Libres réflexions managériales à propos de l’objectif climatique de 1,5°C

par Guillaume de Lacoste Lareymondie
lundi 11 février 2019

On a beaucoup parlé de l’étude publiée en décembre dernier par B&L Évolution, « Comment s’aligner sur une trajectoire compatible avec les 1,5°C ? » (http://bl-evolution.com/portfolio/comment-saligner-sur-une-trajectoire-compatible-avec-les-15c/), pour montrer l’exigence du chemin à parcourir et la nécessité de s’y mettre tôt. Mais on a peu relevé ses conclusions, pourtant pertinentes, et il me semble qu’un de ses présupposés majeurs n’a pas été assez vu.

L’étude s’achève sur ce constat : « Une trajectoire compatible avec un réchauffement climatique limité à 1,5°C est très improbable. Seul un sursaut planétaire immédiat, c’est-à-dire avant 2020, et l’enclenchement, partout sur la planète, d’un ensemble complet de mesures d’un niveau comparable à celles décrites dans ce document pourrait permettre de rester sur cette trajectoire » (p. 30). (Cette infographie en donne une bonne synthèse https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/infographie-interdiction-d-acheter-une-voiture-neuve-ou-de-prendre-un-long-courrier-couvre-feu-thermique-quotas-sur-les-produits-importes-les-mesures-chocs-pour-rester-sous-1-5-c-146877.html.) Il s’agit en réalité de restrictions drastiques des libertés de circuler, de communiquer, de commercer, d’entreprendre, etc. Dit autrement, ce programme nécessiterait la mise en place d’une dictature mondiale totalitaire, qui imposerait un mode de vie de style amish. Est-ce souhaitable ?

La conclusion pratique de l’étude est différente, et plus raisonnable : « Il apparaît nécessaire, dès aujourd’hui, de mettre en place des stratégies de résilience et d’adaptation » (p. 31).

Ce qui rejoint le sous-jacent implicite, la hausse actée des températures (les +1,5°C). Un programme de décroissance forcée n’entamerait qu’à peine le réchauffement climatique, qui va se poursuivre avec ses conséquences, quoi qu’il arrive (cf. http://apc-climat.fr/wp-content/uploads/2018/11/WconfAPCC-27-Support.pdf, p. 10). De fait, les principaux facteurs du changement climatique sont l’ellipse de la terre et l’activité sismique. L’impact humain relève seulement de l’amplification d’une trajectoire tracée par la structure de la planète et du système solaire. Faut-il vraiment chercher à le réduire ?

Dans une organisation complexe - et le monde en est une ! -, pour qu’ils aient une chance d’être atteints, les objectifs fixés doivent être SMART, c’est-à-dire :

La lutte contre le réchauffement climatique est-elle SMART ? Elle est certes ambitieuse, mais pas du tout spécifique car multidimensionnelle et systémique, pas non plus mesurable (le débat sur la bonne manière de procéder n’est pas clos, tant s’en faut), ni réaliste puisque la cause principale est hors du champ de l’activité humaine, et ni enfin temporellement cadrée car sur une échelle de durée pluri-générationnelle. Tout indique que la limitation du réchauffement climatique ne devrait pas être un objectif au sens strict du terme, car elle implique la prise de mesures radicales aux conséquences humaines graves, avec la certitude de ne jamais en atteindre le but pour autant.

La question climatique étant d’emblée globale, elle est un enjeux, pas un objectif. Il faut donc en venir à la remarque quasi finale de l’étude : « Le monde dans lequel nous vivrons dans les prochaines décennies sera un monde en mutation profonde et les territoires et les organisations qui s’en sortiront le mieux seront ceux qui auront su l’anticiper le plus tôt et qui seront devenus les plus résilients » (p. 31).

Ce qui est faisable, en effet, ce qui peut constituer un objectif (donc qui réponde aux critères SMART), c’est de nous préparer, là où nous sommes, aux évolutions climatiques probables (aménagement des littoraux, prévention de la désertification, gestion des eaux de pluie...). Mais ce sera chaque fois un objectif local, qui pourra être porté par les personnes concernées et mis en œuvre.

Nous adapter aux changements en cours signifie préserver nos écosystèmes de vie. Où l’on retrouve les questions de la pollution et de la diversité biologique, qui ont été largement éclipsées par la lutte contre le réchauffement climatique, alors que ce sont des objectifs environnementaux majeurs pour lesquels des plans d’actions efficaces sont possibles.

Ceci explique probablement pourquoi l’encyclique du pape François sur la sauvegarde de la maison commune, Laudato Si (http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html), ne mentionne qu’à peine l’enjeu climatique pour se concentrer sur ce qui entre dans le périmètre de l’action humaine : la vie, l’eau, les polluants et les déchets, la justice sociale, la paix... Bonus : la sobriété qu’il prêche contribuera à limiter la contribution humaine au dérèglement climatique. C’est bien par là qu’il faut prendre la question environnementale.


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