Le développement mondial de l’élevage nuit à l’environnement

par Henry Moreigne
mercredi 6 décembre 2006

La FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) dans le rapport récent qu’elle vient de publier apporte sa contribution au diagnostic sur l’état de la planète. L’organisation souligne les nuisances générées par le secteur de l’élevage sur l’environnement. Emission de gaz à effet de serre, mais aussi dégradation des terres et des eaux. Le prix fort à payer pour une production mondiale de viande annuelle, passée en trente ans de 99 à 244 millions de tonnes. Or, à valeur nutritive égale, produire un kilo de viande non seulement requiert plus d’eau, mais se traduit aussi par des rejets de méthane des ruminants et des émissions gazeuses dues aux effluents d’élevage, et peut induire une pollution de l’eau et des sols.

Bien que générant à peine 1,5 % du PIB total, le secteur de l’élevage est socialement et politiquement très important, notamment dans les pays en développement. Il nourrit et fait vivre un milliard de pauvres dans le monde, en particulier dans les zones arides, où les animaux d’élevage sont souvent la seule source d’existence.

Or, première mauvaise surprise, l’élevage de bovins génère davantage de gaz à effet de serre que les véhicules automobiles. Le système digestif des ruminants, à lui tout seul, est à l’origine de 37 % de tout le méthane dû aux activités humaines. 65 % des émissions d’hémioxyde d’azote, qui ont un potentiel de réchauffement global 296 fois plus élevé que le CO², sont quant à elles essentiellement imputables au fumier.

Deuxième point noir, l’eau, essentiellement destinée à l’irrigation des cultures fourragères. 15 m3 d’eau sont en moyenne nécessaire pour produire 1 kg de viande soit dix fois plus que pour obtenir 1 kg de céréales. La production animale constitue la plus grande source sectorielle de polluants de l’eau (antibiotiques, hormones, produits chimiques des tanneries, engrais et pesticides utilisés pour les cultures fourragères...). On estime ainsi qu’aux Etats-Unis, l’élevage et l’agriculture fourragère sont responsables de 37 % de l’utilisation de pesticides, de 50 % de celle d’antibiotiques, et d’un tiers des charges d’azote et de phosphore dans les ressources en eau douce. Le secteur engendre aussi près des deux tiers de l’ammoniac d’origine anthropique, qui contribue sensiblement aux pluies acides et à l’acidification des écosystèmes.

Plus surprenant, le rapport évoque également un péril pour la biodiversité de la Terre. Les animaux d’élevage constituent environ 20 % de la biomasse animale terrestre totale, et la superficie qu’ils occupent aujourd’hui, 30 % de toute la surface émergée de la Terre, était autrefois l’habitat de la faune sauvage. Or, les forêts sont disparaissent, défrichées pour créer de nouveaux pâturages. L’Amérique latine illustre ce phénomène avec près de 70 % des anciennes forêts d’Amazonie converties en pâturages. Parallèlement, les troupeaux par le surpâturage, la compaction et l’érosion sont à l’origine d’une détérioration des terres à grande échelle et contribuent à la désertification en zone aride.

Au-delà du constat inquiétant dressé par le rapport de la FAO, il serait injuste de placer sur le même banc des accusés les agricultures des pays en voie de développement et celles des pays industrialisés. Si dans le premier groupe on est bien dans le cadre d’une impérieuse nécessité, tel n’est pas le cas pour la deuxième qui obéit à des impératifs de profits. Les agricultures américaine et européenne, pour ne parler que d’elles, se sont construites à l’aide de beaucoup d’aides publiques et sans trop d’égards pour l’environnement. C’est aujourd’hui ce système industriel, productiviste, qui montre ses limites. Il ne saurait en tous cas constituer un modèle de développement pour les pays pauvres.


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