Le projet de Grande Muraille verte pour l’Afrique : du mirage à la réalité

par Mohamed Takadoum
vendredi 8 juillet 2011

Onze pays d'Afrique de l'Ouest et du Sahel sont entrain de réaliser un grand projet pour stopper l'avancée du désert à travers "la Grande Muraille Verte" des opérations de reboisement sur 15 Km de large sur plus de 7.600 km qui traverse le continent d'Est à l'Ouest.
Le projet
Onze pays sont engagé dans le projet pharaonique que M Wade (Président du Sénégal) a baptise "la Grande Muraille verte". Elle traversera le continent d'Est à l'Ouest (de Dakar à Djibouti), à travers onze pays : Burkina Faso, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Soudan et Tchad.
Face à l'avancée inexorable du désert (2 millions d’hectares de zones boisées sont perdus chaque année) qui menace la sécurité alimentaire et l'équilibre démographique sur de vastes contrées, les chefs d'Etats et de gouvernements des onze pays ont décidé en juin 2010 de créer l'Agence Panafricaine de la Grande Muraille verte pour la réalisation de ce chantier.
Le cout du projet est estimé à 600Millions de dollars sur 10ans. Le Directeur du(FEN) Fonds pour l'environnement mondial Monique Barbut a promis une enveloppe de 119 millions de dollars.
Les onze pays ont aussi décidé de sensibiliser leurs voisins, en appelant les pays du bassin forestier du sud à se joindre à ce projet. Car au rythme actuel de l'avancée du désert au Sahel, « c'est bientôt le bassin forestier du Congo, deuxième poumon de la planète après l'Amazonie, qui sera menacé de disparition ».
 
Les espèces d’arbres retenus.
Une trentaine d'espèces, toutes locales, ont été identifiées par des scientifiques. Chaque pays doit choisir les « espèces à fort potentiel de résistance à la sécheresse tout en ayant un intérêt pour les populations afin de les faire adhérer au projet ». A cet effet, la Grande Muraille Verte intègre aussi des objectifs de développement local avec la satisfaction des besoins domestiques et la relance des activités agricoles et pastorales.
« Avec plusieurs systèmes nationaux de recherche agronomique, au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso, ou au Niger, l'on a déjà fait des sélections d'espèces d'arbres en fonction de leur potentiel rémunérateur pour les populations. Le "baobab" et le "jujubier" aux fruits riches en vitamines et minéraux, le "karité" aux vertus médicales, ou encore le "tamarin" alimentaire ou l'acacia pourvoyeur de bois de chauffe, peupleront ainsi la vaste bande boisée le long de milliers de kilomètres ».
 
La contestation du projet.
Ce projet est contesté par Marc Bied-Charreton, président du Comité scientifique français de la désertification
« L’idée de créer une muraille contre le désert est totalement incongrue et la grande majorité des scientifiques s’y oppose. En vérité, il est faux de dire que le désert avance et qu’il faut l’arrêter. Ce qui progresse, c’est la dévégétalisation des sols. Il faut donc protéger l’ensemble des sols et non pas construire des barrières de ce type qui sont vouées à l’échec.
La menace est double : les périodes de grandes sécheresses sont conjuguées à de mauvaises pratiques agricoles. La solution est de mettre en place une agriculture durable pour protéger les sols, c’est à dire cesser de laisser les terres à nu pendant six mois de l’année, limiter les labours, mettre en place des rotations de culture, diminuer les recours à l’engrais… Pour les sols qui ont perdu leur fertilité, il faut engager des actions de reboisement.
Un projet d’une telle ampleur n’est pour moi pas réalisable. De plus, les grands barrages verts ont toujours échoué. L’Algérie s’y est essayée il y a trente ans et les populations n’ont pas adhéré. Cela ne peut pas fonctionner si l’on fait intervenir les administrations, voire même des militaires pour végéta riser de grands territoires. Au contraire, il est indispensable de faire participer les habitants".
 
Le précédent chinois.
Le contestataire du projet semble oublier le précédent chinois. A la fin des années 70, la Chine a commencé à bâtir une muraille verte pour lutter contre la progression des dunes de sable, alors à 200 km de Pékin. Celle-ci s’étend désormais de l’extrême Nord-est du pays à l’extrême Nord-Ouest, sur un parcours long de 4500 km environ."La réalisation de cette muraille verte a permis l'aménagement pour l'essentiel de plus de 20% des terres en désertification de ces trois régions et la diminution de plus de 40% de la surface de déperdition du sol et des eaux.
Cet ouvrage de protection forestière qui couvre la Chine du Nord-Est, du Nord et du Nord-Ouest commence à l'est à partir du district du Bingxian, dans la Province du Heilongjiang, pour finir à l'ouest au col du mont Wuzibieli, dans la Région autonome du Xinjiang. Au nord il côtoie les frontières. Sa longueur de l'Est vers l'Ouest est de 4.480 km, alors que sa largeur du Nord vers le Sud se situe entre 560 à 1.460 km. La superficie totale de construction atteint 4,069 millions de km², soit 42,4% de la surface totale du pays. »
 
Ou en est le projet ?
 Le Directeur de l'Agence nationale de la "grande muraille verte", Matar Cissé est chargé de  transformer cette utopie en réalité. "Nous allons réussir, nous nous sommes entourés des meilleurs scientifiques et nous avons aussi une certaine expérience", assure-t-il avec un grand sourire.
Depuis 2008, quelque 5 000 hectares sont reboisés tous les ans au Sénégal, une authentique prouesse dans cette région sahélienne. Il faut cependant reconnaître que le projet a été bien pensé : plutôt que de planter à tout-va, des espèces végétales ont été spécifiquement sélectionnées en fonction de leur capacité d'adaptation à la rudesse du climat mais aussi de ce qu'elles peuvent apporter aux populations. Il faut « planter des arbres que les populations n'aient pas intérêt à couper », a résume Aliou Guissé, professeur en écologie végétale à l'Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar (UCAD).
Il est donc temps que l'Europe s'investisse vraiment dans ce projet.

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