Les TEPCO sceptiques
par olivier cabanel
samedi 17 mars 2012
Depuis des lustres, l’industrie nucléaire est connue pour sa propension à pratiquer la dissimulation, la manipulation, voire le mensonge, et avec TEPCO, l’exploitant japonais, de nouvelles étapes sont franchies régulièrement.
On n’a pas oublié que malgré « l’arrêt à froid » décrété en novembre 2011, une nouvelle escalade de température s’est emparée du réacteur N°2 avec utilisation de bore laissant penser qu’une nouvelle réaction en chaine était en cours. lien
Mais c’est peut-être sur le chapitre des « dommages collatéraux » que TEPCO se fait le plus discret.
Ceux qui continuent à défendre cette énergie ne cessent de prétendre que si le tsunami à fait près de 16 000 victimes, à leur connaissance, la catastrophe nucléaire n’en a pas fait.
Ce qui est faux.
Comme l’écrit le « Daily Yomiuri » : « 573 décès sont liés à la catastrophe nucléaire ». lien
Bien sur, ça reste relativement « modeste » face aux morts du tsunami, même si Janette Sherman et Joseph Mangano ont affirmé dans « Pr Newswire », une revue médicale, que 14 000 décès aux USA sont liés à la catastrophe de Fukushima. lien
Et puis ce n’est qu’au bout de quelques années que l’on commencera à décompter les victimes, puisque l’importante pollution radioactive dégagée par les réacteurs fondus de Fukushima ayant fait le tour de la planète, polluant durablement l’air et l’eau, les cancers et leucémies finiront hélas par se multiplier, rendant tout relatif le bilan pourtant terrible du tsunami de mars 2011.
A ce jour 111 000 personnes ont été évacuées en raison de la pollution radioactive dans un rayon de 60 km autour du site, ayant subi fatalement une irradiation importante, et 326 000 personnes sont toujours privées de toit.
Alors TEPCO a beau jeu d’affirmer qu’a ce jour la catastrophe n’a provoqué ni décès, ni cancers, ce qui reste à prouver, Jean René Jourdain, l’un des responsables de l’IRSN (institut de radioprotection et de sureté nucléaire), à déclaré lors d’une conférence de presse qui s’est tenue fin février 2012 : « pour la population générale, il est trop tôt pour compter d’éventuels cancers (…) nous ne pouvons être surs de la sincérité des renseignements fournis par Tepco » ajoutant « les premiers cancers apparaîtront 5 ans après Fukushima ». lien
Ce seront vraisemblablement d’abord des cancers de la thyroïde, et ils toucheront en priorité les enfants japonais.
Quand l’on songe que plus de 2 millions de personnes se trouvaient dans le secteur de Fukushima lors des rejets importants de la centrale, on peut être surpris de la sérénité de Tepco, malgré les 4 études sanitaires lancées pour suivre la santé des habitants pendant 30 ans.
Les réactions surréalistes et déplacées du professeur Shunichi Yamashita ne rassurent pourtant pas grand monde.
En se basant sur des études faites sur les animaux, il a déclaré sans sourire que « les radiations n’affectent pas les gens qui sourient, mais ceux qui sont soucieux (…) rigoler supprimera votre phobie des radiations ».
Le même ayant peut-être des actions dans l’industrie des spiritueux, a ajouté : « Boire peut être mauvais pour votre santé mais les buveurs joyeux sont par chance moins affectés par les radiations ».
Mais revenons aux dégâts humains consécutifs à la catastrophe : s’il est vrai qu’à Tchernobyl, c’est au bout de 3 mois que nous avions des chiffres précis en ce qui concerne les travailleurs exposés, un an après la catastrophe seulement 6 décès ont été déclarés officiellement, et d’après le gouvernement japonais, aucun de ces décès n’est consécutif à une exposition à la radioactivité.
La transparence n’est pas de mise chez Tepco, et on sait seulement que 169 « liquidateurs » japonais ont reçu des doses supérieures à 100 mSv (lien) mais la réalité est probablement plus noire.
