Nucléaire ou charbon, il faut choisir

par Bertrand Cassoret
mercredi 30 mars 2011

C'est l'abondance d'énergie qui a permis de passer d'une société agricole au début du 19ème à une société tertiaire comme nous la connaissons dans les pays riches. Payer la grosse majorité des gens à enseigner, gérer, soigner, communiquer, informer, aider, chercher... alors qu'une minorité réussit à faire à manger et des biens pour (presque) tout le monde. Cette société évoluée de gens qui réfléchissent, qui ne bossent que 35h par semaine avec des congés payés, on ne la doit pas qu'aux luttes syndicales, mais aussi et surtout à 3 sources d'énergie : charbon, gaz, pétrole.

L'importance de l'énergie est largement sous-estimée dans l'incroyable évolution de notre société depuis 200 ans. Sans machines ni transports consommant beaucoup d'énergie, nous serions encore tous dans les champs à ramasser des patates à la main. Pas de développement sans énergie. Il y a même clairement une corrélation entre espérance de vie et consommation d'énergie.
Dans un litre d'essence, il y a grosso-modo l'équivalent de 10 jours de travail d'un être humain, et on trouve que l'essence est chère....

Les discours sur l'efficacité énergétique sont utopistes : lutter contre les gaspillages c'est bien mais il y a des limites physiques finies : la quantité d'énergie nécessaire pour chauffer un litre d'eau ne peut pas descendre en dessous de m*c*teta, la quantité d'énergie nécessaire pour monter une masse M d'une hauteur h ne peut pas descendre en dessous de M*g*h.... Dans les rêves les plus fous, en optimisant tout on pourrait gagner 30% d'énergie ; il reste 70% à fournir...

Vivre avec moins d'énergie, ca n'est pas seulement, comme je l'entends souvent, acheter moins de biens à la société de consommation et se passer du dernier téléphone portable, écran plat ou des vacances aux sports d'hiver. Non vivre avec moins d'énergie c'est inévitablement plus de travail, plus de pauvreté, d’inégalités, de tâches ingrates, et moins de loisirs, moins de soins, de retraites, de congés, de nourriture, de logements, d’emplois intéressants...

Le charbon, le gaz et le pétrole représentent environ 85% des sources d’énergie actuellement dans le monde.
Les réserves de pétrole diminuent drastiquement (je suis absolument convaincu de l'imminence du peak oil et de ses conséquences énormes et largement sous-estimées), les réserves de gaz sont inquiétantes (pic de production vers 2050), tandis que les réserves de charbon restent abondantes et que le C02 réchauffe le climat.
Le charbon est malheureusement une énergie d'avenir : c'est actuellement la 1ere source d'énergie pour la production d'électricité dans le monde, et sa consommation est en croissance très forte. On est même capable de transformer le charbon en carburant liquide capable de faire avancer des véhicules (Les allemands le faisaient déjà durant la 2nde guerre mondiale). Et bien sûr le charbon est ce qu'il y a de pire par rapport au réchauffement climatique et aux pollutions diverses.



Les énergies renouvelables sont à encourager, aucun doute là dessus. Mais même les antinucléaires convaincus n'affirment pas qu’on puisse remplacer les centrales nucléaires et thermiques par des énergies renouvelables.

Les scénarios anti-nucléaire style négawat se basent sur :
- efficacité énergétique , diminution des gaspillages : c'est bien, mais ce sera malheureusement dérisoire.
- énergies renouvelables : à développer bien sûr, mais le problème de l'intermittence est crucial : il faudrait des moyens de stockage ce qui est très délicat et forcément (très) dangereux... Et même en oubliant ce problème les ordres de grandeurs resteront encore longtemps sans rapport avec les besoins.
- remplacement par du gaz. Alors là je crois rêver quand j'entends ça. Préférer le réchauffement climatique aux déchets nucléaires, c'est vraiment se tromper de priorité.
- la baisse de la consommation d'électricité : utopie complète. La demande augmente largement dans le monde et elle continuera au moins avec la croissance démographique. Elle a encore augmenté en France en 2010. Et c'est isoler l'électricité des autres énergies, or l'un ne va pas sans l'autre : le manque de pétrole et de gaz entrainera une hausse de la demande d'électricité car les techniques de chauffage efficace style pompes à chaleur consomment de l'électricité , les transport en commun consomment de l’électricité, les usines consommant du charbon/gaz/pétrole se reporteront sur l’électricité...

