Les Français et l’écologie : je t’aime moi non plus…
par Florian Holeindre
vendredi 28 juillet 2017
Tri sélectif des déchets, circulation alternée en cas de pics de pollution, alternatives à l’énergie nucléaire… les Français se déclarent toujours favorables aux initiatives écologiques, ayant conscience des enjeux du changement climatique. À moins que cela ne les touche personnellement : alors, leur discours devient tout autre…
Les Français ne sont jamais à une contradiction près : à la fois réformateurs et conservateurs, il leur faudrait le changement, sans aucune conséquence. L’écologie en est un bon exemple.
Les Français sont indéniablement attachés à l’environnement : l’Accord de Paris sur le climat a été une fierté nationale et la récente sortie des États-Unis en a indigné plus d’un. Le film Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent proposant des solutions écologiques alternatives pour notre planète a remporté le César du meilleur documentaire en 2016 et engrangé plus d’un million d’entrées. La circulation alternée à Paris et dans les grandes villes lors des pics de pollution ne fait plus polémique. Le tri sélectif quant à lui fait partie des gestes les plus usités par les Français, devenu presque un automatisme : 87 % le font régulièrement, selon le premier Observatoire du geste de tri du 20 juin 2014.
Mieux encore, une enquête réalisée pour le compte de la WWF de novembre 2016 révélait que 83 % des Français soutenaient les mesures et les dispositions prévues par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte d’août 2015. Dans la même étude, 86 % d’entre-eux se déclarent favorables à une réduction de 20 % de notre consommation d’énergie.
Enfin, une majorité des sondés estime que cette transition énergétique permettra le développement économique du pays et souhaite que la préservation des ressources naturelles soit généralisée à toute l’Europe. Mais dans les faits, ce n’est pas encore une évidence…
Contestation des éoliennes, protestation contre les compteurs Linky…
Contrairement à nos voisins allemands où le parti vert cultive depuis de nombreuses années une véritable culture de gouvernement et de responsabilité, les mouvements écologistes de l’Hexagone se sont longtemps enfermés dans une culture de la contestation. Une différence qui pourrait expliquer cette curieuse manie des Français de soutenir les politiques écologistes, mais d’être très réticents lorsqu’il s’agit de faire un effort personnel et de modifier leur mode de vie quotidien.
Selon la même enquête WWF, seuls 53 % des Français sont pour une interdiction progressive des moteurs diesel, une des mesures-phares que souhaite mettre en place le ministère de la Transition écologique. Les personnes vivant en milieu rural y sont même opposées à 55 %, avec un refus massif de la hausse de taxes sur le diesel. Une raison légitime, mais qui paraît un peu ridicule quand on songe aux conséquences sanitaires graves provoquées par la pollution de l’air.
La mise en place du compteur électrique intelligent Linky suscite de son côté une opposition minoritaire, mais bruyante : le petit boitier est accusé de transmettre les données personnelles des usagers à Enedis (ex-Erdf), voire même de menacer leur santé. Une contestation qui flirte avec le complotisme et qui va jusqu’à la violence physique, puisque des installateurs de compteurs se font régulièrement agresser. Pourtant, le compteur a tout pour plaire aux Français : réduction de la facture d’électricité et diminution de la consommation, de quoi préserver son porte-monnaie et la planète.
Dernier exemple, les éoliennes, qui sont constamment contestées par les habitants à chaque installation. Selon un sondage commandé au CSA par la fédération France Énergie Eolienne, 61 % des personnes vivant près d’un parc éolien ne parviennent même pas à estimer s’ils sont bénéficiaires de cette implantation. Parmi les critiques avancées, les éoliennes sont pointées du doigt pour leurs nuisances sonores et visuelles, leurs risques pour la santé (avec des rejets de particules fines), la dévaluation de la valeur des biens immobiliers… Des craintes légitimes, mais systématiquement dissipées dans le temps, quand les habitants finissent par s’habituer à cette nouveauté.
Pour mettre en conformité leurs déclarations et leurs actes, les Français doivent faire quelques efforts et bousculer quelque peu leur quotidien. Le changement de modèle énergétique est à ce prix.