Les « anti réchauffistes » en naufrageurs de l’humanité
par jcm
vendredi 6 novembre 2009
Les polémiques à propos du « réchauffement climatique » demeurent vives, on le constatera sur les plateaux de télévision comme sur Internet, elles opposent des personnes qui considèrent les rapports du GIEC et les travaux d’un grand nombre de scientifiques comme étant « le meilleur état de la science » à ce jour à des personnes qui refusent, à divers prétextes, les conclusions qu’ils présentent.
Les opposants à ce point de vue peuvent être classés en deux catégories, celle où l’on trouve une négation formelle de ce réchauffement et celle où l’on reconnaît son existence mais où on l’attribue à diverses causes dans lesquelles les comportements humains ne sont pas impliqués.
Dans les deux cas ces opposants tenteront d’utiliser des données collectées et interprétées par des scientifiques spécialistes de leur discipline, personnes qui disposent des divers moyens et connaissances indispensables à des interprétations correctes, afin d’en déduire des conclusions différentes.
Ces opposants pourront dans certains cas être eux-mêmes des scientifiques, théoriquement correctement formés, mais qui dans un grand nombre de cas interviendront hors du champ de leur discipline d’origine.
Qu’il existe des controverses entre climatologues sur cette question du réchauffement est une bonne chose : ce sont le doute et la recherche constante de résultats plus fiables et plus probants qui feront avancer la science et notre connaissance des choses.
Mais que des non climatologues, et pire des non scientifiques, viennent critiquer avec en général un matériel restreint et des approches hâtives et puissent, éventuellement, tenir le premier rang de la scène et recueillir un large soutien populaire pourrait s’avérer finalement assez dangereux pour tous.
Pensez donc, nous avons même un courageux géologue intoxiqué par excès de mammouth quittant courageusement son monde souterrain pour venir expliquer le ciel aux ignorants que nous sommes... !
Il n’est aucunement question dans mon propos de songer à priver ces personnes de tribune ou de parole : je suis profondément favorable à toutes les libertés d’expression.
Mais face à toute expression libre que l’on juge erronée il faut savoir opposer une réponse susceptible de relever les erreurs et les corriger autant que possible.
Ma première critique à l’encontre des opposants à la théorie du réchauffement global par renforcement de l’effet de serre concernera la faiblesse de leur matériel scientifique et jusqu’au ridicule de leur argumentation, dans bien des cas, et si ces personnes détenaient, par le plus grand des hasards, les preuves que les travaux qui soutiennent cette théorie sont erronés il leur resterait à présenter une contre théorie correctement étayée et formulée.
Un tel travail serait probablement largement publié dans les meilleures revues scientifiques à comité de lecture mais j’avoue ne pas en avoir vu la trace dans « Nature » ou autres revues de haut niveau...
Je peux illustrer cette première critique en me basant sur la dernière « trouvaille » des « anti réchauffistes », en substance la déclaration faite récemment par M. Mojib Latif, éminent scientifique participant au GIEC rapportée notamment par le « Newscientist ».
« Latif predicted that in the next few years a natural cooling trend would dominate over warming caused by humans. The cooling would be down to cyclical changes to ocean currents and temperatures in the North Atlantic, a feature known as the North Atlantic Oscillation (NAO). »
En français : « Latif prévoit qu’une tendance naturelle au refroidissement devrait prendre le dessus sur le réchauffement causé par les humains dans les prochaines années. Ce refroidissement serait imputable au changement cyclique des courants et des températures dans l’Atlantique Nord, un phénomène connu sous le nom d’ Oscillation Atlantique Nord. ».
Faut-il en déduire que notre « bon vieux réchauffement » peut être mis aux oubliettes ?
Pas le moins du monde car M Latif ajoutait : « The oceans are key to decadal natural variability... » (les océans sont la clef des variabilités décennales naturelles), et il n’a jamais dit que ce réchauffement devenait de l’histoire ancienne, seulement que ses effets pourraient être pour un temps masqués par des phénomènes variables connus.