Je suis donc convaincu que nous allons avoir d’énormes (et le mot est faible) problèmes liés à l’énergie dans le futur, avec ou sans nucléaire, avec ou sans renouvelables. Nous subirons la décroissance liée au manque d’énergie. Je pense qu’il faut essayer de limiter les problèmes, ce qui signifie trouver de l’énergie.
Je suis également convaincu que la baisse du nucléaire entrainera inévitablement une hausse non seulement de la consommation de gaz mais aussi de charbon.

Entre 2 maux, quel est le moindre ? Les déchets nucléaires et les accidents radioactifs ou les émissions de CO2 et les maladies pulmonaires du charbon ?
Regardons les statistiques du passé : Le nucléaire a fait depuis 40 ans quelques milliers de morts : Tchernobyl 4000 morts d’après les fourchettes hautes des enquêtes épidémiologistes fournies par l’ONU qui n’est pas spécialement inféodé au « lobby nucléaire », 25000 d’après certains opposants au nucléaires ; et Fukushima ne changera pas grand chose aux ordres de grandeurs. Pendant ce temps là, rien que dans les mines de charbon du monde, 10000 à 15000 morts par an. Cela signifie que depuis Tchernobyl, l’exploitation seule des mines de charbon a tué au moins 300000 personnes, soit entre 10 et 100 fois plus que le nucléaire pour une production d’électricité seulement 3 fois supérieure. Et je pense que les problèmes à long terme liés à la radioactivité n’ont rien à envier à ceux liés au charbon (sillicose des mineurs, maladies respiratoires autour des centrales thermiques, réchauffement climatique et ses conséquences...) .
Bref le nucléaire n’est statistiquement pas la source d’énergie la plus dangereuse et de loin. On peut faire un parallèle avec les transports : un crash aérien tue beaucoup de gens mais on sait bien que l’avion est le moyen de transport le plus sûr.
Toutes les sources d’énergie ont leurs inconvénients. Personne ne parle par exemple de la rupture d’un barrage au japon qui a fait plus de morts pour l’instant que la centrale nucléaire de Fukushima ; pas plus qu’on ne parle des explosions dues au gaz.
Je suis également convaincu que les éoliennes et le solaire ne pourront jouer un rôle important que si on les associe à des moyens de stockage importants et que ces derniers seront forcément très dangereux (hydrogène explosif, batteries explosives....)

Reste les traditionnels arguments anti-nucléaires :
- le nucléaire coute plus cher qu’on ne le dit. Oui sans doute, plus cher que les énergies fossiles ça c’est vrai. Vu l’importance des problèmes liés au manque d’énergie et au réchauffement climatique, la priorité ne me parait pas être de réduire les couts.
-les réserves d’uranium ne sont pas inépuisables : d’abord la question des réserves est tellement stratégique que, comme pour le pétrole, il est impossible de les connaître. Ensuite c’est complètement oublier la possibilité de la surgénération (je pense que la fermeture de superphenix a été une erreur historique)
- le nucléaire enrichit des multinationales. Oui et je m’en fous. Je me demande parfois si les verts veulent plus lutter contre Areva et le « lobby nucléaire » ou contre le réchauffement climatique ! Je suis aussi surpris de voir les verts, qui viennent plus de la gauche que de la droite, préconiser comme solution miracle l’individualisme plutôt que le collectivisme en prônant de petits moyens de production décentralisés. Je crois au contraire que les pertes sont bien plus importantes dans les petits moyens de production que dans les gros.

Je conseille donc à quiconque veut placer ses économies de spéculer sur le gaz et le charbon, ça va monter c’est sûr !

Bertrand Cassoret


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