Il faut savoir que 20 000 travailleurs sont déjà intervenus sur le site, dont 3500 appartiennent à Tepco, les autres agissant sous contrat, et étant extérieurs à l’entreprise, mais les autorités japonaises n’ont donné aucun renseignements concernant les pompiers, les agents municipaux ou les policiers qui sont intervenus sur le site, et qui ont été largement exposés à la radioactivité, supposant qu’ils étaient entre 5 000 et 10 000.
On pourrait ajouter que nous sommes toujours sans nouvelles de 840 travailleurs ayant œuvré à Fukushima, et dont Tepco ne trouve plus la trace. lien
En cumulant tous ces chiffres Jean René Jourdain pense que plus de 50 000 personnes sont intervenues sur le site, et affirme que tous les jours depuis un an, 3000 travailleurs s’activent sur le site, faisant des rotations, puisque dès qu’ils ont reçu la dose maximale autorisée (laquelle a été relevée), ils sont fatalement remplacés et ne peuvent plus travailler sur le site. vidéo
Du coté de la NISA, (nucléar and industrial safety agency) on est plus « optimiste », puisque Terasaka Nobuaki, patron de cet organisme limite à 4956, le nombre de travailleurs qui présentaient des taux d’irradiation interne élevée.
On sait aujourd’hui que Tchernobyl a tué près d’un million de personnes, et il n’est pas irréaliste d’imaginer qu’il en sera au moins de même pour Fukushima.
En effet, il faut tenir en compte deux critères : alors qu’à Tchernobyl, un seul réacteur était concerné, à Fukushima, il y en a trois en cause, et puis à Tchernobyl, les rejets ont quasiment cessé, alors que depuis plus d’un an, Fukushima continue de cracher sa radioactivité.
C’est ce qu’à confirmé l’IRSN récemment, affirmant : « la contamination de Fukushima est chronique et pérenne ». lien
L’étude complète de cet organisme portant sur un an est sur ce lien.
Le professeur Chris Bulby, de l’Université de l’Ulster a déclaré récemment que la catastrophe japonaise est pire que celle de Tchernobyl et que Fukushima pourrait générer à terme un million de morts. lien
C’est ce même professeur qui rappelait récemment qu’on trouvait dans les rues de Tokyo un taux de radioactivité comparable à celui de Tchernobyl. lien
Dans leur livre « Tchernobyl, conséquences de la catastrophe pour les populations et l’environnement », Alexey Nesterenko et Vassili Nesterenko, ainsi que Alexey Yablokov racontent par le détail leur macabre décompte.
Pour découvrir cet ouvrage de 335 pages, publié en décembre 2009, c’est sur ce lien.
Les 830 000 liquidateurs en charge de tenter d’éteindre le feu du réacteur ne sortirons pas indemne de ce travail en Ukraine, même si l’OMS dont on connait la partialité ainsi que l’AIEA ne veulent pas dépasser le chiffre de 200 000 sacrifiés. lien
A l’époque, les auteurs affirmaient que la catastrophe de Tchernobyl avait eu des conséquences tragiques pour les américains, et avaient constaté que le cancer de la thyroïde avait quasi doublé chez les enfants du Connecticut.
Comment ne pas comprendre que si Tchernobyl avait eu tant d’influence sur la santé des Américains, comment n’en serait-il pas de même pour les Européens ?
L’association ACRO (association pour le contrôle de la radioactivité dans l’ouest) s’étonne du flegme français, rappelant qu’avant Fukushima, on ne trouvait ni iode 131, ni césium 134, ou 137 dans l’herbe en France, et que cette contamination actuelle aussi faible soit-elle, ne doit pas être banalisée. lien
Aujourd’hui, rien n’est réglé au Japon, et le silence complice des médias n’empêche pas le danger, car comme dit mon vieil ami africain : « au jour du jugement, la plume du savant pèsera autant que l’épée du guerrier ».
L’image illustrant l’article provient de « cyril-dimeo.over-blog.com »
Olivier Cabanel
Des informations en continu sur scoop.it, zegreenweb, Fukushima diary, gen4, jiji press, nifty, simplyInfo, radiomap, Japan Time, Mainichi daily news, yomiuri day…
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