En image cela donne ceci, que n’importe quelle personne sachant plus ou moins lire un graphique sera capable de comprendre.
J’ai tracé la courbe rouge, linéaire, qui représente une tendance globale (assimilable au réchauffement actuel).
J’ai appliqué à cette courbe des additions / soustractions qui m’ont permis d’obtenir la courbe verte et la courbe noire, aux périodicités et amplitudes différentes.
La courbe bleue est la moyenne de la verte et de la noire.
La courbe verte pourrait représenter l’ Oscillation Atlantique Nord, la noire étant par exemple une image de l’oscillation NiNo / Nina (ou inversement au choix de chacun, ceci étant sans importance dans cette démonstration), chacune de ces oscillations provoquant des variations de température.
On constate sur la courbe bleue que nous pourrions connaître une baisse temporaire des températures moyennes, du fait de la conjonction des effets des deux oscillations représentées, sans que cela remette en cause la tendance globale (rouge).
En conséquence les « anti réchauffistes » se trompent profondément en déduisant des propos de M Latif que le réchauffement global est remis en question ou n’est qu’une vieille histoire, et il n’est pas nécessaire d’avoir le certificat d’étude pour le comprendre !
Mais il y a pire que ces arguties du niveau de l’école primaire...
Ce que les « anti réchauffistes » prétendent apporter au débat, ce sont des preuves et ils vont parfois les chercher très loin, ou poussent très loin l’élucubration (à se demander si les mots « preuve » et « élucubration » n’ont pas le même sens à leurs oreilles)...
A en croire les accusations de certains on déduirait qu’il y a eu, dans les années 70 du siècle dernier, un complot échafaudé par Al Gore, Nicolas Hulot, Y Arthus Bertrand (pour la France et pas mal d’autre probablement si l’on fait le tour des pays du monde !) plus on ne sait combien d’étudiants rêvant de devenir climatologues afin d’initier la création du GIEC avec l’objectif très clair de drainer des capitaux publics et d’asseoir un confort personnel... la théorie du complot fonctionne à plein !
Ce que n’ont pas vu ces chercheurs d’aiguille dans un botte de foin c’est que la botte de foin est une chausse-trappe dans laquelle nous risquons fort de tomber tous ensemble, pour notre plus grand inconfort.
Le phénomène « effet de serre » existe, il est incontestable et conditionne les températures terrestres.
Son intensité dépend de divers facteurs, l’un d’entre eux est la présence de CO2, de méthane, d’oxyde d’azote et de bien d’autres gaz dans l’atmosphère, l’ensemble agissant avec plus ou moins d’efficacité selon la concentration, ou la teneur.
Le fait est avéré la concentration atmosphérique de ces gaz a augmenté et l’on peut en déduire que l’effet de serre s’en trouve accru, dès lors la température moyenne risque de s’accroître.
Les relevés de température moyenne montrent une élévation de la température en corrélation étroite avec cette augmentation en teneur.
Dans un état actuel des choses qui pourrait perdurer il nous est impossible de réaliser une étude expérimentale sur une autre planète afin d’obtenir une démonstration parfaitement incontestable que cette teneur a ou non un effet, lequel et dans quelles proportions.
Nous devons donc nous en tenir à ce qui représente « le meilleur état de la science à ce jour » et considérer que ces gaz à effet de serre pourraient ben être la source d’une élévation des températures moyennes plus ou moins grande, provoquant ce « réchauffement global » si contesté.
Il est probablement fort raisonnable de considérer que 2°C serait une valeur maximale au delà de laquelle nous, espèce vivante ayant besoin de ressources fournies par la planète ainsi que toutes les autres espèces vivantes répondant à ce critère, serions confrontés à des problèmes que, peut-être, nous aurions d’extrêmes difficultés à résoudre.
