Le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris n’est qu’un acte politique
par louis.deredon
mardi 6 juin 2017
Le 1er juin dernier, le président américain, Donald J. Trump, annonçait le retrait unilatéral des Etats-Unis de l'Accord de Paris sur le climat. Au-delà de l'effet d'annonce politique, quelles seront les réelles conséquence de cette décision ? Directement pour les Etats-Unis, les impacts ne seront pas aussi catastrophiques que certains le laissent à penser. En revanche, sur le plan international, les risques sont réels et doubles : un effet d'entrainement à d'autres pays moins bien armés pour faire face au défi de la transition énergétique seuls, et le pointage par la communauté internationale d'un coupable facile et idéal à un échec possible, voire probable, dans l'application des obligations posées par la COP-21.
Par Louis DE REDON, avocat aux bareaux de Blois (Fr.) et de New York (USA)
Maître de conférences en environnement et Droit de l'environnement à AgroParisTech
Chercheur à l'Institut de Recherche Juridique de la Sorbonne (IRJS)
Responsable d'enseignements sur le Droit du changement climatique au sein de grandes écoles et d'universités
Page web : http://www.agroparistech.fr/Louis-de-Redon.html
« Notre planète brûle et nous regardons ailleurs » disait en 2002 le Président Chirac en ouverture de son discours au Sommet de la Terre de Johannesburg. Quinze ans plus tard, alors que le rôle tant attendu de pompier est attribué à l’accord de Paris, le président américain, Donald Trump, annonce le retrait des Etats-Unis. Sidéré, le Monde entier fait part de sa consternation… « Notre planète brûle et les américains regardent-ils ailleurs » ? Rien n’est pourtant moins sûr ! Les effets directs du retrait d’un accord qui se voulait déterminant pour l’avenir de la planète ne seront pas si néfastes que les plus alarmistes le laissent à penser.
Tout d’abord l’accord de Paris s’inscrit dans le périmètre beaucoup plus large de la Convention-cadre des Nations-Unies sur Changement Climatique adoptée par l’ensemble des 196 pays de la communauté internationale en 1992. Une convention dont les USA reste membre et qui acte nos accords comme nos désaccords : (i) le changement climatique est une réalité scientifique, (ii) il convient de le contenir et d’en limiter les conséquences selon (iii) des moyens qui restent à déterminer. Ainsi, a-t-on prévu que les parties se réunissent annuellement pour travailler de manière coordonnée à la lutte contre le changement climatique et ses effets ; les fameuses COP… « Conference of the Parties ».
De nombreuses COP n’aboutissent à rien. Certaines cadrent des agendas de négociations. D’autres permettent la signature de « protocoles » additionnels. Il s’agit de se réunir régulièrement dans un cadre officiel afin d’avancer « petits pas par petits pas » vers une solution globale. Et de petits pas en piétinements… Les gouvernants ont radicalement changé l’esprit des protocoles. De la stratégie ambitieuse et juridiquement contraignante de Kyoto (COP 3 de 1995), nous avons progressivement glissés vers le pragmatiste de Paris (COP 21 de 2015). Si Kyoto fixait des règles strictes aux pays signataires ; ses limites ont rapidement été atteintes : refus d’un grand nombre de pays de ratifier (dont les USA), exceptions et tolérances accordées (pour la Russie et la Chine notamment) et enfin retrait unilatéral de pays engagés (comme le Canada en 2011). Finalement, un système qui fonctionnait bien… Pour les quelques 38 pays qui l’acceptaient ! 38 états qui ont tout de même réduit de 12,5% leurs émissions sur la période 1990-2012.
Face à ce constat d’échec relatif, pour rassembler au maximum autour d’un objectif portant à « limiter l’élévation de la température moyenne de la planète à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels » (Article 2), l’Accord de Paris n’établit donc aucune règle juridiquement contraignante. Le terme même d’« énergie fossile » n’apparaît pas dans un texte qui se veut rassembleur ! L’accord fixe trois moyens de lutte contre le réchauffement climatique : 1) limiter les émissions de gaz à effet de serre, 2) développer des méthodes de compensation de ces émissions, et 3) promouvoir la recherche en matière d’énergies propres et de nouvelles technologies (Art. 6). Libre à chaque pays de choisir sa stratégie : polluer moins, ou polluer & compenser, ou chercher… Un cocktail semble judicieux et l’objectif mondial est ainsi placé sous la responsabilité individuelle et autonome de chaque partie (Art. 7) : aucune sanction n’est prévue au non respect d’engagements livrés aux politiques environnementales des états.
Le risque d’un impact significatif du retrait américain est donc réel mais reste marginal face aux enjeux globaux. Le système politique fédéral en atténuera les effets : face aux carences de Washington, de nombreux d’états prendront le relai tout comme la société civile. Incontestablement, des trois objectifs fixés, aucun ne semble hors de portée des américains. Avec ou sans Donald Trump.
En revanche, le message envoyé par la 1ère puissance mondiale est dangereux car d’autres pays, moins robustes dans leurs institutions, moins pourvus en contre-pouvoirs, et/ou ne disposant pas d’une société civile mature ou de moyens de recherche performants, risquent de s’engouffrer dans la brèche. Le résultat serait alors catastrophique : souvent en voie d’industrialisation, et contrairement aux USA qui ont amorcé de manière irréversible leur transition économique et énergétique, ces pays disposent d’un fort potentiel d’augmentation de production de gaz à effets de serre.
L’accord de Paris n’est rien sans ses déclinaisons nationales. Le véritable enjeu est donc celui des COP à venir avec l’évaluation des politiques environnementales des signataires. L’échec de la COP 22 de 2016 à Marrakech a montré l’étendue du chemin encore à parcourir. Le retrait des USA n'est donc qu'un acte politique ; un acte politique fort et dangereux mais un acte qui ne doit pas occulter les réels enjeux post-Paris. Non les USA ne sont pas l’unique problème dans notre lutte contre le changement climatique. Ils sont d’ailleurs, par leur démocratie, leur économie et leur recherche, une grande partie de la solution.