Le temps des cerises

par C’est Nabum
mardi 13 mai 2014

On connait la chanson et pourtant ...

Tant que le noyau dure …

Quand chanterons-nous le temps des cerises, le gai rossignol, le merle moqueur … ? La chanson de Jean Baptiste Clément, écrite en 1866 et donc précédant la commune et son effroyable massacre, s'interroge et renvoie dans leurs cordes ceux qui voulaient y voir une chanson politique. Elle est devenue pourtant le symbole d'une révolution manquée, d'un crime perpétré par les odieux Versaillais et cet ignoble Thiers qui, insulte suprême pour les victimes, conserve encore beaucoup de places et de boulevards à son nom. Le mépris et l'insulte sont monnaie courante dans la toponymie de nos rues, mais ceci est une autre histoire …

Clément pleurait là un chagrin d'amour, la seule peine que chacun de nous peut affirmer avoir partagé avec tous ses semblables. C'est dans l'universalité de cette douleur que s'explique le succès incroyable de cette rengaine. La musique d'Antoine Renard lui a permis de faire son nid dans les têtes et les cœurs. C'est cette étrange alchimie des mots et des notes qui en fit un succès intemporel, une chanson qu'on ne peut écouter sans un frisson.

Pourrons-nous chanter encore très longtemps cette belle mélodie ? Irons-nous toujours cueillir en rêvant des pendants d'oreilles ? Qui d'ailleurs comprend encore qu'il s'agit de faire ici des boucles d'oreilles avec deux belles cerises reliées l'une à l'autre ? Cette année, dans nos jardins, les abeilles se sont montrées bien discrètes autour de nos cerisiers en fleurs. Le risque est grand que progressivement la pollinisation ne se fasse plus ; les apprentis sorciers des pesticides et autres produits chimiques n'ont jamais goûté à la poésie.

Le printemps est maussade, les belles n'auront plus la folie en tête en tenue légère. Il faut prévoir le ciré et parfois la petite laine. Le dérèglement climatique s'amuse à nous chambouler nos repères. Nous sommes les premiers témoins d'une catastrophe à venir, provoquée par notre folie dévastatrice ; le premier grand cataclysme planétaire qui ne prendra pas au dépourvu les humains. Ils savaient mais ont tout fait pour feindre de ne pas croire, de ne pas penser que la catastrophe sera inévitable.

Si nous gardons au cœur une plaie ouverte c'est de ne pas avoir été entendus quand il était encore temps. L'écologie est passé pour une pensée gentillette, la spécialité de rêveurs et de doux idiots incapables de percevoir les réalités d'un système économique qui n'a que faire de l'avenir. Curieusement, ce sont ne sont plus des gouttes de sang qu'il faudra attendre mais des tombereaux, des torrents, des océans d'hémoglobine.

La peine d'amour, ce chagrin immense dont on ne se départira plus jamais, sera celui d'une humanité qui aura assassiné la Planète. Les prochains poètes, les survivants de la prochaine grande extinction des espèces- la sixième du nom s'approche à grand pas- chanteront, s'ils le peuvent encore, le temps des queues de cerise. C'est moins joli, la potion est bien plus amère …

C'est la dernière peine cruelle qu'il nous faudra supporter. Les dernières cerises seront aigres, leurs noyaux impossibles à croquer. La fin du printemps et des temps humains ouvrira à jamais une douleur éternelle. Il n'y aura plus dans le ciel ni rossignol ni merle ni autres oiseaux. Il aurait fallu écouter leurs collègues, les mauvais augures qui étaient pourtant si proches de la réalité.

Clément ignorait tout alors du drame qui aurait lieu quatre années plus tard. J'ose espérer que notre cataclysme à nous est plus lointain encore mais il est désormais plus que certain. Cette chanson est symbolique des drames que l'on devine confusément, que l'on peut sentir sans vraiment les percevoir.

Les cerises, ces merveilleux fruits juteux, ces perles de sucre et de couleur sont en passe de disparaître. Nos vergers seront rasés ; la main-d'œuvre est trop coûteuse, les arboriculteurs leur préfèrent les noisetiers dont le ramassage est mécanique. Cette seule réalité démontre que nous marchons sur la tête. Pire encore, quand des enfants viennent voler ce fruit qui leur fait tant envie, ils arrachent une branche, désormais incapables de comprendre qu'ils brisent ainsi un arbre et des promesses de récoltes futures.

Alors, qu'une telle société disparaisse n'est finalement que très normal. J'en rajoute forcément un peu mais pas tant que ça. Quand on ne respecte plus rien, que tout se mesure en terme de rentabilité et de profit à court terme, que la santé, la nature, les animaux, les saisons doivent tous se plier au seul désir des humains, la fin des haricots sera aussi celle des cerises.

Apocalyptiquement votre

 

Le Temps Des Cerises

 

Quand nous chanterons le temps des cerises,

Et gai rossignol, et merle moqueur

Seront tous en fête !

Les belles auront la folie en tête

Et les amoureux du soleil au cœur !

Quand nous chanterons le temps des cerises

Sifflera bien mieux le merle moqueur !

 

 

Mais il est bien court, le temps des cerises

Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant

Des pendants d'oreilles...

Cerises d'amour aux robes pareilles,

Tombant sous la feuille en gouttes de sang...

Mais il est bien court, le temps des cerises,

Pendants de corail qu'on cueille en rêvant !

 

 

Quand vous en serez au temps des cerises,

Si vous avez peur des chagrins d'amour,

Évitez les belles !

Moi qui ne crains pas les peines cruelles

Je ne vivrai pas sans souffrir un jour...

Quand vous en serez au temps des cerises

Vous aurez aussi des chagrins d'amour !

 

 

J'aimerai toujours le temps des cerises,

 

C'est de ce temps-là que je garde au cœur

Une plaie ouverte !

 

Et dame Fortune, en m'étant offerte

Ne saurait jamais calmer ma douleur...

 

J'aimerai toujours le temps des cerises

Et le souvenir que je garde au cœur !


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