Meurtre annoncé de Margaux ou l’écologie selon les politiques

par Un vigneron enragé
vendredi 8 décembre 2006

Au moment où les politiques de tous bords n’ont qu’un mot à la bouche, environnement, et en bandoulière le slogan principe de précaution, les politiques et les hauts fonctionnaires, tous unis dans un élan sacré, s’apprêtent à assassiner un terroir, à ruiner un écosystème particulièrement sophistiqué qui a fait ses preuves depuis trois siècles, à défigurer une région qui comptait sur l’oenotourisme pour trouver un second souffle.

Il s’agit du projet, dévoilé le 26 avril 2006 aux populations du Blayais, Bourgeais et Médoc, de la construction d’une autoroute (deux fois trois voies) et d’une ligne LGV Paris-Espagne contournant par l’Ouest l’agglomération bordelaise, fièrement baptisée Grand contournement de Bordeaux :

Largeur de l’emprise : un kilomètre
Prévision du trafic : 25 000 camions /jour (pour commencer)
Concession (par adjudication ?) donc autoroute payant
Une seule sortie à Martignas (banlieue Sud de Bordeaux), aucune desserte de la presqu’île du Médoc

Deux tracés ont été retenus par le préfet et la DDE après un simulacre de concertation (aucune objection ni la moindre proposition alternative n’ont été entendues). Tous deux dévasteraient les sites naturels, archéologiques et vignobles de Blaye, Bourg-du-Médoc et en particulier de Margaux !


Le Médoc compte quatre premiers grands crus classés et cinquante-cinq grands crus classés en 1855. A elle seule, l’appellation Margaux totalise un premier grand cru classé qui porte son nom et vingt-et-un grands crus classés, onze crus bourgeois, sept crus bourgeois supérieurs, deux crus bourgeois exceptionnels ! Les amateurs et professionnels du monde entier ont pour cette région les yeux du croyant pour les lieux saints.

Pourquoi sacrifier ce capital inestimable ?

La filière représente annuellement l’équivalent de la vente de cent cinquante airbus. Est-il raisonnable de compromettre son image, son potentiel de production et son écosystème ?

Cette autoroute sera-t-elle utile ?
Pas pour les populations concernées par son tracé, qui ne seront pas desservies ni désenclavées. Elle n’apportera aucun soulagement au périphérique actuel déjà saturé par le trafic local, car les camions n’empruntent pas l’autoroute A10 (payant) mais la RN10 (gratuite) et n’auront aucune raison d’utiliser un contournement plus long et payant.

Y a-t-il d’autres solutions ?
Oui. Ferroutage, merroutage, doublement du périphérique existant, autres tracés moins dommageables pour l’environnement. Tout cela a été proposé, mais pas entendu, ou refusé sous des prétextes peu sérieux et quelquefois cyniques (voir les déclarations du préfet au magazine Le Point n°1776 du 28/09/06.)

La DDE avance que les tracés retenus sont les plus courts.
Ceci est honteusement faux. La simple lecture d’une carte suffit à prouver le contraire.

Le préfet prétend que ces tracés ne touchent pas le vignoble.
Ceci est honteusement faux. Après nombre de péripéties, seuls ceux des plus grands crus n’ont pas été sacrifiés aux bulldozers. Mais beaucoup d’autres disparaîtront et à côté, des terroirs actuellement en attente de classement, car de grande qualité, seront définitivement perdus pour l’humanité. Mais les dommages causés à l’ecosystème seront aussi ressentis par les plus grands crus, même par ceux qui ne seront pas exactement limitrophes de l’autoroute.

Le préfet déclare (au Point) qu’il attend toujours qu’on lui démontre, chiffres en mains, l’étendue de ces dommages. Il sait pertinemment qu’il faut plusieurs décennies après la construction d’un tel ouvrage pour satisfaire cette demande. On a aujourd’hui les résultats des ouvrages existants depuis trente ans, et ce n’est pas encourageant...

Le préfet déclare à Sud-Ouest et au Point que les ingénieurs hydrauliciens du XXIe siècle sont certainement aussi bons que ceux du XVIIe. Il a raison : le gouvernement hollandais, affolé par la catastrophe de La Nouvelle-Orléans, a procédé à l’examen des polders construits pendant la seconde moitié du XXe siècle. Ses ingénieurs lui recommandent de déplacer les populations de ces polders et de détruire les digues gigantesques édifiées récemment pour reconstituer les zones-éponges humides indispensables pour protéger l’ensemble du territoire.

Exactement comme au XVIIe siècle !

On voit que l’intérêt pour l’environnement des politiques et des fonctionnaires relève du seul discours, et qu’ils tiennent un double langage.

Les citoyens de la Gironde, et particulièrement ceux des zones concernées, sont atterrés.

Devant des pouvoirs publics autistes, ils lancent ici un cri d’alarme. Ils demandent à leurs concitoyens de venir à leur secours en se joignant à leur protestation. De nombreux collectifs ont ouvert des sites sur le sujet, il suffit de les consulter sur Internet. En particulier, celui de Margaux (www.margaux-danger.com) est parfaitement explicite et comprend de nombreuses cartes routières et géologiques.

Merci

Un vigneron enragé


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