Notre Drame des Landes
par olivier cabanel
jeudi 18 janvier 2018
Ça y est, Macron 1er a tranché, le projet d’un aéroport international à NDDL est finalement abandonné, mais « monsieur en même temps », expert es-duplicité, semble être tenté de faire évacuer par la force les 1650 hectares occupés par les militants, devenus pour la plupart des « nouveaux paysans », à moins que ce ne soit qu’un coup de bluf...
Il faut tout d’abord ce souvenir que la fameux « aéroport international » n’était qu’un prétexte pour implanter un gigantesque centre commercial, et les élus de Nantes ne semblent pas avoir compris que cette opération commerciale aurait vidé en quelques années le centre de leur belle ville, ainsi que cela se produit immanquablement dans les villes qui ont fait construire de tels centres dans leur périphérie.
Mais revenons à NDDL et à sa zone à défendre.
Avec ses 70 lieux de vie habités, ses 17 lieux d’activité, et ses 260 hectares cultivés, on comprend bien que les occupants n’ont aucune envie de faire une croix sur ce lieu qu’ils ont sauvé des engins des bétonneurs de Vinci, protégeant des espèces souvent rares, comme le Triton de Blasius ou le Crossope aquatique... et quelques autres, alors que 1500 espèces de plantes, ou d’animaux ont déjà été inventoriées sur cette zone humide protégée. lien
Ajoutons la création d’un « non marché », lequel se tient tous les vendredis à 17h...tout ce qui y est proposé est produit sur la ZAD, le prix est libre...
L’un de ces zadistes produit de la farine depuis 3 ans, et la production est loin d’être négligeable, puisqu’elle a atteint les 5 tonnes.
D’autres élèvent des vaches, ou fabriquent une bière, appelée « la bulle noire »... les décisions se prennent collectivement, des fermiers élèvent des moutons, et un hangar de charpentiers a été créé... lien
Depuis l’évacuation avortée de 2012, les occupants se sont progressivement installés dans le bocage, construisant un moulin, une bibliothèque, une épicerie, une crèche, un studio de hip-hop, se réunissent régulièrement pour évoquer la suite, lorsque l’aéroport sera finalement abandonné, avec la volonté de s’inspirer de ce qui s’était passé sur le plateau du Larzac, entre 1971 et 1981. lien
Ils sont entre près de 400 personnes à vivre en permanence sur le site, ce qui est peu face au 4400 gendarmes, crs, et autres militaires lourdement armés, que le gouvernement semble être décidé à envoyer pour les déloger, avec l’aide d’engins, de blindés, armés de gaz lacrymogènes, de flash Ball, de drones, de grenades de désencerclement, (pourtant interdites récemment par décret)...
En effet, il serait question de 40 escadrons de gendarmerie mobile, (chaque escadron comportant 110 gendarmes) pour une période d’au moins 3 semaines...lien
Le pot de fer contre le pot de terre donc...
Sauf que les zadistes se sont donnés les moyens de mobiliser, si on veut bien se souvenir de ce qui s’était passé en automne 2012, ou 40 000 zadistes s’étaient rendus sur zone, convergents de toute la France, et que l’opération policière avait tourné en eau de boudin.
Manuel Valls doit s’en souvenir encore...
Rappelons aussi qu’en 2016, les paysans étaient venus en renfort, avec pas moins de 150 tracteurs. lien
Que se passera-t-il cette fois ?
Y aura-t-il des morts, des blessés, d’autant qu’un dirigeant de la gendarmerie affirme : « il y a aura des blessés des deux côtés, voire des morts... ».
Personne n’a oublié le drame de Sivens ou Rémy Fraisse avait trouvé la mort, sans qu’une condamnation ait été prononcée, puisque les juges viennent de prononcer un non-lieu. lien
Il en avait été de même à Creys-Malville, puisque la mort de Vital Michalon s’était conclue par un autre non-lieu...
Chez les insoumis, on s’inquiète, et peut être à juste titre, en se disant qu’il pourrait y avoir des dégâts... mais qui ne serait pas inquiet ? lien
Si les leaders élus de la « France Insoumise », et de la mouvance écologiste, décidaient d’être présents sur le site, avec leur écharpe tricolore, il serait peut-être possible d’éviter le pire...
