalité des nuisances de la ligne historique, grâce à des aménagements performants, qui, s’ils auront un prix, seront largement inférieurs à celui du projet voulu par les promoteurs du Lyon Turin, avec l’avantage de pouvoir être réalisé par des entreprises locales, et non par des entreprises géantes, qui sous traiteront le chantier, faisant travailler de la main d’œuvre étrangère, payée au rabais.

Ce « plan B » a d’ailleurs été étudié par un ingénieur savoyard, Michel Martin, lequel en a démontré l’intérêt et la faisabilité. lien

Cette transformation pourrait aussi être appliquée à la ligne historique utilisée par les voyageurs, raccourcissant ainsi le temps de parcours entre Lyon et Turin, tout en rendant encore plus performant le réseau TER, d’autant que le tunnel ferroviaire de Montcenis a subi une transformation, mis au gabarit GB1+ permettant le passage de nouveaux convois avec des camions de 4m de haut (lien ) grâce à un investissement de 107,8 millions d’euros. lien

Le projet actuel est critiquable à plusieurs niveaux, ses promoteurs ayant laissé dans le flou la question sur la gestion des déblais, lesquels ne pourraient être utilisés qu’à un faible pourcentage pour la construction, (il en restera 9,4 millions de m3) si l’on veut bien se souvenir du « béton pourri » fabriqué avec les déblais des descenderies de Modane, ayant provoqué la destruction de nombreux immeubles. lien

Au-delà des 1500 hectares perdus pour le monde agricole suite à l’emprise du chantier, ce qui a finalement provoqué l’hostilité définitive de la chambre d’agriculture régionale à ce projet, (lien) les déblais seront autant de terres agricoles dévastées. lien

De son coté, la FRAPNA (Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature), a déposé un recours gracieux à l’encontre du Décret du 23 août 2013 déclarant d’utilité publique les travaux nécessaires à la réalisation de l’itinéraire d’accès au tunnel franco-italien, ainsi qu’une lettre ouverte aux parlementaires, les appelant à ne pas voter la ratification de l’accord intergouvernemental du 30 janvier 2012.

Le 22 octobre, un représentant des opposants a été entendu par les députés, lesquels avaient déjà reçu un dvd et un dossier complet démontrant l’inutilité de ce projet pharaonique…

Chez les opposants, outre le choix de déposer un recours suspensif en Conseil d’Etat, (lien) a été décidé de faire la promotion de la transformation du réseau existant, sur le modèle autrichien réalisé au Brenner, en faisant découvrir aux élus français l’efficacité de celui-ci, afin d’obtenir leur adhésion à ce type d’évolution de l’existant.

Ce choix respectueux de l’environnement, avec le seul souci de garder la vocation touristique des départements traversés, et de sauvegarder les terres agricoles, est l’alternative la plus raisonnable au projet fou et démesuré actuel porté encore par quelques élus en mal de notoriété.

C’est d’ailleurs ce que défend le député européen Jean Jacob Bicep. lien

Le problème aujourd’hui est que LTF (Lyon Turin Ferroviaire) mène depuis 20 ans en région Rhône Alpes, la politique du fait accompli.

Ainsi, avant même la publication au journal officiel « d’utilité publique », LTF, avec la complicité du Conseil Régional Rhône-Alpes, près d’un milliard d’euros ont été engagés pour creuser les « galeries de reconnaissance », en faisant passer ce gigantesque chantier pour « des études »…lien

Puis lorsque la contestation s’est fait jour, le chantage des lobbyistes du projet a été de dire « maintenant que tout cet argent a été dépensé, on ne peut plus reculer ».

Aujourd’hui, s’il est vrai que la commission des affaires étrangères à donné le 23 octobre 2013 un avis favorable à l’adoption du projet de loi de ratification de l’accord franco italien du 30 janvier 2012, (lien) l’assemblée nationale n’a toujours pas donné le sien, et encore moins le sénat, d’autant que les opposants ont déposé un recours

D’ailleurs du coté des députés, Dominique Dord, précédemment défenseur du projet avait récemment déclaré son opposition à ce projet qu’il juge pharaonique, et inutile, lui préférant la modernisation de l’existant, et vient d’être rejoint par Bertrand Pancher, député UDI de la Meuse, qui lui aussi trouve plus sage, par ces temps de crise, de moderniser l’existant, se demandant comment serait pris en charge les 60% restant à être financés, dans le contexte de surendettement du secteur ferroviaire en France, s’étonnant que le gouvernement ayant mandaté la commission Duron, ne tienne pas compte des conclusions de celle-ci.

Il remarque que la ligne historique est largement sous-utilisée, avec 3,7 millions de tonnes de marchandises par an, alors que l’étude commandée par l’Union Européenne estime qu’elle peut atteindre 19 millions de tonnes, soit quasiment 5 fois plus qu’actuellement. lien

Alors que les promoteurs du projet évoquaient une prochaine saturation sur l’autoroute ferroviaire existante, force est de constater qu’on est loin de la promesse des 300 000 camions, puisqu’il se résume aujourd’hui à moins de 27 000 poids lourds annuels. lien

On rêve d'un jour où le bon sens et la raison seront les maître mots d'un gouvernement.

Comme dit mon vieil ami africain : « le grillon tient dans le creux de la main, mais on l’entend dans toute la prairie  ».

Merci aux internautes de leur aide précieuse

L’image illustrant l’article provient de « extrêmecentre.org »

Olivier Cabanel

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