Mariage et réchauffement climatique pour tous

par Gribouille
mercredi 15 mai 2013

L'annulation le 24 avril dernier par le Conseil d'Etat de l'arrêté d'application de la Réglementation thermique offre une opportunité au Gouvernement de rendre ce texte plus conforme à l'intérêt national.

après Katrina

Le thermomètre médiatique

Une décision du Conseil d’Etat du 24 avril est passée complétement inaperçue du grand public alors qu’elle a plus d’incidences sur notre vie future que le mariage pour tous qui fait tant de bruit.

Comment comprendre que l’on puisse mobiliser des foules pour le droit de quelques milliers d’individus et que par ailleurs le logement d’au moins 500 000 personnes chaque année ne suscite aucune mobilisation ?

Sans doute chacun a-t-il son idée sur la famille et ce sujet touche-t-il nos valeurs et notre moi profond mais, d’une manière pratique, notre propre vie sera-t-elle modifiée par le texte de Mme Tobira (à moins d’être en instance de mariage homo) ?

Certainement non.

La décision du Conseil d’Etat, quant à elle, touche un sujet technique mais, essentiel pour nous tous : la Réglementation thermique, qui impose des règles de construction lors du permis de construire.

Le Conseil d’Etat a prononcé l’annulation sous trois mois de l’arrêté d’application de cette réglementation thermique. Il le déclare illégal.

Ce sujet voisine le zéro médiatique et pourtant il est au cœur de la survie de l’homme !

 

Le thermomètre écologique

Cette Réglementation, issue du Grenelle environnement, devait avoir pour principal objectif la limitation des émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique.

Ce réchauffement est LE GRAND DANGER qui menace l’humanité entière. Les conséquences en seront terribles et sont déjà visibles un peu partout dans le monde !

Nous devons tout faire pour le limiter et d’abord, réduire nos propres émissions.

Mais, bienheureuse la France métropolitaine, pour qui ce danger est lointain et n’est qu’un sujet épisodique de journaux télévisés !

Cela permet à l’écologie politique de cultiver aveuglément son fonds de commerce antinucléaire et de favoriser paradoxalement les énergies fossiles carbonées.

Pour lutter contre cet effet de serre, la Loi Grenelle a prévu un abaissement du seuil de consommation énergétique des nouveaux logements.

Logiquement, si la composition du mixte énergétique reste identique et que la consommation baisse, les émissions de gaz à effet de serre devraient baisser proportionnellement. Eh bien nos technocrates se sont affranchis de cette logique !

Le seuil théorique de consommation des nouvelles constructions doit être de 50 kWh/ m² /an avec une modulation selon divers critères pour tenir compte de la zone géographique, de l’altitude...

Pour l’électricité ce seuil est abaissé conventionnellement à 19,3 kWh / m² /an pour tenir compte des pertes d’énergie occasionnées lors de la fabrication de l’électricité.

Mais, le législateur a prévu aussi que le seuil devait être modulé en fonction des émissions de gaz à effet de serre de l’énergie considérée.

L’électricité française étant notoirement décarbonée (à 90%) la réglementation thermique devait donc moduler le seuil de consommation pour tenir compte de ce contenu écologique et faire en sorte que les émissions de CO2 pour les deux principales énergies (gaz et électricité) soient équivalentes.

Pour une raison étonnante cette modulation n’a pas été retenue par la DHUP (Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages), responsable de la Réglementation thermique.

A croire que la DHUP refuse de lire le thermomètre écologique alors que le but de la Loi était de faire baisser la fièvre planétaire !

 

Le choc de moralité

Green Light dans un précédent article en donne une raison : GDF Suez finance toujours la DHUP !

Je n’ose croire que notre Président de la République puisse annoncer « un choc de moralité » et tolérer encore de telles pratiques !

Si certains métiers devaient être interdits aux Parlementaires comme incompatibles avec leur mandat électoral, que dire de cette incompatibilité au sein d’une administration où le gaz fait la loi pour l’électricité ?

Résultat de cette absence de neutralité : la plupart des nouvelles constructions ont dû opter pour le gaz, en ce qui concerne le chauffage et l’eau chaude sanitaire.

Le gaz pour tous ! Est-ce bien raisonnable ?

Car ce n’est un secret pour personne : la France importe son gaz de l’étranger et le paye de plus en plus cher !

La balance commerciale française du gaz était déficitaire de 9,5 milliards d’€ en 2010, de 11 milliards en 2011, de 13 milliards en 2012.

Pourquoi dans ces conditions vouloir encore augmenter nos importations par de nouvelles constructions condamnées à cette énergie ?

Pourquoi imposer le gaz à tous nos concitoyens ?

Bizarre, bizarre… Vous avez dit moralité ?

Trois mois pour utiliser le bon thermomètre

Le Conseil d’Etat n’a pas voulu entrer dans la complexité de la Réglementation thermique et a simplement prononcer l’annulation de l’arrêté litigieux pour vice de compétence.

Il a trouvé, à juste titre, que le ministre de l’Environnement n’était pas compétent pour signer seul un arrêté ayant de lourdes conséquences sur le logement, l’énergie, l’industrie, l’économie et que les ministres compétents dans ces matières devaient être consultés et engager leur responsabilité sur ce texte.

Il accorde trois mois de sursis au gouvernement pour présenter un texte conforme à la Loi.

On voit en effet les conséquences malheureuses sur notre économie d’un texte conçu sur des bases purement politiques ( ?) ou influencé par le lobby gazier, sans tenir compte des spécificités françaises, ni des conditions économiques actuelles :

le logement est en panne alors qu’il devrait tirer l’activité de notre pays,

la filière électrique est en cours de destruction alors que c’est une filière d’excellence…

Le Conseil d’Etat, dans sa grande sagesse, offre une opportunité d’ajuster le texte de l’arrêté pour rétablir un équilibre des énergies plus conforme à l’intérêt national. Il ne faut pas laisser passer cette chance !

Personne ne pourrait comprendre que ces trois mois ne bénéficient pas de l’expérience des trois dernières années !

La modification est simple,

L’essentiel de la Réglementation thermique peut rester en l’état, il suffit d’un chiffre, dans la formule du seuil de la consommation maximum, d’une valeur exprimant le contenu CO2 de l’électricité nettement inférieur à celui du gaz !

Un petit choc d’intelligence (Il ne l’a pas encore dit !) et le thermomètre écologique, censé mesurer les émissions CO2 d’un logement, rejoindra la boîte à outils de la croissance !

 


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