En tout cas, les Insoumis ont fait savoir leur sentiment dans un communiqué récent. lien
Si le ministre de l’environnement, qui assure contester le projet NDDL, était là aussi, il est possible que les « forces de l’ordre » seraient moins agressives... mais il aura beau jeu de dire qu’il a gagné, que l’aéroport ne se fera pas, et qu’il n’est pas possible d’accepter des zones de non droit... alors que le projet mené depuis quelques années par les zadistes est éminemment écologique, et respectable.
De plus, les habitants de la ZAD ne sont pas légalement expulsables.
Alors que Collomb, ministre de l’intérieur, affirme qu’il y aurait chez les zadistes « quelques éléments radicaux ultra violents », les occupants de la zone, appuyés par le syndicat de la magistrature, par le syndicat des avocats de France, et par le DAI, expliquent pourquoi ces expulsions ne seraient pas légales.
D’abord, les 14 lieux d’habitation de la ZAD ayant été l’objet de procédure d’expulsion bénéficient tous de la trêve hivernale, et ne pourraient être expulsés avant le 31 mars. lien
Ensuite, plus de 60 habitants de cette ZAD n’ont pas encore été l’objet de procédure d’expulsion, et le droit français est précis à ce sujet : « tout habitant d’un lieu considéré comme son logement principal, même sans droit, ni titre doit pouvoir bénéficier d’une procédure nominative avant qu’un juge décide de son expulsion et que la préfecture puisse ensuite accorder le concours de la force publique pour la mettre en œuvre ». lien
Il serait surprenant que le ministre de l’intérieur, l’un des garants de la justice de notre pays, ne soit pas au courant de ces dispositions légales, et se mette ainsi hors la loi, d’autant que le 1er ministre donne jusqu’au 30 mars aux « occupants illégaux » pour quitter ce lieu. lien
Toute la responsabilité de ce qui se passera est donc du domaine du chef de l’état, ce même chef de l’état qui aime à pratiquer le « double discours), comme à Calais par exemple, ou il appelle les gendarmes à ne pas commettre de délits, du genre : « tentes arrachées, couvertures brulées, gaz lacrymogènes servis en guise de repas, humiliations diverses, et autres violences »... mais ajoutant qu’il fallait en apporter la preuve.
Extrait : « aucun manquement à la déontologie ne sera toléré (...) si manquement il y a, des sanctions seront prises (...), je ne peux pas laisser accréditer l’idée que les forces de l’ordre exercent des violences physiques ou confisques des effets personnels des migrants (...) utilisent des gaz lacrymogènes sur les points d’eau (...) ma réaction sera proportionnelle à la confiance sans faille que je place en vous ». lien
Sauf que les images parlent d’elle-même, et que ces exactions ont effectivement eu lieu, d’autant qu’un rapport a été produit, rapport dont manifestement Macron n’a pas pris connaissance. lien
Coups, injures, vol de chaussures, ou d’argent, membres fracturés, blessures visibles, témoignages convergents... tout est détaillé dans un rapport accablant. lien
Témoignage d’un jeune Erythréen de 17 ans : « les policiers s’approchent de nous pendant que nous dormons et nous aspergent de gaz. Ils le pulvérisent sur tout notre visage, dans nos yeux ». lien
Aujourd’hui les zadistes s’interrogent : ces infos que le gouvernement fait fuiter sont-elles une tentative d’intimidation ? De l’intox pour mettre la pression ?
En tout cas, en réponse à toutes ces questions, les zadistes proposent un grand rassemblement sur site, le 10 février prochain à midi, avec comme thème « enracinons l’avenir ». lien
Pour l’instant, on s’organise sur les réseaux, et des réunions sont programmées un peu partout pour organiser la suite. lien
Connaissant la duplicité coutumière du nouveau président, tout est possible, puisqu’il a montré à plusieurs reprises qu’il pouvait dire une chose...et faire exactement le contraire.
Cette victoire pourrait donc être un « trompe l’œil »...
En tout cas, Macron est allé jusqu’à menacer ceux qui « dénonceraient des violences policières »... et « il est prêt à les attaquer en diffamation », (lien) alors qu’il a reçu au moins un rapport qui a apporté les preuves accablantes de ces violences policières. lien
Au moment des manifestations contre la loi travail, un rapport avait aussi été produit dénonçant les violences policières. lien
Manifestement Emmanuel Macron n’a pas eu non plus le temps de le lire...
Comme dit mon vieil ami africain : « un comprimé n’est pas forcément un imbécile récompensé ».
L’image illustrant l’article vient de lutteaeroportnddl.com
Merci aux internautes pour leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
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