Le Vert est aussi la couleur de la Charia énergétique
par PELLEN
vendredi 14 septembre 2012
Après la Fatwa récemment lancée sur les centrales nucléaires belges, nos voisins outre-quiévrains redoutent désormais le black-out hivernal, tandis que le péril se précise pour les centrales suisses et que les potentiels électro énergétiques espagnol et italien, à l’image d’économies transalpine et transpyrénéenne atones, s’obstinent à tourner le dos à l’atome. Partageant avec l’Allemagne le désir sacré de renouvelables, ces démocraties « exemplaires » n’ont d’yeux que pour ce parangon européen de la vertitude. Une posture que la nouvelle gouvernance française n’a d’ailleurs pas perdu de temps à adopter en affichant dare dare ses ambitieuses velléités programmatiques. Or, pour les uns comme pour les autres et jusqu’à une preuve du contraire qu’on attendra probablement encore longtemps, il ne s’agit là que de posture : la posture de l’incantation et d’une ruineuse gesticulation industrielle, traduction du pieux désir d’accéder sans délai à l’âge d’or du tout renouvelable.
Sans surprise, la vraisemblance d’un tel âge d’or ne fait pas l’ombre d’un doute chez les fidèles de cette religion inédite. Mais le formatage d’une opinion européenne tannée depuis des années par cette mystique est tel que, peu ou prou, il impacte désormais jusqu’au positionnement médiatique des défenseurs du nucléaire, sans que les intéressés en aient toujours conscience. En témoigne l’analyse critique ci-après.
« …Le secteur des transports est encore plus complexe, dans la mesure où il subsiste encore des inconnues technologiques majeures [à la mutation électrique] (batteries notamment)… » ; « L’électricité peut se substituer en partie au pétrole pour les véhicules, la limitation provenant encore des performances insuffisantes et du coût élevé des batteries... »
Ces deux expressions tirées de l’article de Claude Acket et de Pierre Bacher « Peut-on se passer du nucléaire ? » (SPS n° 298, octobre 2011) sonnent presque comme un aveu d’impuissance, comme la résignation à concéder aux adversaires de la mobilité « électro nucléaire » que la voiture électrique ne peut pas encore prétendre au statut d’automobile économiquement exploitable. De là à en déduire qu’il se passera longtemps avant que ce soit le cas et, par conséquent, qu’il convient d’attendre le temps qu’il faudra des performances et une rentabilité comparables à celles des véhicules à essence, le pas à franchir promet d’aller de soi pour plus d’un lecteur de cet article. Ainsi, prendre le parti d’évoquer le sujet, même lapidairement, sous l’angle d’inconvénients encore considérés comme rédhibitoire par la superficialité médiatique – inconnues technologiques « majeures », limitation des performance, coût – paraît-il révélateur d’un certain renoncement au volontarisme seyant chez tout militant de la mobilité électrique. Il semble même révélateur de la tentative de se dédouaner du défaut de promotion par l’exemple, par la démonstration et la responsabilisation pratiques individuelles.
Une approche constructive eût plutôt consisté à aborder le thème de la mobilité électrique sous l’angle de sa réponse actuelle au cahier des charges d’un usager potentiel. Sous cet angle, il eût alors été facile de démontrer – même brièvement – que la voiture électrique satisfait déjà pleinement les besoins d’un plus grand nombre qu’on ne croit de compatriotes, moyennant un effort financier la plupart du temps insignifiant par rapport au prix de revient d’un diesel de même classe, avec en prime un confort et des sensations de conduite inédites.
Cela dit, le principal reproche pouvant être fait à cette évocation dissuasive de la mobilité électrique est de barrer l’accès à une réalité socio économique spécifique, méritant la plus grande médiatisation, eu égard aux enjeux marchands qu’elle sous-tend : une R et D sur les batteries en constante accélération et faisant l’objet d’une émulation des centres de recherche assez étonnante. Le plus regrettable dans cette occultation, même involontaire, est qu’elle porte en germe de tuer dans l’œuf la nécessaire stimulation des Français à adhérer matériellement à la dynamique d’un progrès technique et social inédit.
Dans leur article, Claude Acket et Pierre Bacher ne se livrent par ailleurs qu’à une critique comptable de ce désir d’éolien et de photovoltaïque allemand, largement répandu dans toute l’U.E. Ce faisant, ils admettent implicitement que, si nos voisins acceptaient d’y mettre le prix et ne regardaient pas au nombre de mats et à la surface des panneaux, ce désir n’aurait techniquement rien d’irréalisable, ni de non viable :
« Dans un pays comme l’Allemagne, ces énergies renouvelables viendraient se substituer pour moitié au nucléaire et pour moitié aux énergies fossiles. Si, comme on peut le penser, le coût de ces dernières, incorporant le coût attribué au CO2, augmente fortement au cours des prochaines décennies, leur remplacement par des énergies renouvelables sera indolore. Mieux, il remplacera des dépenses d’importation par des dépenses domestiques, créatrices d’emplois. Autrement dit, dès lors qu’une décision politique a été prise d’abandonner le nucléaire, le choix se situe entre fossiles et renouvelables, avec des atouts économiques sérieux en faveur des renouvelables. Un tel choix implique des investissements très élevés, particulièrement difficiles à financer en période de crise, mais probablement à la portée de nos voisins. »
Or, méconnaître qu’un projet aussi délirant que la substitution évoquée ci-dessus souffre, dans tous les cas, d’une impossibilité technique rédhibitoire c’est se priver d’un argument décisif et peut-être salutaire pour notre pays. Cette impossibilité, sur laquelle les spécialistes de RTE jettent un silence coupable, tient à l’obligation, pour tout outil de production électrique couplé au réseau national, de disposer d’aptitudes de réglage de l’ensemble du système « production-consommation » dont sont quasiment dépourvus éolien et photovoltaïque, au moins à l’échelle requise.
