Le problème de la voiture électrique

par Didier Barthès
lundi 11 octobre 2010

Le principal inconvénient de la voiture électrique n’est peut-être pas celui que l’on l’imagine.

A Paris, Le Mondial de l’automobile fait la part belle aux véhicules électriques. Citroën avec la C Zéro, Peugeot avec la iOn, ou, pour un peu plus tard, Renault avec la Zoé… Tous les grands constructeurs présentent désormais un projet solide et ambitieux. Plusieurs modèles devraient donc bientôt parcourir nos routes sans que cela relève des seules flottes captives comme lors du timide essai de la fin des années 90 où nous pouvions croiser ici et là quelques véhicules d’EDF.
Ce succès annoncé, issu de la pression écologique, mais aussi d’un peu de volontarisme, de (légers) progrès dans la technologie des batteries au lithium ainsi que d’une électronique plus performante attire les commentaires enthousiastes mais suscite également les interrogations. Il en est une qui domine toutes les autres : La voiture électrique élimine-t-elle vraiment la pollution ? Ne se contenterait-elle pas que la déplacer ?
Rappelons le, l’électricité n’est pas une source d’énergie, c’est juste un vecteur. Avant de propulser nos voitures, le courant doit être généré. Il en résulte que la pollution indirecte engendrée par ces véhicules est fortement dépendante des conditions dans lesquelles l’électricité se trouve elle-même produite.
Si l’on prend l’émission de CO2 comme principal indicateur de pollution (ce qui est un peu réducteur, admettons-le), alors, en la matière, la France fait figure de bonne élève. Avec de l’électricité issue à 80 % du nucléaire, le parc français de voitures électriques serait finalement peu émetteur de gaz carbonique.
L’Allemagne, par contre avec son faible nombre de centrales nucléaires et surtout devant leur abandon programmé serait évidemment beaucoup plus mal placée ce qui la conduira indirectement à faire rouler ses voitures électriques… au charbon (puisque c’est par la combustion du charbon grand émetteur de CO2 qu’est et sera majoritairement produite l’électricité allemande).
La critique est justifiée et même si la France fait exception, la voiture électrique dans un bon nombre de cas ne réduit gère la pollution, elle ne fait que déplacer la source d’émission. Le raisonnement est imparable. Ajoutons qu’il faudrait également analyser le rendement des différentes opérations de transformation d’un support énergétique à l’autre : combustible d’énergies fossiles vers électricité, charge de cette électricité dans une batterie, capacité de restitution etc… Cela, n’arrangerait pas le bilan global.
 
La pertinence de cette critique masque hélas deux autres problèmes qui, eux non plus, ne vont pas dans le sens d’une voiture propre.
Tout d’abord, une voiture se fabrique et, électrique ou pas, la pollution et les consommations de matière et d’énergie générées par cette fabrication sont loin d’être négligeables. Cet argument est d’ailleurs à opposer à ceux qui, régulièrement, nous incitent à changer fréquemment notre véhicule afin de toujours bénéficier des ultimes progrès. Ecologiquement mieux vaut garder sa voiture quelques années de plus que de se précipiter sur le dernier modèle. La société de consommation est le premier ennemi de l’écologie.
En second lieu, là encore, électrique ou pas, l’automobile ne représente pas un danger pour l’environnement du seul fait de ce qui sort de son pot d’échappement ou de sa consommation initiale d’énergie. La voiture est d’abord une agression pour l’environnement par l’espace qui lui est consacré. Routes, parkings et voies d’accès constituent une bonne part de notre environnement. Ces espaces sont gagnés sur la nature et n’ont guère de chances de lui être restitués. Ajoutons qu’ils quadrillent très strictement le territoire et le rendent par cela quasi inhabitables aux animaux. Quand une route importante traverse une forêt, c’est au moins sur un kilomètre de part et d’autre qu’il est impossible, même temporairement, d’oublier son existence.
L’automobile est omniprésente. Combien de temps en France peut-on, marcher en ligne droite sans rencontrer le bitume ? Jusqu’où devons nous aller pour ne plus entendre la circulation ? Quelle est la proportion de lieux où la voiture est invisible et inaudible et peut complètement se faire oublier ?
Là se trouve l’agression majeure de l’automobile à notre monde. De ce point de vue, la voiture électrique ne réglera en rien les problèmes. Au contraire même, comme nous l’indiquions dans un autre article, moins l’automobile sera polluante et énergivore et plus elle constituera un risque pour la nature car plus irrésistible et aussi plus durable sera son expansion et sa domination sur le monde. Ce paradoxe n’est pas le moindre, il n’en est pas moins bien réel. Les automobiles à moteur thermique présentent au moins un avantage du point de vue écologique : la pollution qu’elles génèrent prendra fin avec l’épuisement des ressources d’énergies fossiles.
Voilà pourquoi en ce domaine comme en d’autres, il est illusoire d’attendre une solution scientifique ou technologique miraculeuse. Toute solution qui nous donnerait plus de pouvoir serait en réalité dangereuse et la seule voie prometteuse est celle de la modestie. Moins d’habitants sur la planète, moins de déplacements, moins de consommation. Toute autre démarche ne serait qu’une course désastreuse à " l’artificialisation " du monde.
 

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