Météo : la muraille dépressionnaire de l’Atlantique va-t-elle céder ?
par hommelibre
lundi 3 février 2020
Jusqu’à présent l’hiver est plat. Calme et sans excès. Il y a des hivers comme ça. Mais tout est possible tant que mars ne sonne pas le printemps. En 1985 la neige du siècle et ses températures glaciales se sont produites du 16 au 24 février.
Les prévisionnistes annoncent un coup de douceur jusqu’à lundi, suivi par un retour des gelées dans la deuxième moitié de la semaine. Il semble que l’anticyclone des Açores, jusqu’alors trop au sud et trop loin sur l’Atlantique, veuille enfin migrer vers l’Angleterre. Ses vents qui tournent dans le sens des aiguilles de la montre pourront alors entraîner de l’air polaire jusqu’à nos latitudes.
Pour cette migration l’anticyclone doit se frayer un chemin à travers une sorte de muraille de dépressions (image 1, clic pour agrandir). Peu intenses ou très creusées, ces dépressions aspirent de l’air plus chaud du sud et le poussent vers le nord. Elles contiennent ainsi une possible descente d’air froid et maintiennent la limite chaud/froid à de relativement hautes latitudes.
De l’air frais a quand-même circulé sur l’Europe, sans être porteur de tempêtes de bises ou de températures abyssales.
L’influence de cette ligne oblique presque stationnaire de dépressions, et de l’air plus doux qu’elles véhiculent, permet d’éviter à l’Europe de l’ouest de subir des températures continentales extrêmes comme en Russie. D’ailleurs cette année la Russie de l’ouest est relativement épargnée des très grands froids.
On voit sur l’image 2 que l’influence des courants d’ouest se fait sentir au moins jusqu’à Moscou. On y voit aussi cette sorte de virgule inversée, soit la montée d’air plus doux sur l’Atlantique.
Si les modèles prévoient juste, la muraille dépressionnaire va céder. L’anticyclone va migrer et provoquer une courte vague de froid, sans que l’on puisse encore évaluer précisément son intensité. Cependant il semble que les dépressions se reconstituent après peu de jours de froid. Mais à neuf jours la prévision est aléatoire.
Cette prévision nous concerne directement, surtout pour le froid. Plus de froid c’est plus de chauffage et de consommation de mazout, donc plus de charges financières et de pollution, plus de risques pour la santé.
Grâce au réchauffement, grâce aux hivers plus doux que ceux du petit âge glaciaire, nous vivons mieux dans de meilleures conditions sanitaires.
Mais au-delà de l’intérêt informatif immédiat, cette situation météorologique presque stationnaire illustre des cycles qui gouvernent le climat d’une large partie de l’hémisphère nord. Il y a l’oscillation arctique (AO), qui touche tout notre hémisphère. Puis l’oscillation nord-atlantique (NAO) et l’oscillation multidécennale atlantique (AMO).
Toutes les basses pressions de l’image 1, jusqu’au Pôle nord, indiquent une phase positive de l’AMO. L’image 3 montre les deux phases de l’AMO, qui semblent corrélées aux variations de la température moyenne aux États-Unis.
Une scientifique française a publié une étude sur les phénomènes liés à cette oscillation :
« L’AMO a un impact sur l’étendue de la banquise mais également sur les tendances météorologiques sur l’Europe. En effet, l’AMO positive de ces dernières décennies auraient joué un rôle majeur sur la météo très clémente de l’Europe de l’Ouest. L’AMO a beaucoup d’effets sur le climat de l’Hémisphère Nord. Il a été montré qu’il est responsable d’environ 15% du réchauffement de 1°C sur la France au cours de ces 15-20 dernières années ! »
Sur l’image 4 on voit les variations de l’AMO (bleu clair), et celles du nombre de ouragans (bleu foncé). On pourrait y ajouter les variations de températures depuis 1880.
Mais rien que sur ces deux indices, le département Recherche du Crédit Suisse précise :
« En comparant le développement de l’OAM ces dernières décennies avec l’activité des ouragans en Atlantique Nord (indiqué par le nombre d’ouragans par an en incluant ceux qui n’ont pas atteint les côtes), on observe un schéma comparable. En raison de ces cycles climatiques, les scientifiques ont du mal à déterminer si les changements dans la fréquence des ouragans sont dus aux cycles climatiques naturels ou au réchauffement climatique causé par l’activité humaine. »
Pour revenir à la météo des prochains jours je propose une petite expérience. J’ai préparé un document animé gif en prenant des copies d’écrans du site météo Windy – une image toutes les 6 heures. Erratum : 05/02 deux fois. La première est le 04/02.
Il commence avec la situation réelle le 31 janvier à 07 heures puis chaque image est une prévision selon le modèle météo du site. On y voit la virgule inversée – ou langue – d’air doux monter vers le nord de l’Europe.
La prévision s’arrête le dimanche 9 février. Nous pourrons alors estimer le degré d’exactitude du modèle.