Aussi, limiter la critique de l’intermittence éolienne et photovoltaïque au désastreux bilan énergétique en résultant ne suffit-il pas à rendre compte de la carence dont aurait à pâtir le réglage « fréquence-puissance » du réseau national. Car passer sous silence la permanence temporelle d’une exigence d’exploitation proprement vitale c’est occulter l’obligation dynamique, faite par le système électrique, de disposer 24h/24 de réserves de puissance primaires, secondaires et tertiaires, mobilisables en des temps allant de la minute à la demi-heure. Ce simple impératif met en évidence que, à défaut de pouvoir recourir à une invraisemblable capacité de stockage par pompage hydraulique, notre pays ne pourra pas plus que l’Allemagne se passer un jour d’un parc significatif de centrales thermiques classiques, quelle que soit la taille des parcs éolien et photovoltaïque.
Le réglage de la tension, quant à lui, disqualifie encore plus radicalement la prétention de ces parcs à se substituer aux outils de production nucléaires et classiques. En effet, la prévisible évolution de la nature et du volume de notre consommation électrique nationale et l’ahurissante multiplication des lignes à haute et à très haute tension – conséquence directe de l’explosion éolienne et photovoltaïque – constituent en elles-mêmes l’installation de handicaps prohibitifs, dans une fonction réglante déjà difficile à maîtriser… et à laquelle les myriades d’aéro et de photo générateurs seraient et sont déjà très largement inaptes !
Pour faire simple, le maintien de la tension à sa valeur nominale consiste à obliger tous les groupes électrogènes à produire, le jour, l’énergie réactive souvent considérable consommée par tous les appareils bobinés des usagers et, la nuit, à absorber une énergie réactive non moins considérable, fournie par des lignes HT et THT à vide, transformées en condensateurs. Or, il semble maintenant évident que les décennies à venir verront l’électricité hériter d’usages toujours plus nombreux, en provenance du fuel et du gaz, accroissant par conséquent un besoin d’énergie réactive diurne dans des proportions d’autant plus préoccupantes qu’une part possiblement plus importante qu’aujourd’hui du parc de production national sera incapable de la produire. Mais cette part sera plus encore incapable d’absorber la nuit les effluves d’une énergie réactive émanant du démentiel réseau HT et THT dont la présence d’innombrables mats et mètres carrés de panneaux électrogènes aura nécessité la construction.
Vue sous un tel angle, si la résolution de l’U.E évoquée dans ce commentaire « …cette Europe des électrons ne peut vraiment exister que si les interconnexions entre pays se développent fortement » ne relève pas de la dernière incompétence, elle relève sûrement d’une irresponsabilité ou d’un dogmatisme qui ont de quoi inquiéter les ressortissants de la communauté. Car cette incompétence et/ou cette irresponsabilité dogmatique atteignent des sommets lorsqu’elles vont jusqu’à produire une étude envisageant la vraisemblance de 80 % d’électricité intermittente ! À croire que les « spécialistes » de la Commission sont les seuls professionnels du monde à ignorer ce qui est désormais admis par tous les experts : savoir qu’un système électrique est proprement ingouvernable quand la part active de la production intermittente dépasse 30 % du total de la production…
Sous cet éclairage, les décisions gouvernementales d’ores et déjà arrêtées révèlent toute la cohérence et toute la pertinence d’un projet énergétique national longuement muri, censé garantir sur la durée l’approvisionnement du pays, la maîtrise des coûts et la défense de l’emploi. Jugez plutôt :
- Dans le contexte de pénurie électrique qui s’installe structurellement sur le continent, on ferme Fessenheim – 1800 MW à trouver sans délai, excusez du peu ! – et l’on amorce la sacro sainte transition énergétique consistant à tenter de substituer l’énergie du vent et celle du soleil à l’énergie nucléaire ; en somme, à préférer à cette dernière des énergies deux à huit fois plus chères qu’elle. Dans le même temps, on déclare vouloir sauver l’industrie automobile française par la promotion massive de la voiture électrique… et l’on se dispose à encadrer le prix de l’électricité par la création d’un tarif social destiné aux plus pauvres !
- Alors que l’on assiste, impuissant, à l’explosion généralisée des coûts mondiaux de l’énergie, ce gouvernement se dit déterminé à bloquer durablement un prix du gaz, dont il faut préciser que le cours marchand a augmenté de 50 % en moins de 5 ans, et interdit toute velléité de prospection et d’exploitation de nos gaz de Schistes !
- Enfin, tandis que nous ne savons plus à quel saint nous vouer pour enrayer l’implacable désindustrialisation du pays et le chômage qu’elle génère, on s’apprête sans état d’âme à dynamiter l’un des secteurs industriels phares de la France, faisant peu ou prou travailler un demi millions de personnes et probablement l’un des plus chargés de promesses à l’export et de stimulations des innovations scientifique, technique et technologique.
Chers compatriotes, une ère très difficile s’annonce pour votre confort et votre portefeuille. Inutile de compter sur le prochain synode énergético environnemental pour adoucir un régime appeler à durer, car, pour la plupart des membres du cénacle, la messe est dite depuis longtemps. Il est vrai que, parmi cet aréopage de prélats, rares sont les représentants de la rationalité profane.
André Pellen