Légiférer pour la nature en Europe : un non événement ?

par Sylvain D.
vendredi 31 janvier 2014

"Arrêtons l'Ecocide en Europe, donnons des Droits à la Terre", voilà une consultation européenne qui n'aura pas fait grand bruit dans les médias malgré ses fortes implications pour la sauvegarde de nos écosystèmes. Pourquoi ce manque d'adhésion ? Faut-il s'en inquiéter ?
 
Le 21 janvier 2014 correspond à la clôture des votes -ouverts depuis tout juste un an- pour l'appel "Arrêtons l'Ecocide en Europe, donnons des Droits à la Terre". L'objet de cette consultation citoyenne ? Rien de moins que l'octroi d'une équivalence juridique au génocide pour l'environnement. Cette Initiative Citoyenne Européenne (ICE) initiée par le mouvement endecocide reprend la proposition de loi faite à l'ONU en avril 2010 par l'avocate Polly Higgins. Celle-ci suggérait que le crime d'écocide devait devenir le 5ème crime contre la paix. Un bon moyen d'interpénétrer sur le plan juridique considérations écologiques et humanistes. Hélas, l'adhésion suscitée par ce vote aura été insuffisante pour qu'une directive puisse espérer voir le jour dans le cénacle bruxellois. Car pour que la commission européenne valide son enregistrement et puisse en tirer une directive, une ICE doit générer 1 million de votes. Celle-ci en aura récolté à peine plus de 10%. Faut-il y voir là un désaveu européen pour la cause écologiste ou bien une méfiance à l'égard de la e-démocratie ? Le récent ras de marée virtuel qui s'est abattu contre la pêche en eau profonde permet d'en douter. L'explication est peut-être à chercher ailleurs... du côté de la (non)médiatisation de l’événement.
 
Bien que ses chances de dépasser le stade de la commission fussent relativement faibles, si cette ICE avait atteint son objectif, le parlement européen aurait eu le choix d'imposer aux Etats membres un arsenal législatif révolutionnaire en matière d'écologie. Et, nouveauté, celui-ci aurait pu permettre de sanctionner des personnes physiques -principalement des donneurs d'ordre (banquiers, conseillers, dirigeants)- impliquées dans des décisions aux conséquences dévastatrices et "étendues" pour les écosystèmes. Car, comme le rappel le site endecocide.eu, "qu’il s’agisse des sables bitumineux d’Athabasca, des déversements de pétrole dans le delta du Niger ou de l’exploitation forestière intensive en Amazonie, ce sont bien les décisions et les choix des dirigeants qui ont été à l’origine de l’Écocide". Pour autant, avez-vous lu beaucoup d'articles sur cette démarche ? Durant l'année écoulée, pouvez-vous citer ne serait-ce qu'un seul "grand" média qui se soit épanché sur le sujet ? OGMs, pesticides, centrales nucléaire : combien d'experts se sont interrogés sur les répercutions économiques d'une telle directive pour ces filières à risque ? Hormis une tribune du journal le Monde concédée au trio formé par S. George, E. Morin et P. Rabhi, très peu de médias traditionnels ont, ne serait-ce que, révélé l'existence de ce vote européen. 
 
En revanche, la détention de Serge le lama -grande cause écologique s'il en est- a fait l'unanimité dans les rédactions françaises. Un consensus qui aura offert à ce "phénomène" une audience à sa (dé)mesure, érigeant au rang de stars les ravisseurs éméchés d'un animal de cirque. Non pas que l'incongruité du sketch ne fasse pas sourire mais, une fois la représentation terminée, n'est-il pas salutaire que les clowns regagnent leur loge afin que le public reprenne pied dans sa réalité, dans le monde qui l'entoure ? "News", "buzz" et "Actus" opèrent une prédation dangereuse pour les sujets de fond et la démocratie en général. La conséquence pratique de cette dérive : en quelque semaines 835 mille internautes ont "soutenu" les geôliers d'un lama... soit huit fois plus que n'en ont mobilisé les droits de la nature dans toute l'Europe en un an ! Concédons aux magnats de la presse qu'il est plus simple de vendre du "temps de cerveau disponible" entre deux papiers mals léchés sur les mésaventures d'une bête cracheuse plutôt qu'entre deux enquêtes approfondies sur l'écocide en Europe. Et espérons seulement que les internautes en auront profité pour se cultiver sur les différentes espèces de camélidé dont fait partie la filiforme vigogne (photo ci-dessous). 
 
Evidemment, la comparaison est hasardeuse et le tort ne revient pas uniquement aux receleurs d'informations mais bien aussi à ceux qui la consomment. Pour autant, le temps de l'introspection n'est-il pas venu pour des médias qui auront leur part de responsabilité dans le sens de l'Histoire ?
 
 
Pour davantage de précisions et pour soutenir le mouvement endecocide : https://www.endecocide.eu/
 
 
 
Sylvain D. pour WiFU Project

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