Les camions, ces mal aimés

par olivier cabanel
jeudi 23 mai 2013

Qui n’a jamais détesté un camion, lorsque, roulant sur la route ou sur l’autoroute, il en découvre qui s’amusent à se dépasser, (vidéo) au mépris de notre sécurité ?

Et pourtant, les poids lourds sont incontournables, même si nombreux d’entre nous souhaitent légitimement les voir déserter nos routes, nos autoroutes, souhaitant que le fret soit plutôt soit sur le rail, soit sur les fleuves, ou la mer…

Dans les années 70, on affirmait « les routiers sont sympas », pourtant ils sont aussi montrés du doigt sur la question pollution, les considérant avec leurs camions comme les plus graves pollueurs de la planète, ce qui est loin d’être la vérité.

En réalité, l’agriculture est de très loin la premiere responsable d’émission de gaz à effets de serre, les poids lourds ne représentant qu’un tiers des émissions des voitures particulières, et les ménages faisant plus d’émissions polluantes à travers le chauffage de leurs habitations. lien

Pour enfoncer le clou, d’après Vincent Courtillot, géophysicien et directeur de l’Institut de physique du globe de Paris, ce serait surtout le soleil qui serait le principal responsable du réchauffement climatique. lien

Voila qui ne va pas faire plaisir aux experts du Giec qui affirment dans leur fameux rapport de 2007 que l’activité humaine serait en grande partie responsable de tout. lien

Et puis ce serait oublier que le méthane est 23 fois plus responsable que le CO² en matière de réchauffement planétaire, et que les « cheminée à méthane » découvertes en arctique crache chaque jour des millions de mètres cubes de méthane, sans que l’on puisse l’empêcher. lien

Ceci posé, d’après une étude menée dans le nord de la France, les transports ne sont responsables que du ¼ de la production de CO², les industries en sont pour plus de la moitié, et le résidentiel, tertiaire, moins du ¼ restant. lien

Mais revenons à ces poids lourds qui posent tant de problèmes.

Si ce problème se pose, c’est que les entreprises pratiquent la politique du flux tendu, ne voulant pas faire de stock, demandant à être livrées en temps et en heure, alors que, sur le rail, la SNCF perd des wagons (lien), et que le fret ferroviaire en berne n’arrive pas à convaincre : trop lent, (18 km/h en moyenne) trop cher, en un mot pas fiable.

Il est en déficit constant d’environ 25% de son chiffre d’affaire. lien

Alors les chercheurs se creusent la cervelle, espérant trouver la solution miracle.

Certains en ont imaginé une originale : la route intelligente interurbaine pour poids lourds.

Voila ce qu’en disent les concepteurs du projet : « cette route intelligente interurbaine pour poids lourds combine les forces d’un système ferroviaire de marchandises avec celles d’un système routier et formule un nouveau concept de système qui offre des services nouveaux et/ou améliorés. La route intelligente pour poids lourds fonctionne au milieu d’une autoroute interurbaine. L’accès à la voie intelligente pour poids lourds est contrôlé de façon que la circulation automatisée des poids lourds soit séparée du reste de la circulation par des barrières physiques. Le système est prévu pour le transport des marchandises sur longue distance. L’exploitation de cette route intelligente peut être pensée comme un système ferroviaire où les wagons sont remplacés par des camions et où les liens physiques sont remplacés par des liens électroniques ». lien

Entre autres avantages on peut noter une réduction du cout de la main d’œuvre, une économie de carburant grâce à une prise au vent réduite.

Reste à savoir quel avenir est promis à cette solution…

On trouve aussi un projet novateur sur le rail, avec le procédé R-shift-R, lequel vient d'obtenir le prix du meilleur projet d'avenir européen en matière de fret.

Il présente le triple avantage de rouler à bonne vitesse, de franchir des pentes de 3%, permettant donc d’éviter la création de lignes dédiées, utilisant du coup la voie historique, et surtout grâce à la motorisation indépendante de chaque wagon, et au procédé de chargement/déchargement rapide (moins de 6 minutes pour une rame complète) capable de prendre des parts de marché à la route, parce que moins cher, plus rapide et plus fiable. lien

En effet, aujourd’hui, le fret ferroviaire est malade, abandonné, et les quelques tentatives de le relancer sont allées dans le mur.