Quelle serait l’allure du monde, de nos agricultures, de nos sociétés avec une augmentation de 4°C, de 6°C ?
Pas celle que nous connaissons actuellement, et de nombreux équilibres étroitement sensibles au couple température / hygrométrie seraient profondément bouleversés ou détruits.
Ces même équilibres aujourd’hui garants des ressources qui nous sont indispensables.
Ce que la raison nous dit en fait est que nous avons le choix de tenter de nous mettre (nous, nos descendants) à l’écart de dangers graves ou bien de décider de continuer nos vies en acceptant d’être confrontés... à la mort pour un certain nombre d’entre nous, bien plus tôt que nous ne le souhaiterions.
Albatros à l’estomac débordant de plastique, photo de Chris Jordan
Car il ne faut pas mésestimer les diverses sortes de dangers qui apparaîtraient si des effets climatiques, évitables mais non évités, bouleversaient nos sociétés : conflits armés de toutes natures (les humains ont démontré qu’ils savaient se battre pour moins que cela), terrorisme, rupture d’approvisionnements, chaos sanitaire, énergétique, incertitudes sur les disponibilités en eau...
Le pari que nous pouvons faire sur l’aspect « réchauffement climatique » en agissant ou non sur nos émissions de gaz à effet de serre est lourd de conséquences mais un autre effet, pourtant d’une importance capitale, de l’augmentation de la concentration atmosphérique en CO2 est systématiquement absent de ce débat.
Ma seconde critique portera sur le manque de clairvoyance de ces « anti réchauffistes » qui ne tiennent compte que de l’un des effets du CO2 sur l’environnement, comme si leur obsession du réchauffement les rendait aveugles à toute autre conséquence possible.
Le CO2 atmosphérique est en partie capté par les plantes mais aussi par les eaux : les océans absorbent une fraction importante de cet oxyde de carbone et leur pH, autrement dit leur acidité, dépend directement de la concentration atmosphérique.
Les océans s’acidifient (Projet Epoca), de façon plus intense aux hautes latitudes car les eaux froides absorbent mieux le CO2, et cette acidification se répercute très directement sur la vie océanique au travers de la capacité d’une eau plus acide à dissoudre les parties carbonatées des organismes vivants : coquilles, exosquelettes, coraux...
En d’autres termes un grand nombre d’espèces sont menacées de disparition du fait de cette acidification et ces espèces sont une des bases de la productivité des océans, la première brique de la chaîne alimentaire.
10% de l’océan Arctique sera corrosif pour la vie marine avant dix ans
On constatera sur certaines cartes la variation de pH océanique entre 1700 et 1990
Nous devons donc être bien conscients du fait que ne pas réduire nos émissions de C02 et les laisser augmenter (voir les prévisions de consommation énergétiques mondiales, à la hausse pour toutes les sources d’énergies, dont les ressources fossiles) revient à stériliser des océans déjà très gravement malmenés par la sur pêche et une grande variété de pollutions.
Nous allons donc droit vers des océans dépourvus de vie, essentiellement peuplés de déchets de toutes sortes et peut-être de méduses.
En fin de compte les contempteur de l’effet de serre ou de son origine anthropique sont en retard d’un constat et agissent comme de potentiels naufrageurs de l’humanité (ils le seraient s’ils faisaient largement école) car la mort océanique pourrait signer celle, à plus ou moins long terme, de l’humanité.
Pour finir demandons-nous ce qui pousse les "anti réchauffistes" à réfuter à tout prix ce réchauffement global.
"L’enquête du Pew Institute montre que les personnes de plus de 65 ans sont beaucoup plus susceptibles que le reste de la population de nier qu’il existe des preuves solides que la terre se réchauffe, que ceci est causé par l’homme ou qu’il s’agisse d’un problème grave." (Changement climatique et armure psychologique).
Les "anti réchauffistes" seraient-ils, quel que soit leur âge, "des vieux" ?