A Aiton, en Maurienne la tentative Modalohr est, s’il faut en croire la Cour des Comptes, un échec cuisant, provoquant des pertes significatives d’argent, celui des subventions offertes par l’état. lien

Evoquant des « expériences inabouties » lancées sans « études suffisantes  », qualifiant l’expérimentation « peu concluante  », et une exploitation déficitaire autant en Maurienne que sur l’axe Perpignan-Luxembourg, lequel a perdu près de 3,5 milliards d’euros en 2011, la Cour des Comptes à jugé sévèrement cette « innovation ». lien

Alors, le gouvernement, s’appuyant sur l’exemple suisse, veut lancer une écotaxe des juillet 2013 : elle punirait les transporteurs qui resteraient sur la route, et servirait à promouvoir le rail, ou le fluvial…sauf qu’il est probable que les transporteurs préfèreront payer la taxe, que de perdre des marchandises, ou des clients, en utilisant le rail, et reporteront cette taxe sur les marchandises transportées, provoquant finalement une augmentation du prix de celles-ci, et au final, c’est le consommateur qui payera la taxe. lien

C’est ce qu’a conclut Alain Borri, directeur général de bp2r, l’un des leaders du conseil en supply chain, déclarant dans sa synthèse annuelle sur le transport routier de marchandises France et Europe : « l’écotaxe se répercutera forcément dans le panier de la ménagère  ».

Il ajoute que suite au développement progressif du cabotage, le transport routier est « sur le fil du rasoir  » d’autant que les marges des transporteurs rétrécissent en peau de chagrin un peu plus chaque année et que, depuis le 4ème trimestre 2011, la demande est en recul. lien

Cette nouvelle taxe devrait rapporter 1,24 milliards d’euros par an à l’Etat…entraînant donc une nouvelle baisse du pouvoir d’achat des consommateurs.

Jean-Pierre Desormeaux, président de la chambre de commerce de Haute Normandie dit ne pas être contre cette taxe écologique, mais se pose la question de la compétitivité de ses entreprises, affirmant que les clients iront voir ailleurs, chez la concurrence étrangère, ajoutant que le cout de fonctionnement lié à cette taxe serait de l’ordre de 300 millions par an, diminuant d’autant le bénéfice espéré. lien

Et puis il faudrait avoir l’accord de l’Europe, qui au nom de la libre concurrence, pourrait très bien ne devrait pas voir d’un bon œil cette écotaxe française. lien

Le président de la FNTR (fédération nationale des transports routiers) est encore plus radical, et ne veut pas entendre parler de cette nouvelle taxe, affirmant que ce n’est qu’un moyen pour l’état de remplir des caisses bien vides. lien

Quant à Hervé Mariton, le député UMP de la Drôme, il craint que cette taxe ne pousse encore plus de poids lourds vers les autoroutes, et rappelle que « le fret ferroviaire n’a pas vocation à faire disparaitre les camions des routes ». lien

En tout cas, la question du fret est essentielle dans le projet très controversé du Lyon-Turin, puisque les promoteurs de celui-ci mettent en avant un projet de fret, afin de justifier le TGV, sauf qu’il s’agit pour une bonne partie du tracé de deux lignes distinctes, puisque le fret actuel ne peut franchir des pentes de plus de 1%...alors que les TGV s’affranchissent des pentes de 3%.

Les opposants au projet, tout en affirmant, preuves à l’appui, qu’en 20 ans, il n’y a quasi pas eu d’augmentation du trafic poids lourds, alors que les promoteurs du projet prévoyaient qu’il serait multiplié par 4, soulignent le coté dévastateur pour l’environnement que provoquerait ce projet : perte de terres agricoles, perte de patrimoine, puisque toutes les habitations d’un village traversé perdraient automatiquement 30% de leur valeur, sans compensation possible, disparition des sources, accumulation de déblais, rendant des zones infertiles pour longtemps, disparition de zones humides, disparition d’espèces protégées, nuisance de bruit (jusqu’à 130 Db à la limite de l’emprise), maisons fissurées suite aux vibrations provoquées par le passage des convois, ou par les travaux…

C’est ce qu’à pu constater la population de Villarodin-Bourget, près de Modane, où après le percement de la galerie de reconnaissance, des maisons se sont fissurées, des sources ont été taries, et les déblais sont resté sur place, alors que LTF (Lyon Turin Ferroviaire) avait promis de les mettre ailleurs.

De plus, les études d’impact ont été manifestement bâclées : ceux qui les ont menées n’ont trouvé quasiment aucune espèce végétale rare, alors qu’en parcourant la zone, en présence d’un garde du Parc de la Vanoise, 6 espèces de plantes protégées ont été trouvées en un seul jour. lien

A l’heure ou le pays en crise, qui ne peut plus que rembourser les intérêts de sa dette, le nouveau président va-t-il engager 30 milliards d’euros dans ce projet contestable, alors qu’un projet alternatif utilisant la voie historique transformée est tout à fait possible ?

Comme dit mon vieil ami africain : « le mauvais chef flatte l’éléphant et piétine la fourmi ».

L’image illustrant l’article vient de « mpsra.blogspot.fr »

Merci aux internautes de leur aide précieuse

Olivier Cabanel

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